Côté pile, ces plateformes permettent d’éviter la pollution générée par la production des vêtements. Côté face, leur fonctionnement addictif nous pousse à accumuler les colis au-delà de nos besoins.
« Avant d’acheter quoi que ce soit, regarde déjà ce que tu as déjà dans tes placards » ; « cette robe que tu trouves démodée peut servir à isoler une maison : recycle-la ! » : sur Instagram, Vinted incite ses utilisateurs·ices à consommer de manière responsable, entre deux idées de tenues avec des pièces de seconde main. Tout comme Leboncoin et les autres sites de commerce en ligne spécialisés dans le réemploi, la plateforme lituanienne a connu un essor spectaculaire : elle revendique 50 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 19 millions en France.
La mode, une industrie extrêmement polluante
Prolonger la durée de vie des vêtements qui dorment au fond de nos placards : à première vue, difficile de se dresser contre la promesse de ces plateformes. Pour fabriquer et teindre nos habits, il faut des milliers de litres d’eau – 7 500 pour un jean, selon l’ONU – sans compter les émissions de gaz à effet de serre liées à la transformation des fibres textiles comme le coton ou le polyester, dérivé du pétrole, ainsi que le transport des marchandises. Selon un rapport du cabinet McKinsey, la mode a émis l’équivalent de 2,1 milliards de tonnes de CO2 en 2018, ce qui représenterait environ 4 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les Nations Unies évoquent un pourcentage variant de 2 à 8 %.
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Des plateformes au fonctionnement addictif…
En raison des prix attractifs et des applications pensées pour qu’on y passe le plus de temps possible, le risque de multiplier nos achats et de créer un effet « rebond » est bien réel. D’après une étude réalisée en partenariat avec la chaire « Trend(s) » de l’Université de Lille, les plateformes sont conçues de manière à nous pousser à consommer toujours plus. Vinted a un fonctionnement particulièrement addictif : « ll faut toujours être le ou la première sur le coup, ce qui pousse à l’hyperconsommation, explique à Vert l’une des autrices de l’étude, Élodie Juge. Et avec les notifications et les alertes, tout est fait pour accélérer les achats, d’autant plus que la plateforme met davantage en valeur les vendeur·ses qui écoulent le plus de produits. »
…Qui ne privilégient pas toujours les circuits courts
Pour avoir une idée exacte de l’empreinte environnementale des plateformes comme Vinted et Leboncoin, il faudrait aussi connaître les émissions de CO2 générées par l’envoi des colis. Des données qui font l’objet d’une bataille d’études, mais on devine aisément qu’un échange en main propre sera toujours moins polluant que de commander des vêtements qui parcourent des centaines, voir des milliers de kilomètres dans des camions de livraison pour rejoindre notre garde-robe. Or, Vinted a supprimé la fonctionnalité qui permet de localiser les articles près de chez soi. En comparaison, Leboncoin a un fonctionnement un peu plus vertueux, puisque le site nous permet de trier géographiquement le résultat de nos recherches. Le label de la friperie solidaire Emmaüs en ligne a aussi mis en place une plateforme de dons et d’achats entre particuliers, Trëmma, qui propose cette option.
Pour s’habiller écolo, privilégiez les achats indispensables et locaux
Pour s’habiller de manière écolo, le chef du service « consommation responsable » de l’Agence de la transition écologique (Ademe), Pierre Galio, recommande auprès de Vert les achats « agréables, utiles et justes sur les plans environnementaux et sociaux, en se posant la question : est-ce que j’en ai vraiment besoin ? »
La solution la plus vertueuse reste encore de piocher dans les rayons des friperies Emmaüs, qui participent aussi à l’insertion de publics précaires. Autres conseils de la chercheuse Élodie Juge : « apprendre à regarder nos vêtements autrement, prendre le temps de les réparer » pour démoder l’envie de racheter toujours de nouveaux habits.
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Cet article est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, questions d’actualité, ordres de grandeur, vérification de chiffres : chaque jeudi, nous répondrons à une question choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez voter pour la question de la semaine ou suggérer vos propres idées, vous pouvez vous abonner à la newsletter juste ici.