Reportage

À l’Université d’été du Medef, le gouvernement et TotalEnergies se félicitent de leur transition énergétique

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Patron vite. L’Université d’été du Medef, qui s’est tenue lun­di et mar­di à Paris, a invité des expert·es du secteur de l’énergie, dont le PDG de Total­En­er­gies, à réfléchir à la tran­si­tion énergé­tique. L’occasion pour certain·es de van­ter le chemin par­cou­ru par la France.

Au cœur du bois de Boulogne, dans le cos­su seiz­ième arrondisse­ment de Paris, l’hippodrome de Longchamp grouille de monde ce mar­di après-midi. Vêtu·es de cos­tumes et de tailleurs, les visiteur·ses ne sont pas là pour voir courir les chevaux : elles et ils sont venu·es par­ticiper à la cinquième édi­tion de la Ren­con­tre des entre­pre­neurs, un vaste raout organ­isé par le Mou­ve­ment des entre­pris­es de France (Medef), le prin­ci­pal syn­di­cat des patrons. En dehors d’un stand van­tant l’engagement des entre­pris­es face à la tran­si­tion et d’un bac pour recy­cler les badges visiteur·ses à la sor­tie, l’écologie paraît être une loin­taine préoc­cu­pa­tion des organisateur·rices de l’événe­ment.

La table ronde, à l’hip­po­drome de Longchamp. © Jus­tine Prados/Vert

Depuis les tri­bunes, le pub­lic assiste à une table ronde sur l’avenir de l’énergie en présence de la min­istre de la tran­si­tion énergé­tique, Agnès Pan­nier-Runach­er, du PDG de Total­En­er­gies, Patrick Pouyan­né et du célèbre paléo­cli­ma­to­logue Jean Jouzel. L’occasion pour ce dernier de délivr­er une énième piqûre de rap­pel : «L’ampleur du réchauf­fe­ment cli­ma­tique dépend très directe­ment de notre util­i­sa­tion des com­bustibles fos­siles. C’est main­tenant qu’il faut agir, et ce n’est pas ce que nous faisons, puisque les émis­sions liées aux éner­gies fos­siles con­tin­u­ent d’augmenter», martèle le sci­en­tifique.

Pas ques­tion pour Agnès Pan­nier-Runach­er de laiss­er penser que l’exécutif ne saisir­ait pas l’urgence. «La tran­si­tion énergé­tique est une pri­or­ité absolue du prési­dent et de la pre­mière min­istre, une pri­or­ité qui se traduit en résul­tat», défend la min­istre, rap­pelant que la France a réduit ses émis­sions de 2,7% en 2022 — des résul­tats pour­tant pas entière­ment imputa­bles à l’action du gou­verne­ment.

«J’entends l’avis des sci­en­tifiques», con­vient le PDG de Total­En­er­gies. «Le prob­lème, c’est qu’il y a aus­si la vie réelle», ajoute-t-il, évo­quant la flam­bée des prix et la crise énergé­tique liée à la guerre en Ukraine. À plusieurs repris­es, le patron affirme assumer ses investisse­ments dans les hydro­car­bu­res, au nom de «la vraie vie», tout en invo­quant ses efforts par­al­lèles pour dévelop­per les éner­gies renou­ve­lables. Tou­jours est-il que la major pétrolière a pro­duit quelque 165 fois plus d’hydrocarbures que de renou­ve­lables en 2022, selon nos cal­culs.

Sous les applaud­isse­ments nour­ris du pub­lic, le patron de Total­En­er­gies rap­pelle que la France ne s’en sort pas si mal grâce au nucléaire. «On est déjà un des pays les plus décar­bonés au monde par habi­tant et par point de PIB», se sat­is­fait Patrick Pouyan­né.

«Cher Patrick», tem­père la min­istre en souri­ant, «il ne faut pas cacher le fait que ça va être dif­fi­cile. Si on veut être sérieux au regard du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, il faut qu’on puisse pos­er des tra­jec­toires de réduc­tion des éner­gies fos­siles dans un cal­en­dri­er plus ou moins rapi­de, peut être 2040, 2045…»

Luc Rémont, PDG d’EDF, Agnès Pan­nier-Runach­er, min­istre de la tran­si­tion énergé­tique et Patrick Pouyan­né, PDG de Total­En­er­gies. © Emmanuel Dunand/AFP

«On voit bien que pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone il faut faire vite, et on ne va pas assez vite», inter­jecte Jean Jouzel, insis­tant sur l’importance d’agir dès main­tenant pour lim­iter au max­i­mum les impacts du dérè­gle­ment cli­ma­tique.

«Moi je ne peux pas enten­dre qu’on n’est pas en train d’accélérer», affirme Agnès Pan­nier-Runach­er, évo­quant entre autres la récente loi de développe­ment des renou­ve­lables (notre arti­cle). Lais­sant le cli­ma­to­logue hocher la tête, pas entière­ment con­va­in­cu, et le patron de Total­En­er­gies esquiss­er un sourire, vis­i­ble­ment à son aise.