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Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce

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Dans son essai politi­co-poé­tique « Plutôt couler en beauté que flot­ter sans grâce », Corinne Morel Dar­leux pro­pose de lut­ter encore face à la cat­a­stro­phe qui vient. Par sincérité, par human­ité et parce que chaque gramme de beauté en vaut la peine 

Présen­té par l’autrice comme un « livre d’in­tu­itions » sur l’ef­fon­drement, ce petit ouvrage écrit à la pre­mière per­son­ne mêle tout à la fois des con­sid­éra­tions poli­tiques et des réflex­ions philosophiques sur notre des­tin, indi­vidu­el et col­lec­tif. La mémoire du nav­i­ga­teur Bernard Moitessier, les luci­oles de Pasoli­ni ou les écrits de Romain Gary accom­pa­g­nent le réc­it. L’écri­t­ure est déli­cate et ciselée, sou­vent nos­tal­gique, tou­jours bien­veil­lante.

Face « au Mon­stre, à la Machine » et aux destruc­tions qu’en­gen­dre le monde mod­erne, Corinne Morel Dar­leux pro­pose une éthique de la cat­a­stro­phe, en trois actes : le refus de par­venir, le cess­er de nuire et la dig­nité du présent. Ain­si, con­tre les désirs pro­gram­més du con­som­ma­teur-payeur, elle refuse les réus­sites qui n’en sont pas, comme l’ac­cu­mu­la­tion de biens matériels ou le car­riérisme stérile. Sa réflex­ion sur nos tra­jec­toires per­son­nelles s’ac­com­pa­gne d’une propo­si­tion poli­tique sur le ren­force­ment des ser­vices publics et des biens com­muns, égratig­nant au pas­sage le développe­ment d’« une écolo­gie ‘intérieure’ dépourvue de con­science de classe, qui se drape dans l’apolitisme et s’ex­onère d’analyse sys­témique ».

Sa propo­si­tion la plus puis­sante est celle de préserv­er la beauté du monde « en gage de notre human­ité ». Alors que l’avenir s’as­sombrit, Corinne Morel Dar­leux invite à réé­val­uer nos actions et nos luttes « non plus unique­ment à l’aune de leur effi­cac­ité future mais aus­si à celle de leur sincérité et de la dig­nité qu’elles appor­tent au présent ». En bref, sauver ce qui peut l’être, tout sim­ple­ment parce qu’il le faut.

Plutôt couler en beauté que flot­ter sans grâce, Corinne Morel Dar­leux, 2019, Lib­er­talia, 109 p., 10€