Le genre était au programme de la COP26, ce mardi. Hélas, il y eut peu d’annonces concrètes, mises à part quelques initiatives isolées. La Bolivie, l’Équateur ou la Suède prévoient par exemple de renforcer leur prise en compte des inégalités de genre dans leurs stratégies climatiques (CCNUCC). Le Royaume-Uni a aussi promis une enveloppe conséquente de 165 millions de livres (environ 190 millions d’euros) pour financer des projets qui mêlent genre et climat. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’argent nouveau mais simplement d’une portion de l’aide britannique au développement redirigée vers ces questions-là.
Pourtant, l’articulation entre genre et climat mériterait plus d’attention. Les femmes sont particulièrement vulnérables au changement climatique, notamment dans les pays du Sud. 80% des personnes déplacées par le dérèglement climatique sont des femmes et des enfants, selon les organisateurs de la COP26. Dans les sociétés rurales traditionnelles, elles sont responsables des ressources (eau, bois), dont la raréfaction engendre une surcharge de travail. De plus, l’accès différencié à l’éducation implique que les femmes ne disposent pas forcément des mêmes ressources pour réagir en cas de choc climatique, beaucoup ne savent pas nager, par exemple. Deux études citées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont calculé que les femmes et les enfants représentaient 96% des victimes des inondations mortelles aux Îles Salomon en 2014, et qu’elles et ils ont globalement 14 fois plus de chances que les hommes de mourir lors d’une catastrophe naturelle.
Dans la vallée du glacier de Huaytapallana, au Pérou, le dérèglement climatique fragilise l’accès à l’eau de plus d’un demi-million de personnes. Il y a quelques années, l’ONG humanitaire Care a mené une large concertation auprès des femmes agricultrices de cette communauté pour adapter son mode de vie au changement climatique. Grâce à leur connaissance de leurs terres, elles ont opté pour des cultures moins gourmandes en eau et planté des arbres dont les racines maintiennent l’eau dans le sol. Dans cette petite communauté, les femmes ont gagné en responsabilité et favorisé la résilience de la population.
Mais au niveau international, l’articulation du genre et du climat peine à s’établir dans les négociations. En 2015, l’Accord de Paris intègre pour la première fois l’idée que l’adaptation doit être « sensible à l’égalité des sexes ». Quatre ans plus tard, à Madrid, un plan d’action sur « les questions de genre et de changements climatiques » est ratifié. Il prévoit de collaborer pour améliorer la prise en compte des inégalités femmes-hommes au niveau international (avec des financements sensibles au genre par exemple) mais aussi au niveau des États à travers les Contributions déterminées au niveau national (NDCs) ou les plans d’adaptation nationaux. Un accord encourageant bien qu’encore timide. Vendredi dernier, une décision a été adoptée à Glasgow pour réaffirmer les principes de cet engagement. Elle reste cependant non-contraignante : chaque État est libre de s’impliquer ou de proposer – ou non – des financements.
Pour de nombreuses ONG, la société civile doit être davantage associée aux prises de décision pour comprendre les besoins spécifiques des femmes face aux aléas climatiques. « Notre objectif, c’est d’inciter les pays à toujours analyser les besoins de leur population à travers le prisme des inégalités de genre, pour que ça se reflète dans les politiques publiques et les financements », explique à Vert Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer pour Care France.
« On avance doucement mais sûrement », reconnaît-elle. En juin 2021, son association a étudié dans un rapport la manière dont les différentes NDCs intégraient les enjeux liés au genre. Les États « champions » sont sans exception des pays du Sud comme les Îles Marshall, le Cambodge, le Népal, le Kenya, le Honduras ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Des pays particulièrement touchés par le changement climatique, où « la collaboration avec toutes les populations vulnérables n’est rien de plus qu’une question de survie ».
En France, la réponse est plus mitigée. Il y a quelques semaines, le réseau d’ONG Coordination SUD a publié un baromètre qui mesure les politiques internationales françaises en matière de climat. Celui-ci juge que la France a joué un rôle de premier plan dans la mise à l’agenda du sujet « genre et climat », mais que ses actions demeurent « bien trop modestes par rapport au discours et à l’ambition affichée ».
« La question n’est pas de savoir si les institutions en font assez pour intégrer les inégalités de genre, mais plutôt comment faire en sorte que ça devienne systématique », estime Camille Le Bloa, chargée de mission sur les sujets liés à l’égalité femmes-hommes pour l’Agence française de développement (AFD). « Il faut simplement que l’on augmente les moyens humains et financiers pour articuler ces deux thématiques. »