Les Etats promettent de réduire leurs émissions à zéro en misant toujours sur les mauvais numéros.

Avant la COP, le plan famélique du Royaume-Uni pour atteindre la neutralité carbone
Premier sinistre. Le gouvernement britannique vient de présenter une feuille de route bien légère et sous-dotée pour atteindre ses objectifs climatiques.
Boris Johnson ne pouvait pas arriver les mains vides à la 26ème conférence de l'ONU (COP26) sur le climat, qui s'ouvre dans dix jours sur le sol britannique. Depuis de longs mois, le premier ministre autrefois frivole sur ces sujets donne dans le storytelling pour convaincre le monde de sa bonne volonté. Au printemps, il a annoncé que son pays viserait une baisse de 78% de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2035 – l'objectif le plus ambitieux de tous les pays occidentaux – puis la neutralité carbone en 2050.
Mardi, le gouvernement a publié sa stratégie pour y parvenir. Son plan prévoit notamment l'investissement de 3,9 milliards de livres (4,6Mds€) pour décarboner le secteur résidentiel. Une partie servira à subventionner l'achat de pompes à chaleur par les ménages. 124 millions de livres (146M€) devront permettre de restaurer quelque 280 000 hectares de tourbières et créer 30 000 hectares de forêts par an.

Mais c'est surtout sur l'innovation que compte Boris Johnson, lui qui porte le projet d'une « révolution industrielle verte ». 1,6 milliard de livres (1,9Mds€) serviront à encourager le développement de la voiture électrique. Des enveloppes sont prévues pour développer les énergies décarbonées comme l'éolien, l'hydrogène et le nucléaire. Ainsi que le carburant « durable » pour l'aviation et la capture et la séquestration de CO2 (notre article à ce sujet). Hélas, le gouvernement s'est gardé d'annoncer la fin des nouveaux projets pétroliers et gaziers, alors que des permis d'exploration ont été accordés en mer du Nord au printemps dernier.
Depuis des semaines, le conflit sourd entre le premier ministre et Rishi Sunak, le ministre des finances, qui s'est toujours opposé à un fort soutien étatique à la transition. Résultat : comme l'ont noté de nombreux observateurs (y compris proches du gouvernement), ce plan apparaît bien maigre pour atteindre les objectifs climatiques du pays. Selon le Guardian, 31 milliards d'euros seront financés par l'Etat entre 2021 et 2025 ; les entreprises privées sont priées d'investir 60 milliards d'euros supplémentaires. Qu'à cela ne tienne, Boris Johnson promet de « libérer le pouvoir créatif unique du capitalisme pour conduire l'innovation qui fera baisser les coûts » de la transition.

·En 2019, les 1% les plus fortunés de la planète ont émis en moyenne 110 tonnes de CO2 chacun, contre 1,6 tonne pour la moitié la plus pauvre de l’humanité, selon une étude menée par l’économiste Lucas Chance. Il relève également que les 10 % les plus riches sont responsables de la moitié des émissions planétaires et estime que des mesures d’imposition devraient les cibler spécifiquement. - Libération
·D’ici à 2030, les gouvernements prévoient de produire une quantité de combustibles fossiles plus de deux fois supérieure à celle compatible avec la limitation du réchauffement de la planète à 1,5°C, révèle un nouveau rapport du Programme des nations unies pour l'environnement (PNUE). À dix jours de la COP26, celui-ci démontre que la plupart des pays continuent d’apporter un soutien politique important à la production de combustibles fossiles alors que celle-ci devrait diminuer immédiatement. - Info Durable (AFP)
· La Cour de Justice de la République a déclaré irrecevable la plainte déposée en juin dernier à l'encontre de Jean Castex et quatre de ses ministres pour inaction climatique. Une action engagée par l’eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Étienne, destinée à « mettre le gouvernement face à ses responsabilités », dont Vert s’était fait l’écho. Elle et ils n'excluent pas le dépôt d'une nouvelle plainte, selon Ouest-France - (AFP)


25 milliards d'euros
Pour quelques milliards de plus. En début de semaine dernière, le gouvernement a vanté son « budget vert » : l’analyse écologique des mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 2022. Selon l’exécutif, seuls 10,8 milliards d’euros de dépenses seront « défavorables » à l’environnement tandis que 32,5 milliards sont jugés « favorables » (Actu Environnement). Pointilleux, le Réseau Action Climat a mené ses propres calculs pour arriver à... 15 milliards supplémentaires ! Parmi les oublis, le RAC cite notamment l’exonération de taxation du kérosène qui représente une perte budgétaire de 3,6 milliards d’euros en 2002 ou encore la différence de taxation entre le diesel et l’essence (3,5 milliards d’euros). Magnanime, il indique avoir laissé de côté « les milliards d’euros accordés aux entreprises sans aucune conditionnalité climatique, ni les garanties de l’État notamment pour des projets d’hydrocarbures à l’étranger ». Le panorama des dépenses néfastes pour le climat et l'environnement est à lire ici. À vos calculettes !

Motoriser son biclou plutôt que d'acheter un vélo électrique
C'est branché. L'émergence du vélo à assistance électrique (VAE) permet de bousculer un peu plus le règne de la voiture individuelle sur nos trajets quotidiens. Mais les nouveaux modèles sont chers et gourmands en matières alors que nos biclous peuvent très bien faire l'affaire.
Le secteur des transports est un contributeur majeur au réchauffement climatique : en France, il représente un tiers des émissions de gaz à effet de serre. La voiture individuelle génère à elle seule 57% des émissions du secteur, selon le dernier bilan annuel de l’Etat. Un trajet en voiture sur quatre fait moins de trois kilomètres (Cerema) et pourrait donc être effectué autrement.
Si la marche ou le vélo classique restent imbattables d'un point de vue écologique (et même de santé publique), le VAE représente tout de même une solution 100 fois moins polluante que la voiture thermique, rappelle le Parisien. 338 000 exemplaires ont été vendus en 2019, attestant de leur popularité croissante.
Toutefois, l'électrification de son propre vélo, à pratiquer seul ou avec l'aide d'un professionnel, est une solution intermédiaire et encore méconnue, qui présente de nombreux avantages. Comme l'économie de matière liée à la fabrication d'un nouveau modèle. A cela s'ajoute, l'économie financière substantielle : selon l’UFC-Que choisir les kits d’électrification coûtent entre 400 et 1 000 euros contre un prix moyen de 1 749€ pour un VAE neuf. Ils peuvent en outre bénéficier d'aides locales à l'achat comme à Paris ou à Lyon.
L'UFC-Que choisir alerte toutefois sur le flou réglementaire autour de ces dispositifs, qui amène souvent les professionnels à rechigner à pratiquer l'opération. Homologués à leur fabrication, les vélos électrifiés deviennent des véhicules hybrides au statut juridique imprécis. En cas d'accident, les assurances peuvent s'en prévaloir pour refuser l'indemnisation, alerte l'association de consommateurs.

Débat fumeux
Moins de nucléaire = plus de gaz ? C'est en tout cas ce que prétendent de nombreux supporters de l'atome, usant parfois de sources fiables, comme la Stratégie nationale bas carbone de la France, feuille de route nationale vers la neutralité carbone. Dans son émission Désintox, Arte montre pourtant que la baisse maîtrisée de la part du nucléaire dans le mix électrique français – de 67% en 2020 à 50% en 2035 – peut être compensée par la montée en puissance des énergies renouvelables sans nécessiter l’ouverture de nouvelles centrales à gaz. C’est ce que dit la Stratégie nationale bas carbone, à condition de ne pas sauter de lignes.

+ Loup Espargilière a contribué à ce numéro