La quotidienne

Y disent qu’y voient pas les rapports

Lorsque les scientifiques tirent la sonnette d'alarme, les gouvernements préfèrent jouer la montre.


Le projet de loi climat critiqué par le Haut-conseil pour le climat

Dans un avis qui paraît ce mardi, le Haut-conseil pour le climat (HCC) pointe les nombreuses insuffisances du projet de loi « climat et résilience » du gouvernement. 

Mis sur pied par Emmanuel Macron fin 2018, le HCC rassemble d'éminent•e•s expert•e•s, dont la climatologue et membre du Giec Valérie Masson-Delmotte, ou l'ingénieur Jean-Marc Jancovici. Cette instance indépendante est chargée d'évaluer l'action climatique du gouvernement. 

Photo de famille du HCC à sa création, en novembre 2018. On y trouve Corinne Le Quéré et Valérie Masson-Delomotte, climatologues, ou l'ingénieur Jean-Marc Jancovici © HCC

Dans son avis, le Haut-conseil rappelle que « les émissions [de gaz à effet de serre] ont baissé de 1,2% par an en moyenne sur les cinq dernières années, alors que la diminution attendue devrait être de 1,5% par an » entre 2019 et 2023, puis « de 3,2% par an dès 2024 ». Or, « de nombreuses mesures du projet de loi prévoient des délais allongés de mise en œuvre (2024, 2025, 2030…) […] manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France ». C'est le cas de la création de consignes pour le verre ou de voies réservées aux transports collectifs et au covoiturage, ou encore du choix de menus végétariens dans les cantines scolaires.

Par ailleurs, « de nombreuses mesures portent sur des périmètres d’application restreints couvrant une part insuffisante des activités émettrices », notent encore les auteur•rice•s. L'interdiction de la publicité pour les produits les plus émetteurs de CO2 a, par exemple, été limitée par le gouvernement aux seules énergies fossiles ; « aucune mesure incitative ou contraignante » ne vise à réduire les émissions liées au chauffage des bâtiments.

« Le projet de loi n'offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France », clôt le HCC. Son avis confirme bon nombre de critiques déjà émises par les associations, élu•e•s, citoyen•ne•s et autres institutions publiques (Vert).

Le projet de loi est censé traduire certaines des 149 propositions faites par la Convention citoyenne pour le climat dans le but de réduire les émissions nationales de 40% d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Le HCC compte désormais sur les député•e•s, qui examineront le texte à partir de la fin mars, pour l'améliorer. 

• Lundi, des peines d'amende de 400 à 500 euros avec sursis ont été requises contre les militant•e•s écologistes qui avaient envahi, en octobre dernier, le tarmac de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac (Gironde). Entreprise dans le cadre d'une « marche sur les aéroports » organisée au niveau national par ANV-COP21 et Extinction Rebellion, l'action avait pour but de réclamer une baisse du trafic aérien. Les activistes ont plaidé l'état de nécessité. Le jugement sera rendu le 29 mars. - Le Parisien

• Ce mardi, la cour administrative d'appel de Bordeaux devra décider de la légalité ou non du lac artificiel de Caussade (Lot-et-Garonne). En 2018, des agriculteurs avaient creusé cette retenue d'eau de 20 hectares pour irriguer leurs cultures, malgré l'interdiction de la préfecture. En juillet 2020, le président et le vice-président de la chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne ont été condamnés à des peines de prison ferme (Bastamag). - 20 Minutes

Peut-on accueillir la COP 26 et ouvrir une nouvelle mine de charbon ?

Y dit qu'il voit pas le rapport. A quelques mois de recevoir la 26ème conférence des parties sur les changements climatiques – la COP 26, le gouvernement britannique soutient l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon sur son sol

Depuis des mois, le gouvernement de Boris Johnson se voit en leader de la lutte climatique. En juin 2019, le Royaume-Uni s'est promis d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 : cette année-là, les dernières émissions de CO2 encore générées devront être intégralement compensées, en plantant des arbres, par exemple. En novembre dernier, le premier ministre a promis une « révolution industrielle verte » (Guardian).

En février 2020, Boris Johnson s'était mis en scène avec le naturaliste David Attenborough lors de l'inauguration symbolique de la COP26 - qui se tiendra finalement à Glasgow en novembre prochain. ©  Number 10

Sa décision de soutenir l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon dans le Nord-est du pays paraît d'autant plus incompréhensible. En février, la région de Cumbria avait pourtant suspendu ce projet, en raison des craintes exprimées au sujet du climat. Mais jeudi dernier, 40 député•e•s de la majorité conservatrice au Parlement ont écrit au chef du conseil régional pour lui enjoindre de mener ce projet à terme. A la clef, une production de 2,7 tonnes de charbon par an et 500 emplois pour cette première ouverture de mine depuis 30 ans. 

« Le gouvernement britannique dit :“Nous allons diriger la COP26 à Glasgow, nous nous soucions vraiment du changement climatique. Mais, par contre, nous n'irons pas à l'encontre du conseil de Cumbria et nous aurons une nouvelle mine”. C'est parfaitement ridicule ! », juge Robert Watson, éminent chimiste et ancien président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Plus d'informations dans le Guardian (anglais).

Taxer les vols internationaux pour aider les pays pauvres 

Afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et aider les pays pauvres à s'adapter au climat qui se dérègle, des scientifiques proposent notamment de taxer le transport aérien et maritime

En 2009, lors de la 15ème conférence des parties sur les changements climatiques (COP15) de Copenhague, les nations du monde s'étaient fait une promesse. Celle d'apporter un soutien financier « neuf, additionnel, prévisible et adéquat » aux pays en développement, à hauteur de 100 milliards de dollars (82 Mds€) par an à partir de 2020. Ces financements devaient provenir d'une « large gamme de sources, publiques ou privées ».

Problème : les signataires ont oublié de préciser ce qui rentrerait dans le calcul de cette « finance climatique ». Résultat : il est impossible de savoir si l'objectif de 100 milliards a été atteint, alertent les auteur•rice•s d'une étude récemment publiée dans Nature

Les scientifiques recommandent de réformer d'urgence ce mécanisme d'aide à l'entame d'une décennie cruciale dans la lutte mondiale pour le climat. Ce qui passe par une meilleure définition des termes, et la mise en place de nouveaux systèmes de financement « innovants ». Par exemple : une taxation sur les vols internationaux et sur les hydrocarbures utilisés par le transport maritime. Les émissions de l'aviation et du fret maritime ne sont pas comptabilisées parmi les émissions nationales des pays signataires de l'accord de Paris. Une réforme d'autant plus urgente que ce dernier, écrit en 2015, prévoit que les nations augmentent encore le montant annuel consacré à cette « finance climatique » avant 2025.

Le réchauffement climatique expliqué en trois causes

Peut-être que si nos dirigeant•e•s agissent aussi peu, c’est qu’elles et ils n’ont pas bien compris le problème. Pour revoir les bases, nous leur conseillons cette vidéo hyper pédagogique faite par les vidéastes d'Osons causer, qui explique le réchauffement climatique en trois causes principales. 

© Osons causer