La quotidienne

Tous à poêle

Chères toutes et chers tous,

🗓️ Du 29 au 31 mars, le journal Libération pose ses valises à l’académie du climat à Paris pour la nouvelle étape de son Climat Tour. Vert y participe et animera plusieurs échanges, samedi 30 mars, sur «Les femmes à la tête de la lutte contre le changement climatique» et «Nos cultures, nos futurs». Toute la programmation est à retrouver ici.


Le scandale glisse sur eux comme dans une poêle antiadhésive ; les géants de la chimie nous laissent une facture abrasive.


Qui va payer l’immense facture du nettoyage des PFAS, les «polluants éternels» ?

200 milliards d’euros chaque année. C’est ce que coûte en Europe la dépollution des PFAS, ces polluants cancérogènes relâchés dans la nature par les géants de la chimie. Une douloureuse que les principaux responsables refusent de payer, en se défaussant sur les collectivités. Décryptage.

Lundi 18 mars, l’entreprise Tefal a annoncé qu’elle souhaitait participer aux frais de fonctionnement de la station de traitement des eaux usées de Rumilly (Haute-Savoie).

Celle-ci décontamine les nappes phréatiques de la commune, gorgées de PFAS, ces polluants persistants, dont certains sont très toxiques pour la santé et l’environnement. Cette initiative de l’industriel est une exception, alors que les collectivités en France doivent d’ordinaire payer de leur poche la dépollution.

«Ce n’est pas un aveu de culpabilité», affirme à Vert une porte-parole du groupe SEB, propriétaire de la marque connue pour ses poêles. Jusqu’en 2012, Tefal a utilisé du PFOA pour rendre ses produits anti-adhésifs. Interdit en 2020 en France, ce composé fait partie de la famille des poly- et perfluoroalkylés (PFAS), des molécules polluantes qui s’accumulent dans l’environnement et le corps humain. Le PFOA a été reconnu cancérogène avéré par le Centre international de recherche contre le cancer (Circ).

L’enquête collaborative “Forever Pollution Project”, à laquelle Le Monde a participé, a révélé en 2023 qu’une contamination aux PFAS avait été détectée sur près de 23 000 sites en Europe. 

Depuis l’automne 2022, la communauté de communes Rumilly Haute-Savoie (CCRTS) doit gérer les effets de la pollution historique sur le réseau d’eau potable. Il y a deux ans, la préfecture de Haute-Savoie a annoncé avoir décelé des «teneurs significatives» de PFOA dans la nappe phréatique. La CCRTS a alors déconnecté le réseau d’approvisionnement des deux captages pollués et l’a raccordé à un réseau du Grand Annecy.

«Les services de l’État ont trouvé cinq entreprises qui pourraient être à l’origine de cette pollution, rappelle la porte-parole de SEB. En participant aux frais, on veut faire partie d’une solution globale.» Prudente face à cette annonce, la CCRTS veut «avant toute chose vérifier la faisabilité juridique de cette prise en charge».

En décembre dernier, la CCRTS a été l’une des premières à filtrer son eau dans une station de traitement par charbons actifs. Un système très coûteux : 1,5 million d’euros, dont 880 000 euros sont pris en charge par le Conseil départemental et l’État.

👉 Cliquez ici pour lire la suite de ce décryptage de Mathilde Picard.

· Vendredi, le média d’investigation locale Médiacités révélait que des boues d’épandage contaminées aux Pfas avaient été dispersées dans la région lyonnaise. Utilisées comme engrais, ces boues proviennent de la station d’épuration de Givors (Rhône) et ont été appliquées sur plus de 1 000 hectares de cultures dans l’Est lyonnais. Au courant de cette pollution depuis au moins un an, la préfecture n’a pas suspendu ces épandages.

· Dimanche, le collectif Bassines non merci a indiqué avoir déposé plainte contre Gérald Darmanin pour avoir «menti sous serment». Les opposant·es aux retenues d’eau contestent la chronologie des événements présentée en octobre dernier par le ministre de l’Intérieur à l’Assemblée nationale au sujet de la manifestation de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) qui s’est déroulée il y a tout juste un an, le 25 mars 2023. - Libération

· Des familles endettées, des femmes poussées à subir des hystérectomies pour travailler en continu, des mariages d’enfants... Dans un long reportage publié dimanche, le New York Times et le Fuller Project détaillent les pratiques brutales dans les champs de canne à sucre de l’État du Maharashtra (centre-ouest de l’Inde). Cette production sucrière alimente notamment Coca-Cola, PepsiCo et Cadbury.

© Avant l’orage

«Vous êtes toutes et tous contaminés». C’est par ces mots-obus que débute Contaminés : un documentaire des activistes Camille Etienne et Solal Moisan au sujet des PFAS, cette bombe sanitaire et écologique. En moins d’une heure, elle et il parviennent à dresser le gigantesque et sombre portrait de famille de ces milliers de polluants qui peuplent nos eaux, nos champs et nos corps. De Paris à Lyon en passant par l’Oise, dans des bibliothèques, en visio avec les États-Unis (où a éclaté le scandale) ou au pied des usines, tous deux nous font vivre leur prise de conscience de cette pollution généralisée. Un documentaire qui mêle l’intime et le politique. Et invite à l’action - en soutenant notamment la proposition de loi pour réglementer les PFAS portée par le député (écologiste) Nicolas Thierry, qui sera débattue le 4 avril à l’Assemblée nationale.

A69 : les coupes d’arbres jugées illégales à Saïx, «une immense victoire d’étape» pour les opposants au projet

Mésange gardien. Dimanche, les trois activistes perché·es dans les arbres à Saïx (Tarn) pour empêcher leur abattage dans le cadre du chantier de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres ont enfin pu retrouver la terre ferme.

«C’est une immense victoire d’étape qui va en appeler d’autres», savoure Reva Seifert. Cet «écureuil» - du nom que se donnent les militant·es qui grimpent aux arbres - a passé plus de cinq semaines dans le bois de la Crémade, à Saïx (Tarn) dans des conditions très difficiles (il nous en parlait déjà ici).

Le parquet de Toulouse avait ouvert une enquête à la suite d’une plainte, déposée le 20 mars pour contester la légalité des abattages dans la zone et faire reconnaître la présence de mésanges bleues en cours de nidification - ce qui empêcherait toute coupe. Dépêché sur place, l’Office français de la biodiversité a attesté la présence de cette espèce protégée dans un procès-verbal révélé vendredi. Une découverte qui entérine l’impossibilité d’abattre ces arbres jusqu’au 1er septembre, ce qu’a confirmé le préfet du Tarn, Michel Vilbois, présent lors de la descente des écureuils dimanche.

Reva au moment de sa descente du platane dans lequel il vivait depuis 39 jours à Saïx (Tarn), dimanche 24 mars. © Antoine Berlioz / Hans Lucas / AFP

Une victoire en demi-teinte

«C’est une belle avancée, car on a réussi à mettre en lumière cette situation et faire constater qu’on avait raison et les écureuils ont empêché qu’on abatte ces deux arbres», salue Maître Claire Dujardin, avocate des écureuils, auprès de Vert. «Mais c’est aussi une victoire amère, parce que cela fait un mois qu’on bataille juridiquement pour dire que l’abattage était illégal et tout un bois a été coupé malgré plusieurs plaintes».

Cette nouvelle signe un répit pour les écureuils, mais la lutte continue sur le plan judiciaire. Une quinzaine de personnes sont poursuivies suite à leur présence dans les arbres de la Crémade. «On compte engager la responsabilité pénale et administrative de l’État face à l’absurdité de cette situation, puisque les arbres ne devaient pas être abattus et que les écureuils ne faisaient que de la désobéissance civile», indique Maître Dujardin. En parallèle, une commission d’enquête sur le montage financier de l’autoroute A69 est en train de mener ses travaux à l’Assemblée nationale.

Justine Prados

Les meilleures nouvelles de la semaine

CO2 allemand, sécurité sociale de l’alimentation, jets privés américains… Voici quelques-uns des ingrédients du bonheur hebdomadaire, selon Gaëtan Gabriele !

© Vert

+ Loup Espargilière, Gaëtan Gabriele, Jennifer Gallé, Mathilde Picard et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.