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On croyait que le traitement de la crise climatique ne pouvait pas tomber plus bas ; journalistes et aspirants à l'Élysée nous auront prouvé le contraire.

Écologie : le rendez-vous manqué du débat d’entre-deux-tours
Un air de débat vu. Lors du débat d’entre-deux-tours, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont réduit les 18 minutes consacrées à la thématique « environnement » à un affrontement sur l’énergie. Une fois de plus, les candidat·es ont ergoté sur des détails sans jamais parler du fond : le choix de notre modèle de société.
« Climatosceptique » vs « climatohypocrite » : mercredi soir, les « punchlines » ont fusé plus que les propositions. Des petites phrases qui ont mal masqué la piètre qualité des discussions sur l’écologie hier soir, qui auront duré quelque 18 minutes sur les 2 heures et 50 minutes de débat présidentiel.
La soirée avait pourtant commencé avec un clin d’œil appuyé de Léa Salamé : « nous parlerons de l'environnement, un sujet très attendu notamment par les jeunes ». Puis, à l'heure d'entamer le segment sur l'écologie, Gilles Bouleau annonçait avec gravité : « Plus qu'un thème, une angoisse pour les jeunes : l'avenir de la planète ». Les jeunes (et les autres) auront toutes les raisons du monde de continuer à angoisser.

Très vite, et comme souvent, le débat s’est focalisé sur l’énergie. Marine Le Pen et Emmanuel Macron se sont écharpé·es sur le mix énergétique à mettre en place pour décarboner la France : le tout-nucléaire pour l’une, un mélange entre nucléaire et renouvelables pour l’autre.
Tous deux se sont bien gardés d’étayer leurs propositions au moyen des nombreux scénarios prospectifs réalisés par l’Ademe, le gestionnaire de réseau RTE ou l’association Négawatt. Ceux-ci ont pourtant élaboré de nombreuses pistes vers la neutralité carbone (l’équilibre entre le CO2 émis et celui que l’on peut absorber) en 2050. En conséquence, le débat s’est perdu en approximations sur les chiffres, les dates et les financements plutôt que d’aborder plus globalement le modèle de société souhaité pour la France.
Évincés par la question de l’énergie, de nombreux sujets tels que l’effondrement de la biodiversité, la pollution, les transports ou encore l’alimentation durable ont été les grands absents du débat. Autant de sujets cruciaux pour traiter les crises écologiques.
Autre fait marquant : l’absence de transversalité des sujets tout au long de la soirée. Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont tour à tour évoqué le marché européen de l’électricité, la dépendance au gaz russe, la TVA sur les carburants, les « poulets brésiliens » et le libre-échange. Sans jamais faire le lien avec l’écologie, question pourtant sous-jacente à tous ces sujets. Même conclusion sur le pouvoir d’achat, âprement débattu par les deux candidat·es, qui se sont gardé·es de faire le lien avec la justice sociale et le climat. Un débat sur l’écologie qui sera finalement resté au niveau de la campagne présidentielle : au ras des pâquerettes.

· Ce lundi, à l’avant-veille du débat télévisé entre aspirant·es à l’Elysée, le journaliste Gilles Bouleau a participé aux « 10 kilomètres pour le climat », une « course éco-responsable et solidaire » organisée par TF1 notamment au profit de la Surfrider foundation et de la fondation Goodplanet. Un échauffement en bonne et due forme qui n’aura pas suffi à susciter, chez le rédacteur en chef du journal télévisé le plus regardé en France, des questions aussi simples que telles que : « comment comptez-vous tourner le dos aux énergies fossiles ? ». Le climat peut toujours courir.
· Mardi, un militant britannique a achevé une grève de la faim de 37 jours après avoir obtenu que l’ensemble des parlementaires soient briefé·es sur le changement climatique par le conseiller scientifique du gouvernement, Sir Patrick Vallance. « Mon espoir est que si les parlementaires comprennent enfin la science, ils agissent en conséquence et avec l’urgence nécessaire », a déclaré Angus Rose, 52 ans, au Guardian. En janvier 2020, le premier ministre britannique Boris Johnson avait reçu une formation similaire de la part de son conseiller scientifique dont il était sorti bouleversé, comme l’avait révélé le Carbon Brief.


« On a doublé le rythme de réduction des gaz à effet de serre et on va aller deux fois plus vite »
- Emmanuel Macron, le 20 avril 2022
Sans aucune relance ni contradiction de la part de journalistes visiblement dépassés lors de la séquence du débat présidentiel consacrée à l’écologie, Emmanuel Macron aura pu s'enorgueillir d'avoir doublé le rythme de baisse des émissions de CO2 au cours de son quinquennat. Comment peut-il afficher un si bon bilan alors que la France a été récemment condamnée par deux fois pour son inaction climatique ?
Après de premières années (2019 en particulier) tellement mauvaises que le gouvernement a amoindri les objectifs climatiques de la France a posteriori (ce qui lui vaut ses tracasseries judiciaires), la pandémie a fait chuter de 9 % les émissions nationales en 2020. Une baisse fugace que le président a choisi de mettre à son actif, bien qu’elle « ne reflète pas de changements structurels durables », avait pourtant alerté le Haut Conseil pour le climat. La suite de l’astuce, décortiquée par Anne-Laure Frémont du Figaro : l’exécutif s’est appuyé sur des chiffres encore provisoires pour l’année 2021 (et aucune donnée fiable n’est disponible sur les premiers mois de 2022), ainsi que sur le bilan désastreux de François Hollande (-5 % en cinq ans). Et même avec tous ces petits arrangements, la baisse n’est que de l’ordre de 9 % sur l’ensemble du quinquennat, loin des 12 % trompétés par Emmanuel Macron depuis plusieurs jours. Comme l’a noté un internaute chagrin : « Deux fois zéro, ça fait toujours zéro ».

Marine Le Pen, ennemie du climat et des vivants
C’est même pas Le Pen. La candidate du Rassemblement national (RN) a tenté de verdir son discours ces dernières années en portant une vision nationaliste et caricaturale de l’écologie. Marine Le Pen fait fi de la science et des expert·es et promet un programme intenable pour le climat et le vivant.
« La crise climatique ne constitue par la priorité de ma politique étrangère », martelait Marine Le Pen en conférence de presse la semaine dernière. Une prise de position symptomatique de l’« écologie nationale » portée par la candidate d’extrême droite. Pour défendre son projet, elle manie une technique bien maîtrisée par l’extrême droite : considérer « l’autre » comme la source de tous nos maux. « La France n’a pas à sacrifier le bien-être de sa population pour corriger les erreurs ou les abus des autres pays ! », évoque-t-elle dans son programme thématique sur l’écologie.
La candidate promeut d’ailleurs l’idée fallacieuse que la France serait une bonne élève sur le climat, éludant sa responsabilité historique dans le réchauffement climatique - elle occupe le 11ème rang mondial. Selon les calculs du Climate equity reference project, réalisés à partir des émissions cumulées de gaz à effet de serre imputables à la France et de sa capacité d’action financière, la France devrait réaliser 2,6 % de l’effort planétaire de réduction des émissions en 2030 même si elle ne représente que 0,7 % de la population mondiale.
De cette position centrée sur les intérêts supposés de la France découle de larges ambiguïtés sur le plan international. Mercredi dernier, Marine Le Pen a promis de ne pas sortir de l’Accord de Paris, qui engage les États signataires à contenir le réchauffement climatique bien en deçà de 2 °C par rapport à la moyenne de l’ère préindustrielle (milieu du 19e siècle). Dans son programme, la candidate affirme pourtant, sans plus de précision, que la France répondra aux engagements de l’Accord, mais « par les moyens qu’elle aura choisis, et selon les étapes dont elle aura décidé ».
Retrouvez la suite de notre décryptage du projet de Marine Le Pen, où il est question d’énergie, de biodiversité et de justice sociale sur vert.eco

Secrets d’arbres : le hêtre
Savoir Hêtre. Julien Perrot (le fondateur de la revue suisse Salamandre) et sa « Minute nature », sur Youtube, commencent un nouveau cycle. Après le succès des tutoriels pour reconnaître le chant des oiseaux, il entame maintenant une série sur la reconnaissance des arbres. Le premier épisode est consacré au roi de la forêt : le hêtre. De son écorce à la forme de ses feuilles et de ses fruits (les faines) en passant par ses petites habitudes, vous saurez tout sur ce grand frère des humains. On apprend notamment qu’il a besoin de deux fois plus d'eau qu'un chêne, ce qui le rend fort sensible aux sécheresses, de plus en plus nombreuses en été... Cet arbre en meurt dans beaucoup de forêts de Suisse et de France. Hêtre, ou ne plus hêtre...?

+ Loup Espargilière et Barbara Pagel ont contribué à ce numéro