PIB ou CO2?


N'en déplaise aux partisans des solutions techniques les plus farfelues, il ne sera pas possible d'avoir le beurre économique et l'argent du beurre climatique. 


Le confinement définitif de Stocamine

Faisant fi des recommandations d'élu•e•s et d'expert•e•s, la ministre de l'écologie Barbara Pompili a confirmé le confinement définitif des déchets contenus sur le site de Stocamine.

Les 42 000 tonnes de déchets industriels dangereux (mercure, amiante, etc.) entreposés au fond de l'ancienne mine de potasse de Wittelsheim (Haut-Rhin) y resteront, a fait savoir le ministère dans un communiqué. Des déchets y ont été entreposés entre 1999 et 2002, année au cours de laquelle un incendie a détruit une partie de la mine, mettant fin à l'enfouissement de matériaux supplémentaires (lire la chronologie du site, par la Croix). 

Le stockage était initialement prévu pour être réversible ; depuis des années, le débat faisait rage entre associations locales favorables à un destockage, et les services de l'Etat. Fin 2018, une mission d'information parlementaire avait recommandé d'extraire les déchets (rapport). Militant•e•s et élu•e•s craignent que des fuites ne contaminent la nappe phréatique d'Alsace. Le 15 janvier, la toute jeune Collectivité européenne d’Alsace (CeA) a voté à l’unanimité une motion demandant un destockage « immédiat et le plus total possible » (Rue89 Strasbourg).

Des colis de déchets stockés au sein du site souterrain de Stocamine © BRGM

Pour Barbara Pompili, « les avantages potentiels d’un déstockage complémentaire des déchets ne sont pas démontrés et celui-ci présenterait des risques significatifs pour les travailleurs ». En janvier 2019, un rapport du BRGM commandé par l'Etat avait pourtant conclu que le destockage et la fermeture du site étaient possibles « en toute sécurité » si les opérations commençaient au plus tard en 2022. 

« La réalisation du confinement dans des conditions optimales est indispensable » pour sécuriser la nappe d'Alsace, a tranché la ministre, qui a promis une enveloppe de 50 millions d'euros afin de mettre sur pied un plan de protection de cet immense réservoir d'eau potable « sur les cinq prochaines années »

Cette somme devrait aussi contribuer à dépolluer plusieurs anciens sites industriels situés au-dessus de la nappe d’Alsace, comme celui de PCUK à Wintzenheim où la société du même nom a enterré quelque 750 tonnes de lindane, puissant insecticide interdit depuis 20 ans. 

• Dimanche, plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre la construction d’une gare de métro dans le Triangle de Gonesse (Val d’Oise). Celle-ci devait initialement desservir le vaste centre commercial Europacity, projet abandonné par Emmanuel Macron, fin 2019. Des élu•e•s locaux•ales veulent toujours créer une zone d’activité sur ces vastes terres agricoles. - Le Monde (abonnés)

• Lundi, le pétrolier Total a annoncé l’acquisition de 20% d’Adani Green Energy, filiale spécialisée dans les énergies vertes du groupe Adani : conglomérat indien à la fois géant du charbon et premier développeur solaire au monde. Il y a deux ans, Total avait racheté une partie du groupe Adani Gas pour la distribution de gaz en Inde. - RFI

La capture de carbone : le changement pour dans longtemps

Elles nous pompent l'air. Pour ne rien changer sur le fond, les grandes entreprises font la promotion d'une solution qui n'a pas fait ses preuves : le captage de CO2

D'énormes tuyaux qui aspirent l'air pour en extraire le dioxyde de carbone (CO2) avant de l'injecter dans le sol, voire sous la mer : ce scénario digne d'un film de science-fiction, c'est celui de la capture et de la séquestration de carbone (CSC). Une méthode vantée par un nombre croissant de multinationales pour réduire leurs émissions jusqu'à atteindre, puisque c'est désormais l'objectif de la majorité des grandes nations du globe, la neutralité carbone d'ici le milieu du siècle.

Comme le rapporte le New York Times, Microsoft prévoit de capturer ainsi un million de tonnes de CO2 ; les compagnies de e-commerce Stripe et Shopify financent à coups de millions des start-ups spécialisées dans la séquestration de carbone. Même le pétrolier Occidental Petroleum et la compagnie aérienne United Airlines sponsorisent une centrale de capture au Texas. 

Compagnies aériennes, producteurs de pétrole, sites de e-commerce ou cimentiers ; les industries les plus sales utilisent cette technologie encore balbutiante comme un argument pour ne pas réduire leurs émissions à la source. Au même titre que la compensation carbone (qui consiste, en gros, à planter des arbres pour absorber le CO2), méthode très en vogue et à l'efficacité très contestable (Le Monde). 

Pour l'heure, cette technologie n'est pas du tout au point et encore extrêmement coûteuse : jusqu'à 500€ pour aspirer une tonne de carbone, selon le NYT. Et même si elle fonctionnait correctement, les ordres de grandeur ne sont pas les bons : le projet Northern Lights, dans lequel investissent Total et Shell, prévoit tout juste d'aspirer 1,5 million de tonnes par an pendant les 25 prochaines années. Alors que les émissions liées à la production et à la consommation du gaz et du pétrole de Total représentent environ 400 millions de tonnes de CO2 par an (les Echos). 

La seule vraie promesse de la capture de CO2, c'est celle de faire gagner du temps à des compagnies rétives au changement. 

Joe Biden prévoit d'abandonner le méga projet de pipeline Keystone XL

Au premier jour de sa présidence, qui doit débuter le 20 janvier, Joe Biden devrait mettre fin à Keystone XL, ce gigantesque projet d'oléoduc entre le Canada et les Etats-Unis

Pour marquer la rupture avec son futur prédécesseur, Joe Biden prévoit de prendre une série de mesures fortes dès son entrée en fonction. La première, révélée par Reuters, devrait être l'annulation du permis qui autorise la prolongation d'un immense pipeline à travers l'Amérique du Nord, accordé en 2017 par l'administration Trump au Canadien TC. 

En jaune, le tracé existant du pipeline Keystone, en rouge, l'extension prévue par le projet Keystone XL © Vox

Ce nouveau tronçon de plus de 1 900 kilomètres de long devait relier l'Alberta - province de l'ouest du Canada – au golfe du Mexique, dans le sud-est des Etats-Unis. Dans les tuyaux : 830 000 barils par jour de pétrole issu de sables bitumineux, l'une des méthodes d'extraction les plus sales. Sur le tracé : des espaces naturels et des zones où résident de nombreux peuples autochtones, qui avaient multiplié les actions médiatiques et les recours en justice. 

Si le Canada s'active pour tenter de sauver le projet (Reuters), l'annulation du permis par l'administration américaine constitue un enterrement de première classe. Une bonne nouvelle pour le climat, l'environnement et les droits humains.

PIB ou CO2, il faut choisir 

Certain•e•s espèrent encore que le progrès technique permettra de concilier croissance et climat. Hélas ! Dans cette passionnante conférence donnée à Sciences po Paris en 2019, l'ingénieur polytechnicien Jean-Marc Jancovici démontre que sans les hydrocarbures, il n'y a pas de croissance, et vice versa. Autrement dit, la croissance verte est un leurre et un monde sans pétrole sera un monde en récession. Mais il n'y a pas de quoi désespérer pour autant ! 

© Jean-Marc Jancovici