Les phytos nous montent au nez


Alors que les citoyens ne peuvent plus les sentir, le commerce mondial presse l'Europe de reprendre une louche de pesticides.

Des pesticides à plein poumons

Ils nous montent au nez ! Dans un rapport publié mardi 18 février, l'association Générations futures révèle que les pesticides présents dans l'air contiennent une foule de perturbateurs endocriniens et autres molécules cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR). 

L'organisation s'est basée sur les données inédites publiées en décembre 2019 par ATMO France, l'organisme de surveillance de la qualité de l'air. A travers ces 15 années de mesures sur 176 sites à travers le pays, jamais rendues publiques auparavant, on découvrait que les pesticides polluent également l'air que nous respirons. 

En se penchant sur les chiffres de 2017, année la plus récente étudiée par ATMO, Générations futures a déterminé que plus du quart (27,55%) des pesticides relevés dans l’air étaient classés CMR. Et plus de la moitié (56,33%) d'entre eux sont des perturbateurs suspectés ou avérés. 

De nombreuses substances observées en France sont interdites depuis des années : c'est le cas du Lindane, pesticide cancérogène proscrit en 1998. 

Dans un communiqué, François Veillerette, le directeur de Générations futures, réclame que soit réduite « rapidement l’utilisation des pesticides en agriculture dans une optique de sortie » de leur usage. Il demande également aux pouvoirs publics d'« accélérer le retrait des substances CMR et PE reconnues mais également suspectées ». Générations futures plaide enfin pour l'élargissement des zones de non-traitement - qui séparent habitations et aires d'épandages de pesticides, à au moins 100 mètres, afin qu'elles soient « réellement protectrices »

Il est toutefois difficile d'évaluer la gravité de la situation puisque, contrairement aux gaz à effets de serre ou aux particules fines, la présence de pesticides dans l'air n'est pas surveillée par des organismes publics et il n'existe pas de seuils maximaux d'exposition. A lire sur le site de France Info.

Six ans après, les habitants informés de la pollution de leur eau

Depuis 2013, ils arrosent leurs plantes et remplissent leur piscine avec de l'eau polluée au chrome VI, cancérogène attesté : les 9 000 habitants d'un quartier du nord de Marseille n'en ont été informés que six ans plus tard

En 2013, lors de travaux, des infiltrations d'eau présentant un taux de chrome VI dans l'eau plus de mille fois supérieur aux normes, ont été mesurées, comme le raconte France 3. L'année suivante, l'usine PMA (Protection Métaux d'Arenc) a été condamnée pour cette pollution issue de la fuite d'une de ses cuves. La même année, la préfecture a demandé à la mairie d'interdire l'usage des eaux de certaines nappes phréatiques touchées. Ce qu'elle n'a fait qu'en mars 2019. 

Selon l'association France nature environnement (FNE), une dizaine de nappes phréatiques présentent toujours des taux de chrome VI jusqu'à 500 fois supérieurs aux normes. La pollution concerne l'eau de puits privés utilisés, par exemple, pour arroser des potagers. L'eau du robinet n'est pas touchée, assure la préfecture.

Une enquête publique vient de s'achever et ses conclusions sont attendues. Dans un communiqué, FNE réclame une enquête épidémiologique, la mise sous surveillance de la pollution et que la dépollution soit envisagée. A lire sur le site de France 3.

Le lobbying d’Etats et de fabricants pour que l'Europe accepte des pesticides interdits

Sortis par la porte, ils reviennent par la fenêtre. Au nom du commerce international, des pesticides bannis en Europe pourraient y faire leur retour à travers certains produits importés.

Des fabricants de pesticides, aidés par une quinzaine de pays, dont le Canada et les Etats-Unis, font pression depuis plusieurs années pour que Bruxelles accepte l'importation de produits contenant des pesticides prohibés en Europe. C'est ce que révèle une enquête de l'ONG Corporate Europe Observatory décortiquée par le Monde

Le combat porte notamment sur les « limites maximales de résidus » autorisées dans les produits importés. En juin 2017, la Commission européenne a annoncé son intention d'appliquer strictement sa réglementation sur les pesticides, qui ne tolère aucun résidu de substances interdites.

© Zeynel Cebeci

Contre-attaque de la European Crop Protection Association, qui juge que cette décision irait à l'encontre des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce lobby européen de l'agrochimie jure aussi que les importations agricoles seraient touchées à hauteur de 70 milliards d’euros, argument repris par plusieurs Etats. 

A l'été 2019, avec une quinzaine d'autres Etats, le Canada et les Etats-Unis ont attaqué l'UE, accusée « d’essayer d’imposer unilatéralement sa propre approche réglementaire » devant l'OMC. Il s'agit d'une « question complexe à laquelle la Commission [européenne] réfléchit actuellement » a fait savoir un porte-parole de l'institution de Bruxelles, interrogé par le quotidien. La porte se rouvre. A lire dans le Monde (abonnés). 

 

Les amandes, les abeilles et le crime organisé

La demande mondiale en amandes explose. Et avec elle, une nouvelle forme de criminalité : en Californie, les vols de ruches par des bandes organisées se multiplient.

Pour cultiver des amandes, les producteurs ont particulièrement besoin de l'aide de pollinisateurs. En Californie, dont les 500 000 hectares d'amandiers en font le premier producteur mondial, les abeilles jouent un rôle de premier plan. 

Chaque année, au mois de février, des apiculteurs traversent tout le pays avec leurs ruches pour se rendre dans cet Etat de l'ouest américain. L'industrie de l'amande nécessite l'emploi de plus de 2 millions de ruches à cette période, explique le Guardian

Fragilisées par l'usage de pesticides, les acariens prédateurs et les maladies, les populations d'abeilles sont en fort déclin aux Etats-Unis. Demande en hausse et « offre » en baisse : le prix d’une ruche a été démultiplié en quelques années pour atteindre les 200$ (185€). 

Les autorités locales ont constaté un décuplement des vols de ruches, passés d'une centaine en 2015 à près de 1700 en 2017. Dans certains cas, des centaines de ruches ont été dérobées d'un coup à des apiculteurs : des opérations d'ampleur qui ne peuvent être que le fruit de bandes bien organisées, selon les enquêteurs désormais spécialisés dans cette nouvelle criminalité. A lire dans le Guardian (en anglais).

 

La grande distribution s'attaque au bio

Les grandes surface ont les crocs ! Alors que le marché du bio connaît un taux de croissance de 15% par an, la grande distribution débarque avec ses anciennes pratiques commerciales et tente d'écraser la concurrence.

Un nombre croissant de consommateur•rice•s se tourne vers la bio, et ce sont les grands distributeurs qui en bénéficient de plus en plus, explique Alternatives économiques. Leur part de marché a atteint les 49% contre moins de 34% pour le Synadis, le syndicat qui regroupe, entre autres, Biocoop, La Vie Claire ou Naturalia. 

Avec cette tendance, les produits bio importés montent aussi en flèche : de 24% en 2015, ils représentent 31% des ventes en 2018. Des aliments importés et des producteurs sous-payés. Plusieurs « historiques » de la bio accusent la grande distribution de tordre le bras aux producteurs et craignent que, cassant les prix, celle-ci force tout le monde à s'aligner sur le bas. A lire dans Alternatives économiques (abonnés).

Un nouveau label bio, français et équitable 

Le label AB, pour « agriculture biologique », ne prémunit pas les producteurs des pratiques commerciales agressives de la grande distribution. Pour tenter de concilier alimentation saine et bien-être des agriculteurs, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) tente de mettre sur pied un label « Biologique, Français, Équitable ».

Objectif : proposer des légumes locaux vendus à des prix permettant aux producteurs de subsister. Dans le cadre d'un partenariat avec les surgelés Picard, des contrats ont été signés avec des organisations de producteurs du Sud-Ouest, comme le raconte Actu-Environnement

Il s'agit pour l'heure d'une expérimentation : début mars, ce nouveau label sera apposé sur des légumes (courgette, maïs, haricot vert, carotte) distribués dans 87 magasins Picard de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie. Les produits seront vendus entre 5 et 10% plus chers que leur équivalent en bio français ou européen. A lire dans Actu-Environnement (abonnés).

En 1965 déjà, « la science chimique qui assassine l'Homme »

La décennie des années 1960 est celle de la prise de conscience de la nocivité des pesticides. Dans une causerie diffusée par l'ORTF et exhumée par l'INA, le comédien Michel Simon prévient : « Les animaux vont disparaître, il n'en restera plus bientôt ». Il constate déjà que le printemps ne fait plus les hirondelles, « grâce aux progrès de la science chimique qui assassine la terre, qui assassine l'insecte, qui assassine l'oiseau […], qui assassine l'Homme. On s'en apercevra peut-être trop tard ». Bien vu.