La quotidienne

Les marteaux des fossiles

Nous avons tous nos petits vélos. Hélas, chez certain·e·s dirigeant·e·s, ceux-ci prennent la forme de grosses voitures ou d'une consommation sans limite d'hydrocarbures.


La justice allemande contraint le gouvernement à réécrire sa loi climat

Wunderbar ! Dans une décision historique, la cour constitutionnelle allemande juge « insuffisante » la loi climat d'Angela Merkel et contraint l'exécutif à présenter une nouvelle version.

Fin 2019, la coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates menée par la chancelière allemande obtenait le vote de son projet de loi sur le climat. Parmi les mesures : baisse des taxes sur les billets de train, augmentation de 3 centimes du prix du litre de carburant, incitations à l'achat de véhicules électriques.

Censé permettre de réduire les émissions nationales de 55% d'ici 2030 par rapport à 1990, le texte a été unanimement décrié pour son manque d'ambition et jugé très insuffisant pour atteindre cet objectif. Luisa Neubauer, figure de proue allemande du mouvement de jeunes Fridays for future, parlait alors de « scandale ». Le projet de loi prévoit également d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050 – cette année-là, l'ensemble du CO2 encore émis devra être intégralement compensé, par exemple en plantant des arbres.

Le 20 septembre 2019, jour de la présentation de la future loi climat par le gouvernement allemand, environ un million de manifestant·e·s avaient battu le pavé à travers le pays dans le cadre de la troisième marche mondiale pour le climat. © Leonhard Lenz

Saisie par huit jeunes plaignant·e·s, qui s'estimaient trop peu protégé·e·s par la loi climat, la Cour constitutionnelle fédérale (BVG) a donné en partie raison aux critiques, ce jeudi 29 avril. Les juges ont considéré que « les dispositions contestées portent atteinte aux libertés des requérants […]. Elles repoussent irréversiblement à la période postérieure à 2030 des charges considérables en matière de réduction d’émissions » (AFP). En l'état actuel du plan gouvernemental, les efforts à accomplir après 2030 pour atteindre la neutralité carbone seraient démesurés et se traduiraient par d'énormes restrictions en matière de libertés individuelles.

Le BVG enjoint au gouvernement de se doter d'une nouvelle loi climat d'ici la fin 2022. Celle-ci devra préciser des objectifs chiffrés pour chaque année jusqu'à 2050.

Ce jugement a été unanimement salué, y compris par le camp de la chancelière allemande. « C'est un jour historique pour le climat », a applaudi Annalena Baerbock, candidate des Verts pour succéder à Angela Merkel. Son parti est en tête des sondages pour les élections législatives qui se tiendront en septembre prochain. Le climat devrait figurer parmi les principaux thèmes de la campagne.

• Jeudi, Greenpeace France, Anticor et l’association d’anciens élèves de l’École polytechnique la Sphinx ont annoncé avoir déposé plainte contre Patrick Pouyanné, PDG de Total. Elles accusent l'industriel d'avoir profité de sa fonction de membre du Conseil d'administration de l'école pour obtenir l'installation d'un bâtiment de Total sur son campus. Depuis des mois, la contestation enfle parmi les élèves et anciens de « X », qui dénoncent l'intrusion du pétrolier au cœur de la prestigieuse école d'ingénieurs.

Les majors européennes du pétrole viennent de dévoiler des résultats en forte hausse pour le premier trimestre 2021. Le bénéfice net de Total atteint 3,3 milliards de dollars pour les trois premiers mois le l'année ; 4,7 milliards pour BP, qui perdait 4,4 milliards à la même époque il y a un an ; 5,7 milliards pour Shell. Cette remontée est le fait de la hausse du prix du baril, qui s'était effondré en 2020, sous l'effet du confinement et d'une guerre des prix entre Russie et Arabie Saoudite. - Le Monde (abonnés)

« Fascisme fossile », quand l'extrême droite sert de pot d'échappement à l'industrie pétrolière

Déni soit loué. Dans Fascisme fossile, le Zetkin collective – un groupe d'universitaires spécialiste de l'écologie et de l'extrême droite – décrypte comment le négationnisme de cette mouvance politique sert les fins de l'industrie pétrolière et promet d'aggraver la crise climatique.

Au cours des années 2010, les températures ont grimpé en même temps que l'extrême droite : Trump aux Etats-Unis, Bolsonaro au Brésil, Salvini en Italie, et des partis de l'AFD en Allemagne, du Rassemblement national en France, etc. Coordonné par Andreas Malm, auteur du détonant guide Comment saboter un pipeline ? que Vert avait chroniqué, cet essai-boussole cartographie les déclinaisons géographiques et politiques du négationnisme climatique des vingt dernières années.

Du négationnisme pur - « le CO2 est un gaz de vie » - au nationalisme vert qui érige la frontière en programme politique écologiste, partout l'extrême droite embrasse le discours du déni. Un discours largement sédimenté depuis les années 60 par l'industrie fossile. « L'extrême-droite, développe le collectif, expérimente une diversité de tactiques comme avant elle le capitalisme fossile, pour protéger le noyau de son entreprise – non le profit, mais sa haine des non-blancs ».

Grâce à un riche travail d'enquête au cœur des périodes les plus sombres de l'histoire humaine, les auteur•ice•s exposent au grand jour les liens insoupçonnés entre race et énergie. Selon elles et eux, l'extrême droite ferraille contre l'immigration car celle-ci met en péril la blanchité. De la même manière, elle lutte contre l'adaptation des sociétés au changement climatique qui menace le statu quo. Un combat que le collectif nomme « Fascisme fossile ». Indispensable à tou•te•s les militant•e•s et passionné•e•s de sciences sociales, cet essai rappelle que le fascisme naît toujours des crises. Or, la crise climatique pourrait bien être l'occasion tant attendue des extrêmes droites pour défendre bec et ongle leur héritage fossile.

Fascisme fossile, Zetkin Collective, La fabrique, octobre 2020, 368p, 18€

Une chronique signée Juliette Quef

Vous pouvez cliquer sur l'image pour l'afficher en plein écran et l'enregistrer d'un coup de clic droit © Vert

Sur le front du recyclage

Trier, c'est bien, mais. Car il y a des « mais », beaucoup de « mais » au recyclage, présenté à tort comme le geste écologique ultime. Dans son dernier épisode, la série Sur le front s'est demandé ce que deviennent nos déchets plastiques, une fois passée la poubelle jaune. Et ce n'est pas joli à voir.

Nous consommons 350 fois plus de plastique que dans les années 1950. Un appétit gargantuesque qui trouve ses limites dans le réel : cargos de déchets expédiés à l'autre bout du monde, pollutions en tous genres, sols et corps contaminés. Le geste de tri ne peut rien contre une telle gabegie.

© France télévisions

Le nouvel épisode de cette série consacrée à l'écologie est toujours aussi bien écrit et réalisé. Hélas, cherchant sûrement une note positive, le documentaire s'égare au cours de ses deux dernières minutes, en faisant la promotion d'un prototype miracle de bouteille 100% recyclable. Omettant soudainement de calculer l'énergie nécessaire pour collecter et refabriquer des bouteilles et oubliant les premières 50 minutes de film qui expliquent par le menu le problème du plastique à usage unique, sa surabondance dans nos emballages et les innombrables complications liées au tri. La seule véritable solution, que dessine pourtant si bien la majeure partie du documentaire : réduire nos déchets à la source.

Sur le front, la face cachée du recyclage, 2021, 52', disponible en replay sur le site de France télévisions.