La quotidienne

Le vert à moitié plein

Chères toutes et chers tous,

🎙️ Pendant toute la COP28, notre envoyé spécial Loup Espargilière est en direct tous les jours de Dubaï sur France Inter dans la Terre au carré à 14h35. Il vous y raconte les dessous des négociations et les découvertes les plus déroutantes de sa journée. Alors, à vos antennes !


Arrivée à mi parcours, cette COP nous jouera-t-elle un bon tour ? 


La COP28 peut encore bien se terminer

Le vert à moitié plein. Énergies fossiles, financements… à Dubaï, des options ambitieuses sont encore sur la table après sept jours de négociations. Le meilleur est donc encore possible, tout comme le pire, préviennent plusieurs observateurs.

À Dubaï, ce jeudi, les négociateurs ont déserté l’Expo City pour une journée de trêve bien méritée, avant le retour des ministres et des chef·fes d’État demain. Les négociations techniques feront place aux tractations politiques pour faire gagner telle ou telle formule dans les textes en négociations. Le plus important d’entre eux est le bilan mondial («global stocktake»), qui doit permettre aux pays d’identifier collectivement des pistes d’amélioration de leur action climatique. Un second texte provisoire, qui sert de base aux discussions, est sorti mercredi. 
 

Impossibles fossiles

Le maintien, notamment grâce à l’Union européenne, d’une phrase clé sur la sortie des énergies fossiles dans ce texte suscite l’espoir des associations environnementales. Celle-ci prévoit «une sortie juste et coordonnée des énergies fossiles», même si aucune date n’est mentionnée. 

La Chine, l’Inde et le groupe des pays arabes souhaitent activement sa suppression et militent pour le maintien d’une autre phrase sur l’augmentation «substantielle» du recours aux technologies de captage et stockage du carbone (CCS), extrêmement coûteuses et embryonnaires, que beaucoup qualifient de mirage technologique.
 

Menu : monnaie

La question cruciale des financements est également au cœur du bilan mondial. La COP a démarré sur une «immense victoire diplomatique» avec la création d’un fonds dédié aux pertes et dommages irréversibles liés aux catastrophes climatiques (notre article). Mais celui-ci reste gravement sous-doté, rappelle Fanny Petitbon, de l’ONG Care France. Les contributions volontaires des pays développés atteignent 655 millions de dollars : «des cacahuètes» comparée aux besoins estimés par des experts indépendants à 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030.

 © Joe Thwaites, traduction par Vert

What the COP ?

À mi-parcours, les observateurs s’inquiètent plus que jamais des parades et diversions qui se maintiennent dans les textes en négociations. Judith Lachnitt, spécialiste du climat et de souveraineté alimentaire chez Secours Catholique-Caritas, s’inquiète notamment du texte consacré aux crédits et marchés carbone. En l’état actuel, il «laisse la porte ouverte à des activités de géoingénierie, de fertilisation des océans et des choses aussi absurdes que de générer des crédits carbone simplement en renonçant à un projet émetteur».

· Mardi, la préfecture du département de Mayotte a fait savoir que l’eau du robinet n’était pas consommable dans une grande partie de l’archipel. De récents contrôles ont révélé la présence de métaux lourds, notamment de plomb, «au-delà des seuils d’alerte». L’origine de cette pollution n’est pour l’heure pas identifiée. Mayotte connaît de graves pénuries d’eau depuis mars 2023. – Mayotte La 1ère
 

· Mercredi, l’Association du transport aérien international a révélé que les compagnies aériennes s'attendaient à transporter un nombre record de 4,7 milliards de passagers en 2024 (contre 4,29 milliards en 2023). Le précédent summum avait été atteint en 2019, avec 4,54 milliards de personnes transportées. – Le Point
 

· Mercredi encore, la nouvelle édition du «World Nuclear Industry Status Report» soulignait le recul historique de l’atome au niveau mondial. Selon ce document indépendant de référence, le nucléaire a représenté moins de 10% du mix électrique mondial en 2022, et a bénéficié d’investissements 14 fois moins conséquents que le secteur des énergies renouvelables. – Ouest France
 

· Mercredi toujours, les agences de l’eau ont vivement réagi à l’abandon de la taxation portant sur les pesticides et les prélèvements obtenu en début de semaine par le syndicat agricole FNSEA. «Ce recul revient à un permis de polluer et de gaspiller l’eau pour le lobby de l’agriculture intensive», a commenté Dan Lert, le président d’Eau de Paris et adjoint écologiste à la maire de la capitale. – Le Monde

En finir avec les fossiles : qu’est-ce que ça veut vraiment dire ?

Sujet central de la 28ème conférence mondiale sur le climat, la sortie des énergies fossiles est indispensable pour maintenir un climat vivable. Mais peu d’entre nous réalisent ce que cela implique réellement, s’inquiètent Maxime Kagtely et Juliette Janne, deux ingénieur·es passé·es de l’industrie pétrolière (Exxon Mobil) au conseil en décarbonation (RongYi Solutions). Leur interview est à lire ici.

On n’en peut pub. Comme nous le racontions mardi, jamais aucune COP n’aura accueilli autant de lobbyistes des énergies fossiles (notre article). Mais le travail d’influence des géants du pétrole prend bien d’autres formes, à commencer par la publicité. Selon l’évaluation de la coalition Climate Action Against Disinformation (CAAD), conduite lors des premiers jours de la COP, les géants des fossiles ont diffusé des milliers de publicités à très forte teneur en greenwashing, mais aussi en wokewashing, faisant la promotion de «solutions» inclusives. Ainsi, Saudi Aramco a publié quelque 2100 publicités, suivi par… TotalEnergies et ses quelque 1090 réclames.
 

C’est chaud. L’information n’aura pas échappé aux participant·es à la COP28 : l’année 2023 sera sans aucun doute la plus chaude de l’histoire, selon Copernicus, le service européen de surveillance de la planète. Les records mensuels sont systématiquement battus depuis le mois de juin, comme le montre ce graphique. En novembre, le mercure a affiché 2°C de réchauffement planétaire pendant deux jours. Le brouillon de bilan mondial âprement débattu à la COP «fait part d’une grande inquiétude» sur cette année 2023 et les impacts de la crise climatique qui s’aggravent. Assez pour acter la fin des énergies fossiles ?

 © Copernicus

En off. Comment les dizaines de milliers de participant·es à la COP28 vont meubler ce jeudi de pause dans les négociations ? Le quotidien britannique The Guardian fait le point sur les activités récréatives offertes par Dubaï, du plus grand parc aquatique du monde aux nombreux musées de la ville en passant par les innombrables centres commerciaux de la ville.Si vous êtes tenté·e par la descente sur la poudreuse de culture, c’est juste en dessous avec Loup Espargilière ! 👇

Sur la piste du Ski Dubaï © Loup Espargilière / Vert

Ski faut pas faire. Il fait frais, ce jeudi, jour de relâche à la COP28. Très frais même, puisque le thermomètre indique -2°C. Nous sommes sur la piste artificielle de Ski Dubai, au cœur du vaste Mall of the Emirates (centre commercial des Emirats). Dans ce décor digne du Truman show, les murs bleu sale, parodies de ciel, sont chargés de climatiseurs géants qui permettent d’atteindre une température 29°C plus basse qu'à l’extérieur. Ici, le changement climatique n’existe pas. Dans une folle mise en abyme, on peut y déguster des boissons réfrigérées sur l’une des terrasses chauffées de cette salle climatisée au milieu du climat subtropical. Fondue pour fondue…

Heïdi brise la glace

Heïdi nous tout. Dans «Heïdi’s Ice», disponible sur la chaîne LCP, on embarque avec la glaciologue française Heïdi Sevestre pour rejoindre l’archipel du Svalbard (Arctique), à proximité du pôle Nord. Ce documentaire permet de suivre au plus près la scientifique, au gré de ses expéditions et de ses conférences, pour faire avancer la connaissance sur ces écosystèmes fragilisés par le réchauffement climatique et sensibiliser le plus grand nombre à leur préservation.

© LCP

+ Jennifer Gallé et Loup Espargilière ont contribué à ce numéro