La quotidienne

L’amour vache

Chères toutes et chers tous,

🗓️ Le Mouvement de l’écologie culturelle et Vert vous donnent rendez-vous jeudi prochain, le 8 février à l'Académie du climat à Paris à partir de 19h, pour un grand entretien avec l’essayiste et politologue Fatima Ouassak, autrice du très remarqué «Pour une écologie pirate» (notre article). Pour assister à cette rencontre gratuite, retrouvez toutes les infos pratiques juste ici

🔥 À laquelle de ces deux questions voulez-vous que nous répondions la semaine prochaine ?


Le Premier ministre a promis des preuves d’amour aux agriculteurs, mais il en faudra plus pour les faire descendre de leurs tracteurs.


Gabriel Attal, ou l’écologie des slogans et de «la croissance»

Attal est la question. Mardi 30 janvier, le Premier ministre a présenté sa feuille de route pendant près d’une heure et demie devant les député·es, sans convaincre les agriculteurs, ni engager son gouvernement sur le volet écologique.

Il était censé présenter la vision du gouvernement jusqu’à la fin du quinquennat. Lors de son discours de politique générale, mardi 30 janvier, Gabriel Attal a multiplié les appels du pied à la droite, sans briller par les annonces en matière d’écologie et d’agriculture, pourtant au cœur de l’actualité.

Gabriel Attal lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 30 janvier 2024. © gouvernement.fr

Pas de quoi démobiliser les agriculteurs

La mobilisation des agriculteur·ices tient bon partout en France, ce mercredi. Gabriel Attal n’a pas plus réussi à désamorcer la situation que lors de ses précédentes prises de parole, la semaine passée (notre article). Au-delà de sa volonté de «débureaucratiser» - comprendre : réduire le nombre de normes -, il s’est engagé à un versement d’ici mi-mars des aides de la Politique agricole commune (PAC), à un dialogue avec les régions pour accélérer le paiement des subventions à l'installation des jeunes agriculteurs, et à la mise en place d’aides fiscales pour les éleveur·ses.

Un fonds d’urgence pour la viticulture, dont le montant s’élèverait à 80 millions d’euros selon les précisions apportées par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, a aussi été évoqué. Gabriel Attal a promis qu’un objectif de souveraineté alimentaire serait inscrit dans la loi et qu’un plan de contrôle sur la traçabilité des produits verrait le jour. La France, a-t-il assuré, défendra à Bruxelles une dérogation sur l'obligation de laisser certains terrains en jachère, une règlementation plus stricte sur les importations ukrainiennes de volailles et s’opposera à la signature du traité de libre-échange avec l’Amérique du Sud, le Mercosur.

Deux mesures, pas de poids

En charge de la «planification écologique et énergétique», le chef du gouvernement s’est prononcé «pour un environnement plus respirable, partout et pour tous»… mais n’a pas jugé bon de citer les énergies fossiles.

Seules annonces : le lancement encore très imprécis d’un service civique écologique pour 50 000 jeunes «prêts à s’engager concrètement pour le climat» d’ici la fin du quinquennat en 2027, et la mise en place d’un plan de réduction des plastiques pour les 50 sites industriels qui produisent le plus de ces emballages. 

Faire «rimer climat avec croissance»

Dans la droite ligne d’un président de la République qui «adore la bagnole» (notre article), voilà un Premier ministre pour qui «la voiture est un gage (…) de liberté». Son but : faire «rimer climat avec croissance», car la décroissance ne serait rien de moins que «la pauvreté de masse». Sur le fond, Gabriel Attal n’a pas prévu de revoir à la hausse les objectifs sur les énergies renouvelables et s’est félicité d’être «à la tête d’un gouvernement pro énergie nucléaire».

Un «plan d’adaptation au changement climatique» doit être dévoilé au prochain trimestre. La biodiversité, complètement passée à la trappe, n’a fait l’objet d’aucune nouvelle annonce.

👉 Cliquez ici pour lire la suite de ce décryptage d'Aurélie Delmas, où les ONG expliquent qu'elles ne sont pas du tout convaincues.

· Mardi, plus de 120 points de blocage, 12 000 agriculteur·ices et 6000 tracteurs ont été recensés par les renseignements territoriaux. À l’issue du discours de Gabriel Attal à l’Assemblée nationale mardi après-midi, la Confédération paysanne a appelé ses adhérent·es à cibler les centrales d’achat, les marchés de gros et les industries alimentaires. Huit autoroutes sont toujours bloquées en région parisienne, ce mercredi matin, tandis que des convois se rapprochent du marché de Rungis (Val-de-Marne). - Libération

· Mardi encore, neuf hommes ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Lille (Nord) à des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour un vaste trafic de déchets entre la Belgique et la France. Lors du procès, la procureure avait fait valoir que le trafic de déchets est aussi lucratif que celui des stupéfiants, mais qu’il fait courir des risques pénaux bien moindres. - France 3 Hauts-de-France

· La pollution de l’air dans les écoles primaires est responsable de plusieurs dizaines de milliers de cas d’asthme tous les ans, a dévoilé Santé publique France, mardi. 30 000 cas d’asthme seraient évitables chaque année chez des enfants de 6 à 11 ans en réduisant leur exposition au formaldéhyde (un polluant présent dans des produits d’entretien ou des revêtements de murs, de sols ou de meubles) et 12 000 cas de sifflements en éradiquant les moisissures présentes dans les salles de classe. - France info

«La ferme des Bertrand» : 50 ans de vie paysanne sur grand écran

Vachement bien. Dans son nouveau documentaire, le réalisateur Gilles Perret retrace la vie depuis les années 1970 d’une grande ferme laitière, propriété de la famille Bertrand, installée au centre de son village natal de Quincy (Haute-Savoie).

Ça bosse dur dans l’exploitation laitière des Bertrand. Très dur même. Les journées commencent aux aurores, vers 5 heures du matin, avec les soins à la centaine de vaches allaitantes et à leurs veaux. Aux beaux jours, il faut aller faucher et ramasser les foins sur les terrains pentus de Haute-Savoie. À cette période de l’année, le travail ne s’arrête qu’à la nuit tombée et les fermiers descendent rompus des tracteurs. Quand le froid arrive, l’activité se resserre autour des stabules où les vaches passent l’hiver. Les déjeuners du midi peuvent alors s’étirer un peu.

C’est ce quotidien agricole laborieux et volontaire que nous donne à voir le réalisateur Gilles Perret dans son dernier film, «La ferme des Bertrand». Ces Bertrand, ce sont ses voisins de Quincy, petit village de la montage savoyarde où il a grandi. Cette proximité géographique et humaine lui permet d’immortaliser sur le temps long des moments d’une vie paysanne en plein bouleversement

Hélène, Alex et Marc, de famille Bertrand, conduisant les vaches au pré. © Laurent Cousin/Jour2fête

C’est l’un des aspects remarquables du film : suivre sur plusieurs générations la vie de cette grande exploitation dont le lait est destiné à la fabrication du reblochon. En entremêlant des images de 1972, 1997 et 2022, Gilles Perret raconte un demi-siècle d’activité agricole. On y croise le trio des frères Bertrand, à l’origine de la première phase de modernisation de la ferme, puis leur neveu Patrick et sa femme Hélène qui reprennent les affaires dans les années 2000. Le film accompagne toutes ces personnalités dans leurs efforts, leurs doutes et leurs espoirs de «travailler moins dur» et de pouvoir transmettre «quelque chose de bien» aux générations futures.

Hasard du calendrier, le film éclaire de manière très précieuse, de l’intérieur, l’actualité de la mobilisation des agriculteur·ices. Revenus, protectionnisme, pénibilité du travail, robotisation, rapport aux animaux d’élevage, reconnaissance du métier d’agriculteur dans la société, artificialisation des espaces ruraux : «La ferme des Bertrand» ratisse large pour nous permettre de comprendre à la fois la fierté et le malaise qui agitent les campagnes françaises.

«La ferme des Bertrand», un film documentaire de Gilles Perret, 1h29, sorti en salle mercredi 31 janvier 2024.

Jennifer Gallé

Dry january, écologie : pourquoi le pouvoir a-t-il si peur de la sobriété ?

Si vous avez fait le «dry january» ce mois-ci : félicitations, vous êtes sur le point d’avoir relevé le défi ! Et pourtant : les pouvoirs publics ne soutenaient pas votre initiative. Dans une vidéo d’une vingtaine de minutes, la journaliste Paloma Moritz de Blast revient sur la maîtrise de notre consommation au sens large et s’interroge : pourquoi le pouvoir a-t-il si peur de la sobriété ? Energie, alimentation, plastique, alcool, un changement de comportement durable des individus ne pourra pourtant se produire que si «les mesures politiques et les infrastructures nécessaires» ont été mises en place, estime Yamina Saheb, économiste et co-autrice du Giec.

© Blast

+ Jennifer Gallé, Justine Prados, Juliette Quef et Sanaga ont contribué à ce numéro.