La quotidienne

L’amer monte

Chères toutes et chers tous,

🙏 Aujourd'hui, c'est au tour d'Alexandre Carré, diplômé en sciences de la mer et alternant en journalisme scientifique à l'Ecole supérieure de journalisme de Lille, de signer sa première édition de Vert ! On le salue !

🗳️ Les urnes ont parlé. À près de 65%, vous avez choisi que nous répondions à la question «Comment convaincre ses proches de l'urgence climatique ?». Réponse dans l'édition de jeudi prochain.


La France est une championne autoproclamée de la Terre et des mers; pourtant sa politique laisse un goût très amer.


En lutte contre l’A69, le militant Thomas Brail s’est perché dans un arbre en face du ministère de l’écologie

Trop c'est tronc ! En grève de la faim depuis maintenant deux semaines, Thomas Brail a investi un platane du boulevard Saint-Germain de Paris, exigeant d’être reçu par l’exécutif pour demander la suspension du chantier de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse.

«Tant qu’on n’aura pas une discussion avec le ministre, on reste dans l’arbre», jure Thomas Brail auprès de Vert, jeudi matin. Quelques heures plus tôt, le fondateur du GNSA (Groupe national de surveillance des arbres) s’est hissé à l’aide de cordes dans cet arbre en compagnie de deux autres membres du groupe qui assurent sa sécurité. 

Thomas Brail, jeudi matin en face du ministère de l'écologie © Arnaud Huck

Des membres du GNSA ravitaillent régulièrement les trois grimpeurs, qui patientent en observant le ballet des voitures parisiennes. «Je suis désolé d’en arriver là, mais je n’ai pas le choix», confie Thomas Brail, les traits tirés et la voix fatiguée.

Le 1er septembre, il a entamé une grève de la faim pour réclamer l’arrêt du chantier de l’autoroute A69, qui a nécessité l’abattage de plusieurs arbres centenaires sur son tracé. Ce lundi, il s’était perché en face du conseil régional d'Occitanie, à Toulouse, pour interpeller la présidente socialiste de la région, Carole Delga, ainsi que Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Sans succès. En deux semaines, une dizaine de personnes l’ont rejoint dans sa grève de la faim.

La construction de l’A69 est un projet vieux de 30 ans, mené par la société Atosca, qui prévoit l’artificialisation de 550 hectares de terres, dont 25 hectares de zones humides et 400 hectares de terres agricoles.

«Il y a trois recours en cours, mais les travaux se poursuivent malgré tout, déplore Thomas Brail. Si on ne fait rien, les travaux peuvent se terminer avant les jugements. Peu importe s’ils sont favorables ou non.» Pour le militant, «les autorités ferment les yeux sur la poursuite des travaux pendant l’évaluation» lorsqu’il s’agit de recours environnementaux. Le gouvernement restera-t-il dur de la feuille ?

· Ces derniers jours, plusieurs enquêtes ont été ouvertes après la mort de quatre vendangeur·ses en Champagne. Les parquets de Reims et de Châlons-en-Champagne devront déterminer les circonstances de ces décès et explorer l’éventuelle incidence des fortes chaleurs sur ces derniers. Les vendangeur·ses devaient travailler en plein soleil sous des températures supérieures à 30°C la semaine dernière. - Le Monde (AFP)

· Jeudi, des activistes d’Attac et d'Extinction rebellion ont été condamné·es par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour avoir bloqué l’accès à un terminal de l’aéroport du Bourget en septembre 2022. Les militant·es, qui devront payer des amendes allant de 300 à 500 euros, ont annoncé vouloir faire appel. - Le Monde (AFP)

· Plus de 300 scientifiques - dont les climatologues Valérie Masson-Delmotte, Jean Jouzel et Christophe Cassou - demandent à la France de soutenir la mise en place du traité de non-prolifération des fossiles, dans une tribune au Monde publiée jeudi. Porté depuis 2015 par plusieurs États du Pacifique, ce projet est soutenu par de nombreuses institutions, dont le Parlement européen et l’Organisation mondiale de la santé. «Le temps est venu d’abandonner les énergies fossiles et de faire un choix résolu en faveur des sources d’énergie bas-carbone», clament les scientifiques.

· La France n’a pas tout à fait respecté ses objectifs en matière de gaz à effet de serre en 2022, conclut le dernier rapport de l’Observatoire énergie-climat, une instance développée par les ONG du Réseau action climat. Si le compte est bon en matière d’émissions «brutes», ce n’est pas le cas pour les objectifs d’émissions «nettes» (c’est-à-dire le total national, moins le CO2 absorbé par les puits de carbone comme les sols, les forêts, etc) fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) - la feuille de route climatique du gouvernement. Ceux-ci ont été dépassés de 19,9 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2e), notamment à cause de l’affaiblissement des puits de carbone, fragilisés par les sécheresses, les incendies et le changement d’usage des terres. - Reporterre

700 millions

Suriname et conscience. Mercredi, TotalEnergies a dévoilé un nouveau projet pétrolier au large du Suriname, pays voisin de la Guyane. Objectif : extraire environ 200 000 barils par jour, soit autant que le projet controversé Tilenga en Ouganda. Le «Bloc 58», où deux champs ont été découverts, recèlerait l’équivalent de 700 millions de barils. Les Amis de la Terre avaient estimé l’impact du projet en Ouganda (pour une même production de 200 000 barils par jour) à 34,3 millions de tonnes de CO2 par an. C'est 17 fois les émissions nationales du Suriname. Le projet de TotalEnergies sera confirmé fin 2024 avec un démarrage de la production prévu en 2028.

«L’hypocrisie de la France est affligeante dans le domaine de la protection de l’océan»

L'amer à boire. Dans la revue Nature, la communauté scientifique a récemment dénoncé l’hypocrisie de certains États, qui s'autoproclament «champions de l’océan» tout en sabotant des politiques visant à protéger les mers. La France en fait partie, explique Raphaël Seguin, chercheur en écologie marine, dans une tribune à Vert.

L’océan est le garant de la vie sur Terre. Près de trois milliards d’humains en dépendent pour se nourrir, pour travailler, pour leur identité culturelle. L’océan est le chef d’orchestre des conditions d’habitabilité de la Terre et est notre premier allié contre la crise climatique : il a absorbé plus d’un tiers de nos émissions de dioxyde de carbone, et atténue le réchauffement climatique.

L’océan est en péril aujourd’hui. Ces derniers mois ont vu défiler des records de températures marines inouïes, notamment en Atlantique Nord où a sévi une canicule marine avec des températures de cinq à six degrés plus élevées que les normales de saisons. Pourtant, pour notre espèce, l’océan est à la fois vu comme un gigantesque puits de ressources à exploiter, et comme une énorme poubelle, pour nos déchets, nos pesticides ou encore nos émissions de gaz à effet de serre.

C’est un milieu peu connu, distant et lointain pour la plupart des Français. Un détachement qui rend invisible sa destruction et la mobilisation autour de sa préservation compliquée. Pour reprendre les mots d’Éric Tabarly, navigateur Français : «La mer, c'est ce que les Français ont dans le dos quand ils sont sur la plage».

En tant que seconde puissance maritime mondiale, la France a une responsabilité majeure. Notre pays regroupe 10% de la surface mondiale des récifs coralliens ; il borde la Méditerranée, l’une des zones marines les plus diversifiées et menacées de la planète, abritant 11% de la biodiversité marine. Le gouvernement français n’est pas à la hauteur de cette responsabilité.

La suite de cette tribune est à lire ici

Comment l'agrochimie a tué les insectes

Ils ont fait mouche. Comment expliquer le déclin massif des insectes, lourd de conséquences pour la biodiversité terrestre ? Notamment par l’usage massif de pesticides néonicotinoïdes, substance au cœur de Comment l'agrochimie a tué les insectes, documentaire de 2021, à nouveau disponible en replay sur le site d'Arte. Basé sur le livre du journaliste Stéphane Foucart, Et le monde devint silencieux (2019), il offre un tour d’horizon pour mieux comprendre ce désastre imputable aux géants de l’agrochimie.

© Arte

+ Loup Espargilière, Jennifer Gallé, Juliette Mullineaux, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.