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La viande dard dard

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La publicité vante le steak dans nos plats, quitte à caviarder le climat.


Le gaz et le nucléaire prêts à faire effraction dans la taxonomie verte européenne

L'enfer est pavé de bonnes inventions. A l'issue d'intenses tractations politiques, le gaz défendu par l'Allemagne et l'atome cher à la France devraient finalement intégrer la liste des activités « durables » labellisées par l'Union européenne.

La taxonomie verte européenne est un chantier titanesque et technique engagé depuis 2018 par l’Union européenne. L'objectif, louable, est de classer l'ensemble des activités économiques selon des critères environnementaux, dans le but de flécher les investissements publics et privés vers les secteurs vraiment « durables » et enfin bouter le greenwashing hors d'Europe (Vert). Mais le principe de réalité a eu tôt fait de corser les négociations entre les 27 pays de l'Union. Alors qu'une coalition de pays (emmenée par la France) défend bec et ongles l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie, une autre (guidée par l'Allemagne) pousse le gaz comme énergie de transition entre le charbon et les renouvelables.

Après plusieurs mois d'intimidations et de passes d'armes entre les deux camps, la Commission européenne s'oriente désormais vers un consensus au rabais. « Il ne fait maintenant aucun doute que le gaz et le nucléaire seront inclus » dans la taxonomie, ont indiqué deux sources proches de l’exécutif européen au site spécialisé Contexte. La discussion porte désormais principalement sur les conditions d'intégration. Nos confrères ont ainsi révélé un document (en anglais), attribué à la France et plusieurs pays d'Europe de l'est, dans lequel ils proposent que les travaux de construction, d’exploitation et d’extension de la durée de vie des centrales nucléaires soient classés comme « verts ». Le stockage de déchets radioactifs ou l’extraction et le traitement de l’uranium entreraient dans la catégorie « habilitante », c'est-à-dire permettant indirectement la transition énergétique. Les centrales au gaz intégreraient également la taxonomie à condition de justifier d'émissions de CO2 inférieures à 100g par kilowattheure (contre 443 grammes en moyenne selon l'Ademe). Des conditions élargies et des seuils plus élevés sont toutefois proposés jusqu’en 2030.

Le président de la commission Environnement au Parlement européen, Pascal Canfin, défend, lui, l'obligation de mentionner la présence de gaz ou de nucléaire dans les produits financiers “durables”. Il estime en outre que le gaz devrait uniquement remplacer du charbon et seulement avant 2030 (Euractiv). La Commission a promis de soumettre sa proposition avant la fin de l'année. 

· L’autoroute Poitiers-Limoges, chère au ministre des Transports, « sera responsable d’une artificialisation directe hors du commun », pointe l’Autorité environnementale dans un avis publié mardi 23 novembre. La mise en concession autoroutière de cet itinéraire, défendue et suivie de près par Jean-Baptiste Djebbari (ex-député de la Haute-Vienne), entraînerait une artificialisation de près de 800 hectares de terres agricoles et de forêts. En outre, pour être à l'équilibre, le projet nécessiterait une subvention publique de 771 millions d'euros. La mise en service de l’autoroute est prévue en 2035, selon Contexte

· En 2022, la Norvège ne proposera pas de nouveaux permis de prospection pétrolière dans des zones vierges ou peu explorées, a annoncé, lundi, le nouveau gouvernement de centre-gauche. Ce mécanisme permet depuis 1965 aux compagnies pétrolières de se porter candidates à la prospection dans des zones jusqu'alors peu ou pas explorées du plateau continental norvégien. L'année dernière, seuls sept groupes pétroliers avaient fait acte de candidature, le chiffre le plus bas depuis au moins 1978, selon les médias locaux. AFP

© Doughnut economics action lab 

Si le monde était un donut. La « théorie du donut », mise au point par l'économiste britannique Kate Raworth, permet de visualiser à la fois l'atteinte d'objectifs sociaux et environnementaux. Dans cette nouvelle datavisualisation, diffusée par le centre de recherche qu'elle a créé, l'atteinte de onze objectifs sociaux tels que l’accès à l’énergie, à l'éducation ou au système démocratique, sont satisfaits s’ils ne figurent pas en rouge dans le trou du biscuit. Quant aux sept limites environnementales, dont les émissions de CO2, l’utilisation de l'eau douce ou la pollution chimique, elles restent soutenables lorsqu’elles ne dépassent pas l'extérieur du beignet. Au cours des trente dernières années, aucun pays du globe n'est parvenu à répondre aux besoins fondamentaux de ses habitants sans surexploiter les ressources, révèle l'infographie. Les États-Unis affichent les dépassements les plus importants, tandis que le Nigéria vit à l'intérieur des frontières planétaires mais avec de graves carences au niveau social. Plus de détails dans cet article de Novethic.

Publicité : tous les moyens sont bons pour nous faire manger plus de viande

Les moyens justifient la faim. Malgré un bilan environnemental effroyable, l'industrie de la viande utilise librement toutes sortes de ficelles pour augmenter ses ventes, y compris le renforcement de stéréotypes sexistes ou la déformation de recommandations de santé publique, révèle une nouvelle étude de Greenpeace.

La production d'aliments d'origine animale est un poids lourd du réchauffement climatique, totalisant à elle seule pas moins de 19% des émissions de gaz à effet de serre, indiquent les études les plus récentes. C'est aussi un problème de santé publique puisque la surconsommation de viande rouge ou transformée accroît les risques de cancer et de pathologies cardiovasculaires. 

Malgré ce bilan désastreux, la publicité pour les produits carnés n'est toujours pas régulée en Europe, comme le sont déjà les communications sur l'alcool, le tabac, la malbouffe ou le sucre. Au contraire, l'Union européenne a déboursé par moins de 252,4 millions d'euros entre 2016 et 2020 pour faire la promotion de la viande et des produits laitiers, rappelle Greenpeace. C'est 32% des 776,7 millions d’euros alloués à la promotion des produits agricoles dans l’UE et à l’étranger. Pour obtenir ces subventions, certains publicitaires de l'industrie de la viande ont clairement manifesté leur volonté d'augmenter les ventes. La logique, pour limiter les effets du chaos climatique, serait pourtant d'en réduire drastiquement la consommation.

L'étude de Greenpeace dévoile les stratégies de 51 marques commercialisant de la viande dans six pays d’Europe (France, Espagne, Pologne, Suisse, Allemagne et Danemark) © Greenpeace France

Pour nous faire aimer la viande, les publicitaires déploient des trésors d'inventivité. La santé est sans conteste l'argument le plus utilisé, quitte à tordre la réalité scientifique. Les publicités alimentent ainsi « l'inquiétude des consommateurs quant au fait que les protéines animales constituent la meilleure voire la seule source de protéines » alors que cette assertion est aujourd'hui largement reconnue comme obsolète, pointe l'étude. De nombreux spots « renforcent certains stéréotypes genrés inutiles et nuisibles en sous-entendant que manger de la viande (rouge) rend les hommes plus virils, et que donner de la viande à leur famille fait des femmes de meilleures épouses/mères », soulignent également les auteur•ices. D'autres encore misent activement sur l’humour pour présenter le végétarisme comme une faiblesse ou une pratique féminine. Toutes « exploitent le besoin qu’ont les consommateurs et consommatrices d’être acceptés, accomplis, aimés, respectés et, au final, de se sentir bien ». Bref, la dissonance cognitive poussée à son paroxysme.

Rap à légumes

Le 19 novembre, Orelsan a publié son quatrième album intitulé « Civilisation ». Le rappeur y est nettement plus engagé que dans les précédents opus. Son titre « baise le monde », déjà écouté plus de 3,5 millions de fois sur Spotify, fait notamment la part belle aux thématiques écologiques. Il y décrit tour à tour les ravages de la pollution plastique et automobile, de la pêche aux crevettes ou de l'industrie textile. Le tout en restant drôle et habile.

Baise le monde · Orelsan  © Youtube

+ Juliette Quef a contribué à ce numéro