La quotidienne

La pollution désole

Chères toutes et chers tous,

Les urnes ont parlé. À 60,65%, vous avez choisi que nous répondions à la question « Le ski peut-il être écologique ? » dans le Vert du faux de la semaine prochaine. Rendez-vous jeudi pour notre premier décryptage de l'année 2023. 

(V)erratum : une superbe coquille s'est glissée dans l'édition d'hier. La célèbre formule des tenants de la sobriété n'est évidemment pas « moins de liens, plus de biens » comme nous l'avons écrit mais « moins de biens, plus de liens ». Cela étant dit, vous êtes bien libre de tourner le dos à vos ami·es pour consommer plus. À votre guise !


Des bananeraies des Antilles aux entrepôts de Lubrizol, depuis des décennies, des industries continuent de souiller nos sols.


La justice prononce un non-lieu dans le « scandale sanitaire » de la pollution au chlordécone dans les Antilles

La justice française a prononcé un non-lieu dans l’affaire du chlordécone, du nom de ce pesticide longtemps utilisé dans les bananeraies des Antilles alors qu’il était interdit en France métropolitaine. Les victimes devraient faire appel de cette décision.

En 2006, des associations martiniquaises et guadeloupéennes avaient porté plainte pour empoisonnement, mise en danger de la vie d’autrui et administration de substance nuisible. Dans leur viseur : l’autorisation prolongée de ce pesticide employé contre le charançon du bananier, utilisé en jusqu’en 1993 en Martinique et en Guadeloupe alors qu’il était interdit en France métropolitaine depuis 1990 en raison de sa toxicité.

En février 2021, collectifs, syndicats, partis et citoyens se sont rassemblés en nombre à Fort-de-France (Martinique) pour demander justice dans l’affaire du chlordécone et contester un éventuel non-lieu déjà pressenti. © Fanny Fontan/Hans Lucas via AFP

Dans leur décision rendue ce lundi et consultée par l’AFP, les juges du tribunal judiciaire de Paris ont reconnu que l’affaire représentait un « scandale sanitaire ». Mais elles ont estimé qu’il était difficile de prouver les faits qui datent d’au moins dix ans avant le premier dépôt de plainte. Les magistrates soulignent également l’état insuffisant des connaissances scientifiques à l’époque.

Des associations, collectifs d’habitant·es et élu·es ont régulièrement dénoncé un « déni de justice » dans le traitement de cette affaire. Jeudi, le syndicat agricole Confédération paysanne a fustigé un « non-lieu de la honte ».

Le chlordécone a contaminé plus de 90% de la population en Guadeloupe et en Martinique, selon Santé publique France. En 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a jugé « vraisemblable » la « causalité de la relation entre l’exposition au chlordécone et le risque de survenue de cancer de la prostate », dont les Antilles détiennent le triste record de la plus forte incidence au monde. Les plaignant·es ont annoncé être prêt·es à faire appel.

· Jeudi, cinq mois de prison avec sursis ont été requis contre deux militants anti-bassines au tribunal correctionnel de la Rochelle (Charente-Maritime). Tous deux étaient jugés pour avoir dégradé un réservoir artificiel d’eau à destination de l'agriculture en novembre 2021 à Cram-Chaban en marge d’une manifestation contre les méga-bassines dans les Deux-Sèvres. Ce vendredi, cinq hommes sont jugés à Niort pour d’autres dégradations commises en septembre 2021 sur le chantier de la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres). 16 retenues artificielles sont en projet à travers tout le Marais Poitevin (notre article).

· Après avoir aspergé de peinture orange la façade de l’hôtel de Matignon mercredi, des activistes de Dernière rénovation (DR) en ont fait de même à Bercy, ce jeudi, pendant que le ministre de l’économie Bruno Le Maire présentait ses vœux aux acteurs économiques. Sur Twitter, ce collectif qui milite pour une vaste rénovation thermique des logements a notamment dénoncé la maigre baisse des émissions de CO2 françaises en 2022 et « les responsabilités [du gouvernement] dans ce crime de masse silencieux qui fera des millions de victimes ».

L'action menée sur la façade du ministère de l'économie jeudi © Compte Twitter de Dernière rénovation

· La baisse de la consommation électrique, notamment due à la chaleur hivernale, a conduit EDF à fermer épisodiquement certains de ses réacteurs nucléaires ; jusqu’à dix le weekend dernier. Depuis la mi-décembre, la France est redevenue exportatrice de son électricité et la menace de coupures « semble s’écarter », selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. - 20 Minutes (AFP)

· Le gouvernement prépare une application pour smartphone dans laquelle les chasseur·ses pourraient être contraints de se signaler aux randonneur·ses afin d’éviter les accidents. Une solution décriée par les opposant·es à la chasse, qui estiment notamment qu’elle ne fonctionnera pas dans les zones blanches, comme par le patron de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen, qui la juge « ridicule ». Lundi prochain, l’exécutif devrait présenter des mesures pour sécuriser la chasse. - France info

La moitié

C’est chaud. Si le climat venait à se réchauffer de 1,5°C en moyenne sur le globe, soit un scénario hautement optimiste, la moitié (49%) des glaciers du monde devrait disparaître d'ici à la fin du siècle, révèle une étude parue jeudi dans la revue Science. Ce qui représente 104 000 glaciers. Il s’agit essentiellement des plus petits d’entre eux ; mais malgré leur taille modeste (une surface inférieure à un kilomètre carré), la disparition de ces glaciers affectera l’hydrologie, le tourisme, et la culture locales, et augmentera les risques. Plus de 50 000 d'entre eux devraient s'être déjà éclipsés en 2050. En cas de réchauffement planétaire de 4°C, un scénario plus proche de la trajectoire actuelle, 80% des glaciers seraient condamnés et leur fonte provoquerait une hausse de 15 centimètres du niveau des mers. Glaçant.

Tout comprendre à la biodiversité en un limpide essai

Dites « ouistiti » ! Dans son essai Le sourire du pangolin ou comment mesurer la puissance de la biodiversité, l’écologue Philippe Grandcolas décrit l’ampleur de nos idées reçues sur le vivant et sur l’effondrement en cours, ainsi que les solutions pour y remédier.

Saviez-vous qu’il existait 40 000 espèces d’insectes rien qu’en France ? Que 30 000 à 40 000 milliards de bactéries peuplaient notre corps, soit autant que nos propres cellules ? C’est par l’immensité de ce que nous ignorons du vivant - nous n’aurions identifié que 20 % des espèces du globe - que Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, entame cet ouvrage essentiel et accessible.

Au fil des pages, l’auteur interroge nos représentations erronées sur la biodiversité, représentations qui aggravent son effondrement. Par exemple, nous ressentons davantage d’empathie pour les animaux qui nous ressemblent - les mammifères - que pour les autres espèces pourtant tout aussi essentielles ; nous avons tendance à conceptualiser des individus séparés (« un arbre », « un champignon ») et non des chaînes de relations dans des écosystèmes complexes ; nous souffrons d’« amnésie environnementale », oubliant les états passés de notre environnement et leur dégradation ; nous plaçons l’espèce humaine au sommet de l’évolution.

Alors, le pangolin peut-il sourire ? « Bien sûr, certains animaux peuvent sourire ou plutôt… c’est parce que nous sommes nous-mêmes des animaux que nous pouvons le faire », écrit le chercheur. Preuve de nos conceptions erronées et de notre logique inversée. Or, Philippe Grandcolas montre que c’est précisément ce manque de compréhension du vivant qui a causé sa perte, et qui pourrait également être l’une des solutions-clés à sa régénération.

Le sourire du pangolin, Philippe Grancolas, CNRS éditions, octobre 2021, 222p, 19€

Après Lubrizol, pas de pollution ?

Circulez, y a Rouen à voir. Plus de trois ans après l’énorme incendie de Lubrizol et de Normandie Logistique à Rouen (Seine-Maritime), les autorités considèrent que cette catastrophe industrielle n’a pas eu d’impact sur l’environnement et la santé des habitant·es. Envoyé spécial a décidé d’enquêter sur la question, et d’interroger les risques et la vulnérabilité de certaines zones industrielles françaises.

© Envoyé spécial

+ Loup Espargilière et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.