Chères toutes et chers tous,
En ce jour férié en France, la COP26 comme la rédaction de Vert se sont affairées pour vous préparer une nouvelle édition spéciale. Dès lundi prochain, Vert retrouvera son format habituel.
Bonne lecture !
Alors qu'ils approchent de la lignée d'arrivée, les Etats pressent le pas mais laissent certains d'entre eux sur le bas-côté.

COP26 : une ébauche de décision finale très insuffisante
Doit mieux faire. La présidence britannique a présenté une première ébauche du texte qui doit conclure la COP26. Celui-ci contient certaines avancées, mais les observateurs ont surtout noté des absences criantes.
La « décision finale » résume les intentions politiques de l’ensemble des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à l'issue de deux semaines de discussions. Elle doit s'appuyer sur un consensus. Or, il n’est pas facile d'y parvenir à 197 parties.
Pour la première fois de l'histoire des COP, l'ébauche de décision finale présentée mercredi mentionne les énergies fossiles et la fin de leurs subventions. Mais seule la sortie du charbon est évoquée, et rien n’est dit sur le pétrole et le gaz. Le texte réaffirme l'objectif de l'Accord de Paris de limiter bien en-deçà de 2°C le réchauffement climatique d'ici la fin du siècle, et de poursuivre l'objectif de ne pas dépasser 1,5°C. Toutes les parties sont aussi invitées à « réactualiser à la hausse leurs objectifs à 2030 de façon à s'aligner avec l'Accord de Paris d'ici la fin de l'année 2022 ».

Le brouillon de la décision
Côté financements, « le texte est largement insuffisant », déplore Armelle Le Comte, chargée de plaidoyer à Oxfam France. Certes, les parties « regrettent » que le « fonds vert » dédié à l’adaptation au changement climatique des pays en développement n'ait pas été abondé de 100 milliards de dollars chaque année depuis 2020, comme promis (Vert). « Mais il n'y a pas d'engagement à compenser chaque année de retard », ajoute Armelle Le Comte. Ni à augmenter ces financements.
« Ce projet d'accord n'est pas un plan pour résoudre la crise climatique [...]. C'est une demande polie pour que les pays en fassent peut-être, éventuellement, plus l'année prochaine », juge Jennifer Morgan, directrice exécutive Greenpeace International. D'ici là, une version définitive du texte est attendue dimanche.

Pirouette, cacahouète. La présidence britannique était fière de présenter, mercredi, la Coalition pour l'ambition climatique de l'aviation internationale, sur laquelle elle travaillait depuis l'ouverture de la COP26. 23 pays – dont la France – se sont engagés à « réduire les émissions de CO2 de l'aviation à un rythme compatible avec les efforts visant à limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale à 1,5°C ». Mais comme le relève le porte-parole de Greenpeace France, Clément Sénéchal, aucune mention de la réduction du trafic n’est faite. Pour rappel, 1% de la population mondiale est responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre liées à l’aviation, alors que 80% de l’humanité n’a jamais pris l’avion. Le secteur contribue quant à lui à hauteur de 5% au réchauffement climatique (voir notre infographie).
Re-pétition. Greta Thunberg n'en finit pas de remplir des pétitions : après une première dévoilée à l'ouverture de la COP (Vert), la militante écologiste suédoise souhaite adresser une pétition légale à l'ONU. Portée par 14 jeunes activistes, celle-ci enjoindrait l'institution de déclarer la crise climatique comme une « urgence mondiale de niveau 3 », soit la plus haute catégorie d'urgence des Nations unies. Le brouillon de la pétition est encore en cours. « L'urgence climatique – qui menace chaque personne sur la planète dans un avenir prévisible – constitue une menace au moins aussi grave qu'une pandémie mondiale et nécessite également une action internationale urgente », affirme le texte que le Guardian a pu consulter.
Salle coup. Déjà régulièrement ignoré, le Climate Vulnerable Forum - qui rassemble 48 pays les plus vulnérables au changement climatique - s'est vu superbement confisquer la salle de sa conférence de presse, mercredi, par les deux plus gros Etats-pollueurs. La Chine et les États-Unis y ont annoncé avoir signé une déclaration conjointe dans laquelle ils s'engagent à rehausser leurs efforts en matière de lutte contre le changement climatique (France24). Sans pour autant préciser la façon dont ils comptaient s’y prendre.


JPP Morgan. Mercredi, à Glasgow, des représentant·e·s de communautés autochtones et des militant·e·s d'Extinction Rebellion ont bloqué le siège de JP Morgan. Entre 2016 et 2020, la banque américaine est la championne du monde du soutien aux énergies fossiles, comme l'ont révélé Reclaim Finance et d'autres ONG. Les projets « extractivistes » et les constructions de pipelines ainsi financés ont occasionné de nombreuses destructions et entraîné des crimes dans certaines communautés autochtones, notamment en Amérique du Nord ou en Amazonie. Les manifestant·e·s ont accusé la banque de contribuer au colonialisme et de s'enrichir grâce à l'« argent du sang » (blood money).

1 milliard de personnes
C’est chaud. Si la température moyenne mondiale augmentait de 2°C, un milliard de personnes seraient exposées au phénomène de stress thermique extrême, a indiqué le service national britannique de météorologie (MET), ce mardi. Un état qui survient lorsque la chaleur torride et l’humidité se combinent, et qui met en danger les fonctions vitales. Il est alors difficile pour le corps humain de maintenir sa température autour de 37°C. Cela peut entraîner une déshydratation, un épuisement, des difficultés de circulation sanguine, des problèmes cardiovasculaires ou des coups de chaleur qui peuvent finir par être fatals. Aujourd'hui, environ 68 millions de personnes sont déjà exposées à ce phénomène, selon le MET.

Nemonte Nenquimo, ambassadrice de l’Amazonie à la COP
A Glasgow comme devant les tribunaux, celle que l’on surnomme « Nemo » veut faire entendre au monde l’ampleur de la destruction de la forêt amazonienne. Portrait d’une guerrière acharnée, émissaire des peuples humains et non-humains de l’Amazonie.
« Si la forêt disparaît, nous aussi nous mourrons », avertit Nemonte Nenquimo d’une voix pénétrante. La cheffe des Waorani s’est rendue à la COP26 pour représenter la Confédération des nationalités autochtones de l’Amazonie équatorienne (CONFENIAE) qui regroupe 1 500 « nacionalidades » – ces ensembles de peuples millénaires. « La COP, explique-t-elle à Vert, est un espace dans lequel nous, peuples autochtones, pouvons parler en notre nom et non par l’intermédiaire des délégués du gouvernement en qui nous n’avons pas beaucoup confiance. »

Opposée de longue date à l’Etat équatorien, Nemo lui a livré bataille pour avoir vendu des terres ancestrales à des compagnies pétrolières. En 2019, son combat l’a menée devant la justice où les siens l’ont emporté et repoussé les compagnies extractivistes. Un succès qui lui a valu le prix Goldman en 2020 - sorte de « Nobel de l’environnement » - et un classement parmi les cent personnalités les plus influentes au monde dans les colonnes du Time magazine.
Elle juge pourtant cette victoire insuffisante : « Nous avons gagné dans la province de Pastaza, mais que se passera-t-il pour Orellana et Napo [les deux autres provinces sur lesquelles s’étend leur territoire, NDLR] ? Nous ne pouvons pas multiplier les recours. Les avocats coûtent trop cher et nous n’avons pas d’argent. » A la COP, Nemo se bat pour donner de la visibilité à la déforestation et enjoint les dirigeant•e•s et les grandes banques de « montrer de quel côté ils sont : celui qui permet la survie de l’humanité ou celui qui détruit la planète ».
Élevée dans une tradition matriarcale, Nemo a toujours reçu le soutien nécessaire pour s’affirmer et étudier. Désormais, la leader parle au nom de son peuple et de la forêt. Une forêt qui n’est pas seulement un garde-manger ou une pharmacie mais aussi un monde spirituel. Malheureusement, celle-ci est déjà bien décimée. Nemo affirme que le parc national Yasuni – l’une des 19 zones de mégabiodiversité dans le monde – aurait perdu « 50% de sa surface. Il est plein de plateformes, de campements, de pipelines ». Un constat de mort qui enrage la cheffe car elle souhaite voir ses enfants grandir dans son paradis, et qui lui donne la force de se battre pour sanctuariser ce qui en reste.
Un portrait à lire en version enrichie sur vert.eco.

+ Loup Espargilière et Juliette Quef ont contribué à ce numéro