La quotidienne

Haies lasses

Un numéro où l'on verra que tout doit avoir une limite : les champs de blés comme les champs de gaz.


Les Français ne sont pas assez préparés au risque nucléaire

L'atome, trop sûr ? Alors que trois millions de personnes vivent à proximité d’une installation nucléaire, l’association d’information Anccli s’inquiète de la mauvaise anticipation du risque atomique

En France, chacun des 34 sites nucléaires (centrales, stockage de déchets, etc.) est suivi par une Commission locale d’information (CLI). Réunissant élu·e·s, salarié·e·s, associations et expert·e·s, celles-ci ont pour mission « d’informer la population sur les activités nucléaires et assurer un suivi permanent de [leur] impact ». Une association nationale, l’Anccli, les rassemble, et oeuvre à « permettre [...] au citoyen de se forger sa propre opinion sur le sujet du nucléaire. »  

Dans un document diffusé mardi, l’Anccli s’alarme de l’impréparation des riverains de sites nucléaires aux conséquences d’un accident : « Dans le pays le plus nucléarisé au monde [...] les moyens mis en œuvre pour protéger les Français sont inadaptés et insuffisants ».

La centrale nucléaire de Cruas (Ardèche) © Maarten Sepp

D’une part, les habitant·e·s des 1 600 communes situées à moins de 20 km d’une centrale ne participent pas aux exercices de crise. Ce qui permettrait pourtant « d’éviter tout mouvement de panique ». Surtout, lors de la dernière campagne, réalisée en 2019, 75 % des riverains n’ont pas collecté les comprimés d’iode mis à leur disposition. On en distribue depuis la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, afin de prévenir l’éventuelle survenue de cancers liés aux radiations. 

L’Anccli recommande notamment de décentraliser la prévention - qui reste l’apanage des préfets, et d’y associer les maires des communes concernées. L’association suggère également que la distribution de pastilles d’iode ne soit plus exclusivement réalisée en pharmacie.

• Mardi, à l'issue d'un vote solennel, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi « Climat et résilience ». Le texte a été soutenu par la seule majorité, par 332 voix contre 77, et 145 abstentions. Comme Vert l'avait expliqué, les député·e·s n'ont quasiment pas amélioré la version du gouvernement, et ce texte ne permettra pas de réduire suffisamment les émissions pour atteindre l'objectif de 40% de CO2 en moins d'ici 2030. Le projet de loi sera examiné par le Sénat au mois de juin. - Le Monde (AFP)

• Au même moment, des militantes d'Extinction Rebellion s'enchaînaient aux grilles de l'Assemblée nationale pour dénoncer le manque d'ambition du projet de loi « climat et résilience ». Elles ont fait parvenir les 12 clefs permettant de les libérer à autant de député·e·s et ministres, comme le secrétaire d'Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, fervent défenseur de l'avion. - L'info durable (AFP)

Les Etats-Unis prévoient de réduire fortement l'emploi des gaz HFC (hydrofluorocarbures). Il s'agit de puissants gaz à effet de serre utilisés dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Leur production et leur importation sera réduite de 85% entre 2022 et 2037, selon l'annonce faite par l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA). D'ici 2050, cette réglementation devrait permettre d'économiser l'équivalent de 4,7 millions de tonnes de CO2, autant que trois années d'émissions du secteur énergétique du pays. - New York Times (anglais)

En Birmanie, l’argent du pipeline de Total fuite aux Bermudes et arrose les militaires

Usine à gaz. Les bénéfices du gaz birman exploité par Total s’échappent en partie vers un paradis fiscal, au bénéfice des militaires au pouvoir.

Chaque année, le géant français extrait 16 millions de mètres cubes de gaz du champ de Yadana, au large des côtes du Myanmar. Transportés via un gazoduc sous-marin de 346 km, ils fournissent 50 % de l’électricité de la capitale birmane Rangoun.

A la suite du coup d’Etat du 1er février 2021 qui a vu la junte militaire reprendre le pouvoir dans ce pays d’Asie du sud-est, 120 000 documents administratifs ont fuité, dévoilés par l’ONG Distributed denial of secrets. Parmi eux, les comptes de la société propriétaire du pipeline, la Moattama Gas Transportation Company (MGTC), que le Monde a analysés

Le quotidien révèle que la MGTC, domiciliée dans le paradis fiscal des Bermudes, facture le transport du gaz au double du prix du marché à ses propres actionnaires. Ceux-ci sont pourtant les mêmes que ceux du champ gazier : on trouve les pétroliers Total et Chevron, une société publique thaïlandaise (PTTEP) et la compagnie birmane MOGE - une entreprise publique aux mains des militaires.

Cette bizarrerie masque une astuce : en plaçant tous les profits sur le transport du gaz, bien moins imposé que la production, ce montage minimise les revenus fiscaux de l’Etat birman. Et il permet de maximiser les dividendes - non imposés aux Bermudes - des actionnaires du champ pétrolier, dont Total et la MOGE.

En 2013, indique le Monde, la MOGE a déposé 1,4 milliard de dollars sur des comptes dont les bénéficiaires ne sont pas connus. Puis encore 4,5 milliards en 2018, avant que l’arrivée d’Aung San Suu Kyi ne mette fin à la pratique en 2019. 

Cet argent serait-il directement versé aux militaires birmans ? C’est ce que soupçonne l’ONG Justice for Myanmar qui a appelé Total à suspendre tout paiement à la junte birmane en attendant le retour de la démocratie.

Planter des haies pour préserver le vivant et l'agriculture

Haies lasses. Les défenseurs de l'agroforesterie militent pour que les haies, qui rendent une foule de services à l'agriculture, soient mieux protégées dans le cadre de la future Politique agricole commune.

Elles hébergent une foisonnante biodiversité : oiseaux, petits mammifères ou insectes, qui sont capables de s'en prendre aux ravageurs des cultures, ainsi que des pollinisateurs, qui fertilisent les champs. Elles rafraîchissent la température pendant les fortes chaleurs, retiennent l'eau et stockent du CO2. Et pourtant, 70% des haies, ces lignes d'arbres et d'arbustes qui bordaient les bocages français, ont disparu depuis les années 1950.

De petites parcelles délimitées par de nombreuses haies dessinant un paysage de bocage dans le Cotentin (Manche), en 1945 © DR

Plusieurs raisons à cela : tout d'abord, les politiques de remembrement, qui ont rassemblé des terres éparpillées pour constituer de plus grandes parcelles. Un mouvement encouragé par la Politique agricole commune européenne : depuis ses débuts, en 1962, cet immense programme de subventions a favorisé les plus grandes exploitations. Des haies ont également été abattues pour faciliter le passage des machines agricoles.

Avec sa volonté de replanter 7 000 kilomètres de haies d'ici 2022, le programme « Plantons des haies » du gouvernement est bienvenu, mais il est dérisoire. D'une part, car c'est 1,5 million de kilomètres de haies qui a disparu depuis les années 1950. Ensuite, les haies plantées aujourd'hui ne rendront tous leurs services que dans plusieurs décennies. Enfin, mal entretenues, 90% des haies actuelles sont en train de dépérir, selon les chiffres donnés à Alternatives-économiques par l’Association française arbres champêtres et agroforesterie (Afac-Agroforesterie).

Dans une tribune publiée dans le Monde, un collectif de fondations et d'associations appelle à se saisir de la réécriture de la PAC pour la période 2023-2027 (Vert), discutée ce mercredi à l'Assemblée nationale, pour inverser ce processus. Membres du Fonds pour l'arbre, les signataires veulent utiliser les nouveaux « éco-régimes » de la PAC - des enveloppes accordées en priorité aux exploitations les plus vertueuses – pour favoriser la préservation et le développement des haies.

Le calvaire des truies de réforme dans un abattoir breton

Après une vie d'enfer, une mort cauchemardesque. Dans le Finistère, l'association L214 s'est rendue dans l'abattoir Briec, du groupe Intermarché, qui met à mort plus de 2 000 truies de réforme chaque semaine. Leur vie entière, ces femelles ont mis au monde des porcelets, souvent sans pouvoir bouger, enfermées dans des cages individuelles. Dans cet abattoir qui multiplie les dysfonctionnements, elles subissent de véritables tortures avant d'être tuées. L214 lance une pétition pour faire fermer ce site, déjà épinglé pour des faits similaires en 2016.

© L214

+ Tristan Saramon a contribué à ce numéro