La quotidienne

Faites tourner l’utopie

Chères toutes et chers tous,

🎙️ Gaetan Gabriele et Loup Espargilière seront ce vendredi au micro de Mathieu Vidard dans la «Terre au carré», à 14 heures sur France Inter, pour parler de l’actualité et bien sûr de Vert


Osons rêver à un monde nouveau, où l’être humain ne s’accapare ni la terre, ni les sols, ni l’eau.


La dissolution des Soulèvements de la Terre est définitivement annulée par le Conseil d’État, mais «ce n’est pas un chèque en blanc»

Faire Terre ? Les Soulèvements de la Terre se félicitent du jugement du Conseil d’État qui vient annuler leur dissolution, mais cette décision reste un avertissement pour le mouvement.

Malgré la pluie battante, ce sont des sourires et des visages enjoués qui illuminent la place du Palais Royal, face au Conseil d’État, en plein cœur de Paris, ce jeudi après-midi. Plusieurs dizaines de personnes ont bravé la météo pour célébrer la dernière décision de la plus haute juridiction française : l’annulation définitive du décret de dissolution prononcé en juin par Gérald Darmanin à l’encontre des Soulèvements de la Terre.

Ce décret avait été temporairement suspendu par le Conseil d’État en août. Puis, une audience pour étudier le fond de l’affaire s’était tenue le 27 octobre dernier (Vert y était). À cette occasion, le rapporteur public, magistrat chargé de proposer ses conclusions après avoir étudié le dossier, avait plaidé pour la dissolution du mouvement écologiste.

«La justice a rendu son verdict : nous ne sommes pas des écoterroristes !, s’enthousiasme l’activiste Camille Étienne. Les Soulèvements ne cesseront pas».

Rassemblement de soutien aux Soulèvements le 27 octobre dernier devant le Conseil d’État. © Gauthier Berdrignans / AFP

Dans sa décision, le Conseil d’État a écarté l’accusation de «provocation à la violence envers les personnes», qui était notamment reprochée au mouvement depuis la mobilisation contre les méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars dernier.

En revanche, il considère que les Soulèvements de la Terre ont incité «à des agissements violents à l’encontre des biens», en ayant relayé et légitimé des dégradations matérielles ou des actions de sabotages – ce que les Soulèvements contestent. Cependant, la dissolution ne constituait pas une réponse «adaptée, nécessaire et proportionnée […] à la date à laquelle a été pris le décret attaqué», estime le Conseil d’État. Un élément important, qui sous-entend que le jugement pourrait très bien être différent si jamais la dissolution du mouvement était un jour remise sur le tapis.

«Cette décision n’est pas un chèque en blanc pour l’avenir, c’est même un avertissement», souligne auprès de Vert Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement. 

Les Soulèvements, pour qui la décision constitue «un sérieux revers» pour le gouvernement, appellent d’ores et déjà à amplifier la lutte pour défendre «la terre, l’eau et les communs». Une vaste mobilisation contre l’entreprise Lafarge et «le monde du béton» est déjà annoncée du 9 au 12 décembre.

· L’entreprise pétrolière Shell poursuit en justice l’ONG Greenpeace et demande 2,1 millions de dollars de dommages et intérêts pour avoir occupé une plateforme pétrolière en début d’année. Shell a proposé à l’ONG de baisser cette poursuite à 1,4 million de dollars si celle-ci ne proteste plus sur ses infrastructures. Greenpeace a déclaré n’accepter que si Shell se conformait à une décision de justice néerlandaise de 2021, qui l’oblige à réduire ses émissions de 45% d’ici à 2030. - Reuters

· Dans sa dernière enquête publiée jeudi, l’ONG Greenfaith alerte sur «le manque de respect pour les morts et les traditions, pratiques et coutumes funéraires» de TotalEnergies au sujet des 2 000 sépultures présentes sur le tracé des travaux de son projet EACOP - immense oléoduc qui doit relier l’Ouganda à la Tanzanie. Le pétrolier propose deux solutions aux familles : un dédommagement pour organiser une nouvelle inhumation, ou donner le droit à l’entreprise de s’occuper du déplacement. - Libération

· Vendredi, l’Australie a annoncé offrir l’asile climatique aux 11 000 habitant·es de l’archipel de Tuvalu, en Polynésie, menacé·es par la hausse du niveau des océans qui submergent leurs îles. Le pays promet des droits spéciaux pour permettre à la population tuvalaise de s’installer et travailler, ainsi qu’une aide (financière, logistique) en cas de catastrophe naturelle ou de pandémie par exemple. Les Tuvalu devraient être inhabitables d'ici à 80 ans. - France info (AFP)

«C’est historique ! Nous venons d’obtenir un accord sur la loi sur la restauration de la nature.»

- Caroline Roose, eurodéputée Europe Ecologie Les Verts

Traité de tous les noms. Dans la nuit de jeudi à vendredi, après de longues heures de négociations à Bruxelles, la Commission, le Parlement et le Conseil européens ont trouvé un accord sur la loi de la restauration de la nature. Présenté en juin dernier, ce texte prévoit la restauration de 20% des terres et des mers de l’UE d'ici à 2030. Pollutions, artificialisation, effets de l’agriculture intensive : 80% des habitats naturels européens sont dans un état de conservation jugé «mauvais» et 70% des sols considérés en «mauvaise santé». Le texte prévoit également la plantation de trois milliards d’arbres. Si l’accord obtenu ce jeudi signe l’échec de la droite européenne du PPE, de sérieux bémols existent. Les dispositions du texte concernant l’agriculture pourront, par exemple, être suspendues en cas de menaces graves sur la production alimentaire ; les objectifs fixés par le texte ne seront pas contraignants, faisant reposer le succès de la restauration sur la volonté politique des gouvernements. Pour que la loi entre en vigueur, l’accord devra être encore soumis au vote au Conseil et au Parlement.

Des nouvelles de 2043 pour changer le présent

Faites tourner l'utopie. Les éditions La mer salée signent un superbe recueil de nouvelles en provenance de l’année 2043, intitulé Les Utopiennes, signées par une trentaine d’autrices et auteurs. Dans cet extrait, l’éditrice Sandrine Roudaut plaide pour des récits qui dépeignent un monde alternatif afin de retrouver foi en l’humanité et en notre capacité à vivre sans détruire les écosystèmes.

«Si les livres d’hier ont semé les graines de notre réel, regardons celles semées dans les imaginaires aujourd’hui. Que nous racontent nos écrans et nos livres ? Culture de l’argent, drogue normalisée, serial killers, surveillance numérique, fables high-tech, dominant·es et dominé·es… La fiction contemporaine esthétise trop souvent une société mortifère et, ce faisant, elle la perpétue. Elle nous résigne à l’effondrement. Elle nous prédispose à l’affrontement. Notre fiction s’apparente à un sabotage en règle.

À force de crier au loup pour l’être humain, il finit par venir. À force de parler de dictature, de violence inéluctable, on finit par les guetter , par s’y préparer. À force de s’y préparer, elles en deviennent comme légitimes. Quand elles arrivent, c’est tel un dénouement logique.

Comment pourrions-nous alors croire en des perspectives moins sombres, si nous ne les voyions pas ? Comment pourrions-nous croire en nous, si nous ne nous lisions pas, tels des êtres dignes, courageux, persévérants, triomphants  ?

Écrire et publier des utopies, c’est soutenir la seule façon dont le monde s’est élevé.

Utopiste, parce que tout progrès de l’humanité, toute bifurcation de l’Histoire sont nés des utopies de quelques individus visionnaires. Droit de vote, fin de l’esclavage, congés payés, réunification allemande, invention d’Internet, de l’ampoule… Ces événements n’étaient pas dans les scénarios annoncés ; des utopistes les ont imaginés et réalisés.»

Vert publiera les bonnes feuilles de ce riche recueil de nouvelles.

«Les Utopiennes, des nouvelles de 2043», ouvrage collectif, La mer salée (octobre 2023), 205 pages, 24 €

Près d’un Français sur deux est plus ou moins climatosceptique

C’est chaud. Selon la dernière enquête «Fractures françaises», 57% seulement de la population est au clair avec le consensus sur le changement climatique. Loup Espargilière vous explique les enjeux derrière ce chiffre dans la dernière vidéo en collaboration avec Konbini.

© Vert et Konbini

+ Loup Espargilière, Jennifer Gallé, Juliette Mullineaux et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.