La quotidienne

Claque friday

En ce vendredi « black », les géants du e-commerce continuent de faire la claque, pendant que nos placards et notre planète craquent.


Le Black friday, un enfer social et écologique illégal en France

Black friday, black week, black époque. Il est théoriquement interdit en France : le Black friday, grand-messe de la surconsommation, continue son essor sur Internet.

Cette année encore, les ventes promettent de s'emballer à l'occasion de la grand-messe mondiale du shopping : au Royaume-Uni, les dépenses devraient atteindre 9,2 milliards de livres (10,9 Mds€) pour ce seul vendredi 26 novembre, en hausse de 15% en un an (Guardian).

Compilation de scènes d'émeutes dans les magasins aux Etats-Unis © Andrew Lanoue

Cet événement est tristement célèbre pour les scènes d'émeutes régulières entre consommateur·rices, qui s'arrachent littéralement les promotions. Mais la pandémie, qui a largement freiné le commerce physique pendant l'année 2020, a accéléré l'essor du Black friday sur Internet : cette année-là aux Etats-Unis, entre la fête de Thanksgiving (la veille) et le « Cyber monday » (le lundi suivant), 36 milliards de dollars ont été dépensés en ligne, selon Adobe. Le phénomène devrait se poursuivre cette année. Les géants du e-commerce que sont Alibaba ou Amazon se frottent les mains. L'an dernier, la firme de Jeff Bezos a réalisé plus de 20 milliards de dollars (17,74 Mds€) de chiffre d'affaires ce week-end-là (Fortune). Ce vendredi, au petit matin, des militant·es d'ANV-COP21 se sont rendu·es devant les bureaux marseillais de la CMA-CGM, géant du transport maritime, pour pointer du doigt l'impact écologique et social du Black friday et de ses champions.

Les grandes firmes du e-commerce, prises pour cibles par les militant·es d'ANV-COP21 ce vendredi © ANV-COP21

Les conditions de travail épouvantables d'Amazon, ou sa surveillance des syndicalistes et écologistes, sont désormais largement documentées, tout comme son effet néfaste sur l'emploi : en 2019, une note de l’ancien secrétaire d’État et député LREM Mounir Mahjoubi affirmait que pour chaque poste créé dans ses entrepôts, Amazon détruit entre 1,9 et 2,2 emplois au sein des commerces physiques (Le Monde). L'action d'ANV-COP21 fut aussi l'occasion de rappeler que les produits – bien physiques - du e-commerce traversent la planète sur des porte-conteneurs. Et que cette envolée a des conséquences écologiques désastreuses, avec la vente de milliards de produits neufs, gourmands en ressources et très émetteurs de CO2. Parmi les stars du « vendredi noir », les vêtements (2% des émissions mondiales - Ademe) et les équipements électroniques (le numérique est responsable de 4% des émissions).

Votée au printemps 2020, la loi antigaspillage prévoit pourtant l'interdiction « dans une publicité, de donner l’impression, par des opérations de promotion coordonnées à l’échelle nationale, que le consommateur bénéficie d’une réduction de prix comparable à celle des soldes », en-dehors des périodes de soldes définies par la loi, a rappelé l'association Zero waste France. Les promotions liées au Black friday sont donc hors-la-loi, passibles d'une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros. « Le Black Friday c’est une opération promotionnelle d’ordre privé, je n’ai pas la possibilité de l’interdire », s'était défendu le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, sur BFMTV il y a un an. Il est encore temps de se racheter.

· Jeudi, 500 agent·es de l’Office national des forêts (ONF) se sont rendu·es devant le siège parisien de l’ONF pour s’opposer à la suppression de 475 postes, prévue par le gouvernement d’ici 2025. Alors que les forêts sont en première ligne pour lutter contre le changement climatique, les effectifs de l’ONF ont été divisés par deux en 30 ans et se limiteront à 8 000 agents pour tout le territoire français si le plan 2021-2025 venait à être mis en œuvre. - Reporterre

· (V)ERRATUM : contrairement à ce que nous avons écrit hier, c'est en octobre dernier que la justice a annulé les travaux de stockage des déchets sur le site de Stocamine dans le Haut-Rhin. Et c'est bien vendredi dernier que l'amendement du gouvernement – qui valide finalement l'enfouissement définitif – a été voté. Une brève que nous voudrions enfouir définitivement.

Capture d'écran. Cliquez sur l'image pour visionner la vidéo de BFMTV

Black flyday. « Historique : un Airbus A340 se pose en Antarctique », applaudit Air Journal. Jeudi 25 novembre, la compagnie Hi fly a fait atterrir un de ses avions sur le sol gelé du continent de glace. Avec ses 275 tonnes, l'appareil doit pouvoir transporter une vingtaine de personnes et devrait « être utilisé régulièrement pour transporter vers le continent blanc des scientifiques, des marchandises essentielles – et « un petit nombre de touristes » » ajoute prudemment le titre spécialisé. « Aller en avion voir les glaciers qui fondent parce qu'on prend l'avion. Masterclass. », a résumé, moins enthousiaste, l'activiste Camille Etienne sur Twitter.

« Deux mains dans la terre » : la transition d’un agriculteur conventionnel vers l’agroécologie

Ses céréales ont du bol. Dans Deux mains dans la terre, Jacques Caplat et Laetitia Rouxel dessinent la quête de sens et d’autonomie d’un homme-exploitant à travers sa transition vers des pratiques plus respectueuses du vivant.

C’est un rêve, où sa fille Thémis meurt sous des monceaux de poubelles, qui finit de hâter la prise de conscience de Fred. En pleine introspection, alors que les fédérations le pressent pour qu'il accroisse ses rendements et que sa coopérative veut qu'il pulvérise des pesticides « en préventif », le céréalier part à la recherche de nouvelles manières de travailler. De conférences – notamment celles du « grand Jacques », qui n’est autre que l’auteur du livre –, en visites de paysan·nes bio, c’est le pragmatisme qui sert de boussole à Fred. Poussé par sa femme Mel, il détricote « l’exploitation » que son père avait bâtie sur la monoculture et le rachat de terres pour retrouver l’esprit de « la ferme » de son grand-père.

Sous les traits fins, en noir et blanc, de Laetitia Rouxel, naît une trajectoire intime. Celle de Fred, marquée par le doute et les petits pas pour trouver un modèle économique viable, éponger les dettes et sortir d’un système agricole qui les laisse, ses terres et lui, hagards. Replantation de haies et d'arbres, pâturage de bêtes, diversification des cultures et usage de semences anciennes : dans sa ferme, peu à peu, la vie reprend ses droits. Une bande-dessinée d’espoir sans chimères où la solidarité fait revenir l’amour du métier.

Deux mains dans la terre, Jacques Caplat, Laetitia Rouxel, Actes Sud BD, novembre 2021, 144p, 19€.

La désobéissance non-violente est-elle efficace?

Claque friday. Une large partie du mouvement mondial pour le climat a érigé la non-violence en un impératif absolu, qui permettrait d'emporter une large adhésion populaire et de remporter des victoires durables et saines. Mais son efficacité, vantée par de nombreux activistes, n'est pas si évidente, ainsi que nous l'avait expliqué le chercheur et militant suédois Andreas Malm, et comme le détaille le Monde dans cette vidéo.

© Le Monde

+ Juliette Quef a contribué à ce numéro