La quotidienne

Bataille des champs

Chères toutes et chers tous,

Ce jeudi, certain·es d'entre vous ont reçu Vert plus tard qu'à l'accoutumée. Un retard à l'allumage qui n'est pas de notre fait, mais de celui de notre outil d'envoi. Nous espérons que vous n'aurez pas été trop ébranlé·s par ce premier raté et que votre foi en Vert restera intacte.


Certains se battent pour faire sortir l'industrie de l'agriculture, alors que le monde paysan doit se préparer à certains coups durs.


La plus grande centrale nucléaire d’Ukraine a été prise par l’armée russe

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les troupes russes se sont emparées de Zaporizhzhia, la plus grande centrale nucléaire d’Ukraine et la plus puissante d’Europe. Des tirs de chars ont provoqué l’incendie d’un bâtiment administratif, mais la sécurité du site n’a pas été affectée selon l’autorité de sûreté ukrainienne.

Les secours ont éteint le feu à six heures ce matin. D’après l’autorité de sûreté ukrainienne (SNRIU), l’incendie a touché des bâtiments auxiliaires et « les systèmes et les composants importants pour la sécurité de la centrale nucléaire sont opérationnels. » Deux membres du personnel de sécurité ont été blessés. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’a pas constaté de hausse du taux de radiation - le rayonnement autour du site était de 0,1 microsievert par heure, selon l’exploitant de la centrale, soit un niveau plus bas que la moyenne mondiale, et largement inférieur à celui d’une radiographie, précise Le Monde.

Les images captées au petit matin par les caméras de la centrale de Zaporizhzhia © centrale nucléaire de Zaporizhzhia

Le Centre d'information et de crise de la SNRIU a toutefois été activé. Il maintient le contact avec la direction de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia pour suivre l’évolution de la situation. L’AIEA a appelé dans un tweet « à cesser l’usage de la force et avertit d’un grave danger si les réacteurs sont touchés ». Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a accusé la Russie d’avoir recours à la « terreur militaire » en s’en prenant aux centrales du pays (France Info). « Jamais à cette échelle-là, un pays aussi nucléarisé n’avait connu un tel niveau d’intensité de conflits » affirmait à Vert Teva Meyer, spécialiste de géopolitique du nucléaire, en milieu de semaine.

Désormais, un des enjeux essentiels est de garantir la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et d’éviter toute perturbation du refroidissement des réacteurs à l’arrêt, a indiqué la SNRIU. La gestion de ces six unités qui fournissent - en temps normal - un cinquième de la production d’électricité du pays, est sous le contrôle du personnel ukrainien. Celui-ci a un rôle-clé dans la sécurité des installations, comme l’expliquait à Vert Michaël Mangeon, spécialiste des risques nucléaires : « Si les Russes viennent à contrôler la centrale, ils auront néanmoins besoin des Ukrainiens pour exploiter les réacteurs, même si les réacteurs sont arrêtés. On n’en peut pas remplacer le personnel à court terme. »

Pour comprendre ce qu'implique le fait d'avoir un pays aussi nucléarisé que l'Ukraine sous le feu de la guerre, lisez notre analyse parue sur le site de Vert.

· Jeudi 24 février, 6 000 éoliennes allemandes ont été mises hors-service après une cyberattaque qui a touché le réseau américain de satellites KA-SAT et privé d’internet des milliers d’Ukrainiens. Une semaine après, le réseau n’a toujours pas été réparé. Les éoliennes fonctionnent aujourd’hui en mode automatique et il serait donc difficile de les arrêter en cas de vent supérieur à 80km/h. - Transitions énergie

· Mardi, le Parc naturel régional du Vercors a annoncé qu’un couple de gypaètes barbus avait pondu un œuf : une première depuis 100 ans, pour cette espèce de vautour classée « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Jusque-là, les gypaètes ne se reproduisaient qu’en captivité. Les parents se relaient pour couver le nouveau venu, en attendant l’éclosion attendue au printemps prochain. - France Bleu Drôme

« Agriculture paysanne »

Alors que s'achève bientôt le Salon de l'agriculture, qui aura encore fait la part belle à l'industrialisation à tous crins, des éleveur·ses et des producteur·rices défendent une autre vision de leur métier. Dès les années 1980, des agriculteur·rices de bonne volonté se sont regroupé·es sous la bannière de l’« agriculture paysanne ». Mais de quoi s’agit-il  ? Est-ce un label de plus  ? « C’est davantage un concept politique qu’un concept technique, explique à Vert Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. C’est un projet agricole aussi bien qu’un projet de société. »

En 1998, des paysan·nes et scientifiques ont établi une charte pour la définir. On y trouve dix principes, parmi lesquels : répartir les volumes de production afin de permettre au plus grand nombre d’accéder au métier et d’en vivre , appliquer la souveraineté alimentaire ici et ailleurs , respecter la nature et le climat , assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits , raisonner toujours à long terme et de manière globale.

Plus d’information sur ce mouvement dans notre analyse sur vert.eco

« Le réchauffement climatique diminue la qualité des aliments »

C'est l'un des principaux enseignements du dernier rapport du Giec : la crise climatique bouleverse fortement l'agriculture. Experte des impacts du changement climatique et de l’adaptation des systèmes alimentaires, Delphine Deryng a dirigé le chapitre consacré au sujet. Elle explique à Vert les principaux impacts attendus et les bonnes pratiques pour augmenter la résilience des écosystèmes.

Quelles sont les principales conclusions du rapport concernant les impacts du climat sur l’agriculture ?

Nous avons aujourd’hui des preuves que les effets du changement climatique sur les productions agricoles, forestières et aquatiques se font déjà sentir. Depuis les années 60, la production agricole a connu une forte croissance, mais [elle] a été ralentie, jusqu’à 34 % pour le continent africain, en raison des bouleversements du climat.

L’augmentation des températures, les vagues de chaleur conséquentes, les périodes de sécheresse prolongée et les précipitations intenses qui créent des « flash floods » – des inondations soudaines engendrées par des pluies torrentielles –  impactent le secteur agricole dans son ensemble. Comme les saisons changent, il y a un décalage des températures au printemps. On assiste aussi au développement de nuisances comme les insectes qui détruisent les récoltes. Dans les régions côtières, l’augmentation du niveau de la mer entraîne la perte de terres, inondées ou rendues vulnérables.

L’augmentation du dioxyde de carbone [CO2] dans l’atmosphère a aussi des effets sur la qualité nutritive des plantes. Les graines sont composées de carbone et d’azote. Le CO2 stimule la photosynthèse des plantes, qui créent plus de biomasse [grandissent plus vite, NDLR]. Or, la stimulation de carbone par le CO2, si elle n’est pas compensée par l’azote dans les sols, crée un déséquilibre. Elle dilue la teneur en nutriments (zinc, fer, etc.) et en protéines des graines. Donc les produits sont de moins bonne qualité d’un point de vue nutritif.

Pour en savoir plus sur les conséquences attendues en Europe, les mauvaises - mais aussi et surtout les bonnes - solutions d’adaptation, lisez notre riche entretien en intégralité.

Nouvelles graines

Entre l'éthique et la pratique, que se passe-t-il ? Le documentaire « Nouvelles graines », diffusé par France télévisions, raconte l'aventure d'un couple de jeunes agriculteurs qui s'installent dans les Landes avec le projet de cultiver sans tracteur, sans engrais, ni pesticides. Tous deux sont suivis par Nicolas Meyrieux, comédien qui a lui-même quitté la ville pour s’installer dans la région, et qui réalise ce film avec Sophie Labruyère. Sans fard, le documentaire révèle que malgré toute la bonne volonté du monde, les difficultés peuvent s'accumuler et grignoter l'enthousiasme. Avant de trouver des solutions pour retomber sur ses pieds.

© France télévisions

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+ Mathilde Doiezie, Mathilde Picard et Juliette Quef ont contribué à ce numéro