2019, année calorifique

Encore un peu plus de CO2 dans l'atmosphère

Une nouvelle douce-amère, à l'heure du déjeuner. L'utilisation du charbon baisse globalement. Pour autant, la concentration en CO2 dans l'atmosphère augmente toujours. Mais celle-ci croît moins vite que les années précédentes.

Le Global carbon project, consortium constitué de 76 scientifiques, publie ce mercredi son bilan annuel. Celui-ci se focalise sur la production de CO2, principal responsable du réchauffement climatique. On y découvre, comme le raconte 20 Minutes, que la quantité de dioxyde de carbone émise par la combustion des énergies fossiles, les cimenteries, et l'industrie aura augmenté de 0,6% en 2019 pour atteindre 37 milliards de tonnes (contre 25 gigatonnes en 2000). C'est moins qu'en 2018 (+2,5%) ou qu'en 2017 (+1,5%).

© Global Carbon Project

Cette atténuation s'explique par une baisse du charbon en Europe et aux Etats-unis ainsi que par un ralentissement économique en Inde et en Chine. Cette dernière reste de loin la principale émettrice de CO2, comme le montre un atlas interactif produit par le Global carbon projet. La moindre consommation de charbon est compensée par celle, en hausse, du pétrole et du gaz. 

Si l'on ajoute les quantités de CO2 liées à la déforestation et au changement d'affectation des sols, on arrive aux alentours de 43 milliards de tonnes. C'est plus que ce que la Terre a connu ces dernières 3 à 5 millions d'années, comme Vert l'avait raconté. Résultat : 
 

2019, au panthéon des années brûlantes...

Selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui s'est exprimée mardi à l'occasion de la COP25, 2019 aura été l'une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850, lorsque les relevés sont devenus systématiques. 

Reste encore à déterminer quelle place, de la deuxième ou de la troisième elle occupera. 2016 reste en tête.

Autre record : juillet 2019 est, tous mois confondus, le mois le plus chaud jamais mesuré. Au total, la température moyenne enregistrée entre janvier et octobre 2019 est supérieure de 1,1°C à celle de l'ère préindustrielle. Ce qui fait se rapprocher dangereusement le monde de la limite symbolique des 1,5°C, contenue dans l'Accord de Paris.
 

… dans une décennie de « chaleur exceptionnelle »

Si le mois de décembre marque généralement l'heure du bilan de l'année, en 2019, il est temps de faire celui de la décennie. Il n'est évidemment guère plus rassurant. « L'année 2019 marque la fin d'une décennie de chaleur exceptionnelle », a encore déclaré l'OMM, par la voix de son secrétaire général, Petteri Taalas, pour qui « il est presque certain que les températures moyennes pour la période de cinq ans (2015–2019) et la période de dix ans (2010–2019) seront les plus élevées jamais enregistrées ». 

Dix années faites de « recul des glaces et d'élévation record du niveau de la mer à l'échelle du globe, en raison des gaz à effet de serre produits par les activités humaines ». Le représentant de cette organisation, membre de l'ONU, a dressé un lourd inventaire des conséquences déjà présentes du réchauffement. 

« Au quotidien, les impacts du changement climatique se manifestent par des conditions météorologiques extrêmes et anormales […] Les vagues de chaleur et les inondations, qui frappaient jadis une fois par siècle, se produisent de plus en plus régulièrement, a déploré Petteri Taalas, cité par ONU Info[En 2019], des Bahamas au Japon, en passant par le Mozambique, des pays ont subi les effets dévastateurs des cyclones tropicaux. Les feux de forêt ont balayé l'Arctique et l'Australie »

Plus d'information à lire dans le Parisien.

Les forêts classées australiennes en feu

L'Australie, justement, n'en finit plus de brûler. Les incendies se multiplient dans l'Etat de Nouvelle-Galles-du-Sud, dont plus de 10% des parcs nationaux sont partis en fumée depuis le mois de juillet. Le parc des Montagnes bleues, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco a perdu 20% de sa végétation. Comme lui, 12 des 28 réserves classées de Nouvelle-Galles-du-Sud ont été touchées par des feux de brousse d'une ampleur hors du commun, comme le raconte le Guardian

Pour la seule journée de mardi, 118 feux étaient comptabilisés dans cet Etat du Sud-Est australien, dont 48 hors de contrôle. Au total, 1,9 million d’hectares y ont brûlé depuis début juillet, soit six fois plus qu’en 2018. Ce phénomène, habituel à cette saison, est renforcé par des vents violents et une sécheresse particulièrement importante cette année, générant un désastre « sans précédent », comme l'a déclaré une porte-parole du département de l'environnement de Nouvelle-Galles-du-Sud. Plus d'informations en français dans le Monde (accès libre). 
 

Un climatosceptique à l'Assemblée

Malgré la pénible énumération des preuves de la crise à l'oeuvre, il en est toujours certains, en France, pour nier l'évidence. Voilà qui est d'autant plus embêtant lorsque ceux-ci font partie de la représentation nationale. En défense des petits entrepreneurs, comme l'a rapporté le Parisien, le député LR Charles Taugourdeau a eu cette fulgurance :

« Tous ceux qui travaillent n'en peuvent plus de la multitude de normes édictées au nom du développement durable et du prétendu réchauffement climatique ». S'adressant à Edouard Philippe, le député du Maine-et-Loire a ajouté « Vous savez ce qu'ils disent les Français dans nos campagnes ? Que c'est le nouveau truc à la mode pour nous pomper notre fric ». Député du même département que lui, l'écologiste non-inscrit Matthieu Orphelin s'en est étranglé sur Twitter. 

Charles Taugourdeau ne représente heureusement plus grand monde, alors qu'un sondage paru à la mi-septembre montrait que l'environnement était devenu la principale préoccupation des Français.

 

Chlordécone et préjudice d'anxiété

500 habitants des Antilles demandent au premier ministre la reconnaissance du « préjudice d'anxiété », dans le scandale du Chlordécone. Ce pesticide, utilisé massivement en Martinique et Guadeloupe jusque dans les années 1990 a contaminé les corps et les sols pour des décennies et il est à l'origine, notamment, de taux record de cancers de la prostate dans ces territoires. 

La demande émane de l'association Vivre et du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), représentées par leur avocat, Christophe Lèguevaques, comme l'a raconté l'AFP« Quelle que soit votre décision, vous vous honoreriez en répondant de manière explicite à la demande présentée », ont indiqué les parties prenantes dans leur lettre adressée à Edouard Philippe. 

La reconnaissance du préjudice d'anxiété, comme ce fût le cas pour les anciens travailleurs de l'amiante, ouvrirait la voie à des réparations pour les Antillais.

Il s'agit d'une nouvelle étape qui s'inscrit dans le cadre d'une vaste action collective en cours, que Vert avait racontée. 2000 personnes l'ont déjà rejointe, selon les associations.

Améliorer le droit et donner plus de moyens à la justice pour mieux protéger l'environnement : c'est ce que propose une tribune, publiée sur France Info, et signée par une flopée d'avocats, de juristes, d'universitaires et d'ONG. 

« L'Etat met en place depuis plusieurs années une politique de déréglementation et de raréfaction des contrôles, sous prétexte d'accorder plus de libertés aux divers acteurs économiques », dénoncent les signataires. Dans leur ligne de mire, les préfets (représentants locaux de l'Etat), accusés d'avoir délivré de nombreuses autorisations illégales dans plusieurs grands projets tels que Notre-Dame des Landes ou le barrage de Sivens. Parmi les propositions faites par les rédacteurs de la tribune pour y remédier : la création d'une autorité indépendante, « qui aura le pouvoir de prendre les décisions qui s'imposent pour prévenir et sanctionner à la place des préfets, et qui organisera le travail de la police de l'environnement »

Les signataires suggèrent également de former et de spécialiser les magistrats pour augmenter les condamnations, aujourd'hui trop légères ou peu nombreuses. Enfin, sur le modèle de la « mise en danger de la vie d'autrui », ils proposent l'instauration d'un délit de mise en danger de l'environnement.

« La croissance verte n'existe nulle part. Nos vies devront radicalement changer. Nous ne savons pas découpler production et émissions de gaz à effet de serre. Et si le sauvetage de la planète passe par une moindre production, il sera acceptable seulement si les plus riches sont les plus pénalisés. Le pari est pris. Il est loin d'être gagné. » Ces mots ne sont pas ceux de Greta Thunberg, mais de Jean-Marc Vittori, éditorialiste au journal libéral les Echos. Ils ont de quoi surprendre, tant le quotidien prêche la croissance et le libre-échangisme depuis sa création. 

Peut-être faut-il y voir le signe d'une prise de conscience qui va crescendo, y compris dans les milieux économiques, c'est-à-dire chez ceux qui ont tout intérêt à prolonger encore un peu un système à bout de souffle. 

Les Echos, d'ailleurs, ont publié en début de semaine une édition spéciale « La relève ». Malgré une confiance solide dans la banque et les entreprises qui en affleure parfois, on peut y lire de nombreux points de vues pertinents sur les bouleversements en cours. L'éditorial de Jean-Marc Vittori à lire sur le site des Echos.

L'auteur de romans de SF, dystopiques et fantastiques Alain Damasio n'aime pas le terme d'« effondrement » auquel il préfère celui de « délitements ». Toujours est-il que ce penseur de la gauche anti-capitaliste (pour le dire vite) prédit une guerre des imaginaires qui se jouera bientôt avec les chamboulements à venir.

Alain Damasio sera le prochain rédacteur en chef du Hors-Série de la revue Socialter, consacré aux imaginaires. La revue, disponible en pré-commande sur ulule.com, esquissera des pistes pour tenter d'imaginer « l'après » (croissance, capitalisme, effondrement).