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Un quart de l’Amazonie est déjà détruit, mais il est encore temps de la protéger

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Alerte rouge sur le poumon vert. Plus du quart de l’Amazonie est irrémé­di­a­ble­ment détru­it par la déforesta­tion, aler­tent des lead­ers autochtones et des sci­en­tifiques qui récla­ment un engage­ment strict pour préserv­er 80 % de l’écosystème d’ici à 2025.

Réuni·es à Lima, au Pérou, à l’occasion du 5ème som­met des Peu­ples indigènes, les dirigeant·es autochtones ont une nou­velle fois alerté sur l’état du bassin ama­zonien, avec ce chiffre-mas­sue : 26 % des écosys­tèmes sont irréversible­ment dégradés à cause de la déforesta­tion. C’est ce que révèle un nou­veau rap­port (en anglais) mené par des chercheur·ses du Réseau ama­zonien d’in­for­ma­tion socio-envi­ron­nemen­tale géo-référencée (RAISG) et la Coor­di­na­tion des organ­i­sa­tions autochtones du bassin ama­zonien (Coica).

Selon le Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec), un point de bas­cule cor­re­spond au seuil cri­tique à par­tir duquel un change­ment, même infime, peut faire bas­culer, de manière irréversible, un écosys­tème dans un état inédit. En Ama­zonie, « le point de bas­cule n’est pas un scé­nario futur, mais plutôt une étape déjà atteinte dans cer­taines zones de la région. Le Brésil et la Bolivie con­cen­trent 90 % de la déforesta­tion et la dégra­da­tion des sols. De ce fait, la savani­sa­tion [trans­for­ma­tion d’une région de forêts en savane, NDLR] a déjà lieu dans ces deux pays », aver­tit le rap­port. Si un tel proces­sus devait s’étendre à l’ensemble de l’Amazonie, il mod­i­fierait lour­de­ment le cycle des pluies et relâcherait quelque 90 mil­liards de tonnes de CO2, soit plus de deux fois les émis­sions annuelles mon­di­ales, selon une analyse pub­liée dans la revue Nature cli­mate change en 2022. Une étude de 2021 avait révélé que la par­tie brésili­enne de la région qual­i­fiée de « poumon vert » émet­tait désor­mais davan­tage de CO2 qu’elle n’en absorbait, en rai­son de sa trop forte dégra­da­tion (notre arti­cle).

Par­mi les neufs pays tra­ver­sés par l’Amazonie, seules les forêts des deux plus petits — le Suri­name et la Guyane française — sont encore au moins à moitié intactes. Les dirigeant·es indigènes plaident pour une pro­tec­tion de 80 % de l’Amazonie à l’horizon 2025, en préser­vant les ter­res épargnées et en réha­bil­i­tant cer­taines zones déjà dégradées. Un objec­tif déli­cat, mais atteignable selon le rap­port.

Les pop­u­la­tions indigènes jouent un rôle cri­tique dans la préser­va­tion de ces écosys­tèmes. Seule 14 % de la déforesta­tion a eu lieu dans les zones pro­tégées et les ter­ri­toires indigènes, qui con­stituent la moitié de l’Amazonie. La Coica, qui met en avant la con­nais­sance pointue qu’ont les peu­ples autochtones de la forêt, demande davan­tage de bud­get et de poids dans les proces­sus de déci­sion de con­ser­va­tion en Ama­zonie.

L’Amazonie souf­fre de l’exploitation forestière et pétrolière, ain­si que de l’accaparement des ter­res pour l’agriculture. La déforesta­tion qui en découle est respon­s­able d’une mul­ti­pli­ca­tion des incendies. Depuis début août, les départs de feu n’ont jamais été aus­si nom­breux (France info).

À plusieurs égards, la France joue un rôle dans ces phénomènes. Récem­ment, le groupe français Car­refour a été épinglé par un rap­port de l’ONG Mighty earth, accusé d’avoir avoir eu recours à des four­nisseurs de viande et de soja « aux pra­tiques dévas­ta­tri­ces », con­tribuant à aggraver la déforesta­tion.