Entre la paperasse, la recherche de terres et la charge de travail souvent sous-estimée, l’installation des «néo-agriculteurs» est loin d’être un long fleuve tranquille. «Le plus difficile, je pense que c’est le foncier, mais aussi trouver sa clientèle et un modèle économique efficace pour bien valoriser sa production», confie Emma Benda, devenue maraîchère après des études de journalisme.
Depuis un an, elle est installée à Gonneville-en-Auge (Calvados) dans un «espace-test agricole», un statut hybride qui donne accès aux installations d’une ferme existante tout en cultivant de manière autonome. «Ça permet de tester son rythme de production et son circuit de clientèle dans un cadre plus sécurisé en attendant de s’installer pour de bon», explique la jeune femme.
Aujourd’hui, comme Emma, plus de la moitié des porteur·ses de projets ne sont pas issu·es du monde agricole, estime Lucie Jean-Marius, autrice d’un guide sur l’installation des nouveaux paysans pour le collectif étudiant Pour un réveil écologique. Une démarche bienvenue dans une filière où la transmission familiale a domine encore et où l’arrivée de nouvelles têtes n’est pas toujours bien vue.
Le métier a pourtant grand besoin de ces nouveaux bras : 100 000 fermes ont disparu entre 2010 et 2020, tandis que l’âge moyen des exploitant·es atteint 51,4 ans aujourd’hui (notre article). Alors qu’un·e seul·e agriculteur·ice débute pour trois départs à la retraite, la question du renouvellement de la population agricole est un enjeu essentiel pour la société.
Le guide pratique de Pour un réveil écologique, qui se veut non exhaustif, donne des clés et des ressources, assorties de conseils et de témoignages. «Ce n’est pas tant un guide à l’installation, mais plutôt un guide vers l’installation», résume son autrice à Vert.
Il détaille les principaux acteurs de l’accompagnement à l’installation (les collectivités, les chambres d’agriculture, des réseaux associatifs), les formations, l’éventail des aides ainsi que des conseils pour accumuler de l’expérience et ne pas se lancer à l’aveugle. L’objectif est simple : limiter le nombre de personnes qui finissent par renoncer à leur projet. «Une envie très commune chez les néo-ruraux, c’est de s’installer vite sans passer par du salariat, même pour une ou deux saisons, et ce manque d’expérience devient une difficulté supplémentaire qu’ils s’infligent», estime Emma Benda.
Une partie du guide est dédiée à l’installation en collectif avec ses avantages (meilleures conditions de travail, budget plus important, partage du matériel, activités complémentaires) et ses inconvénients (risques de mésentente, nécessité de compromis et de diversifier les activités). Un choix plébiscité par les maraîcher·es de Gonneville-en-Auge, qui produisent à quatre. «Le partage de la charge de travail est clairement le plus gros avantage. On travaille un week-end sur quatre et on a des vacances. C’est un confort énorme et ça change tout», reconnaît Emma Benda.
«L’étonnement principal dans ce métier, c’est la complexité et le nombre de compétences qu’il demande au quotidien», explique à Vert Lucie Jean-Marius. De la production à la commercialisation en passant par la gestion de son entreprise, l’agriculture est un métier aux mille facettes dont il faut avoir conscience avant de se lancer. «C’est comme si tu avais un iceberg devant toi, et tu as l’impression d’avoir compris la vie en voyant la partie qui dépasse, alors qu’il y a encore énormément de choses à découvrir dessous pour s’installer correctement», abonde Florent Altermatt, qui travaille avec Emma Benda dans le Calvados. «L’essentiel pour se lancer, résume l’ancienne journaliste, c’est d’être bien formé et surtout de ne pas sous-estimer les difficultés».
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