Edito

«Rien ne justifie que le service public mette en scène le débat entre Attal et Bardella»

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C’était «l’événement» tant atten­du : à moins de trois semaines des élec­tions européennes, Jor­dan Bardel­la et Gabriel Attal ont livré ce jeu­di soir la joute que les afi­ciona­dos de popol, un saut de pop­corn dans une main, le smart­phone branché sur Twit­ter dans l’autre, espéraient tant. Les ama­teurs de démoc­ra­tie, eux, en restent bouche bée.

Car c’est seule­ment après une heure et trente min­utes de pugi­lat vague­ment mod­éré par une seule jour­nal­iste entre le vain­queur des sondages et un Pre­mier min­istre qui n’est même pas can­di­dat, où les approx­i­ma­tions et con­tre-vérités ont été assénées sans aucune forme de véri­fi­ca­tion, que qua­tre autres têtes de listes ont pu se ren­dre sur le plateau de France 2. Cha­cune son tour, moins de trente min­utes chrono par per­son­ne.

Non seule­ment elles et ils n’ont pas pu se mesur­er à leurs rivaux, mais les suivant·es se sont retrouvé·es face à un véri­ta­ble tri­bunal, com­posé de trois jour­nal­istes et d’un son­deur. Les candidat·es (LFI, LR, Verts et Recon­quête) ont été prié·es de com­menter le débat précé­dent, ont eu droit à une leçon sur les «vraies» préoc­cu­pa­tions des Français·es par le directeur de l’institut Ipsos, Brice Tein­turi­er, et à des ques­tions vachard­es de la part des jour­nal­istes.

Un deux poids-deux mesures sidérant à deux semaines d’une élec­tion majeure, notam­ment sur les ques­tions sociales et envi­ron­nemen­tales.

Jor­dan Bardel­la et Gabriel Attal lors du débat. © Cap­ture d’écran France Télévi­sions

Ce qui s’est passé hier soir, c’est François-Xavier Bel­lamy, tête de liste LR, qui en a le mieux par­lé dès son arrivée sur le plateau. Lui qui a «hésité à venir», y a vu «le signe d’une crise démoc­ra­tique assez pro­fonde, qui se révèle dans la mise en scène à laque­lle nous avons assisté. Qu’est-ce qui per­met d’organiser la con­fronta­tion entre ces deux per­son­nes ?», a‑t-il demandé à la jour­nal­iste et maîtresse de céré­monie Car­o­line Roux, qui l’a accusé de «faire un hap­pen­ing».

«Si on regar­dait les inten­tions de vote, il aurait fal­lu inviter au moins Raphaël Glucks­mann», le can­di­dat social­iste qui se hisse pour l’heure sur le podi­um des son­deurs, a plaidé son rival de droite. «Rien ne jus­ti­fie que le ser­vice pub­lic mette en scène ce débat», a‑t-il enfin asséné.

En rejouant ad nau­se­am le match de 2017, avec des mis­es en scènes de plus en plus déséquili­brées, la télévi­sion publique con­tin­ue de fab­ri­quer un marchep­ied XXL à l’extrême droite. Jor­dan Bardel­la aura eu beau livr­er une presta­tion pathé­tique, sa seule présence dans un tel dis­posi­tif légitime sa fig­ure et ses idées. Les pires qui soient pour le cli­mat et les humains.