L'édito

Réforme de l’assurance-chômage : «À courir comme des poulets sans tête derrière l’emploi, nous sommes condamnés à l’immobilisme»

  • Par

Le gou­verne­ment vient d’annoncer qu’il dur­ci­rait les règles de l’assurance-chômage au 1er juil­let. Une mau­vaise nou­velle pour les plus pré­caires. Comme pour le cli­mat.

Pour trou­ver com­ment combler un déficit abyssal qu’il a mal cal­culé en ne touchant pas aux impôts – notam­ment ceux des plus aisés –, le gou­verne­ment s’apprête à réformer l’assurance-chômage pour la qua­trième fois en six ans.

La dernière révi­sion date de… 2023. Elle devait per­me­t­tre d’économiser qua­tre mil­liards d’euros en réduisant d’un quart la durée d’indemnisation. Résul­tat, un an plus tard, l’exécutif s’apprête à remet­tre ça, alors que le chô­mage est repar­ti à la hausse, con­tre­dis­ant le principe même de sa dernière réforme : une bonne con­jonc­ture égale moins de droits, et vice ver­sa.

Réduc­tion du mon­tant ou de la durée d’indemnisation, dur­cisse­ment des critères… l’exécutif ne s’interdit aucun levi­er à ce stade. Tant pis si les travaux de chercheurs mon­trent que dur­cir la vie des chômeurs n’a que peu d’effet sur l’emploi, et que l’on ne compte qu’environ 300 000 emplois vacants pour plus de cinq mil­lions de deman­deurs.

Le min­istre de l’Économie Bruno Le Maire et le Pre­mier min­istre Gabriel Attal à Paris en mars 2024. © Ludovic Marin / AFP

Nous pour­rions con­sid­ér­er qu’après avoir tra­vail­lé et cotisé, les per­son­nes sans emploi ont le droit d’être cor­recte­ment indem­nisées pour souf­fler et repren­dre de l’élan, sans être ter­ri­fiées à l’idée de se retrou­ver aux min­i­ma soci­aux du jour au lende­main.

Nous ne sommes pas que de la chair à canon pour les entre­pris­es. Ne pas tra­vailler pen­dant quelques mois offre aus­si du temps pour des choses essen­tielles : réalis­er du tra­vail bénév­ole ; se for­mer pour don­ner une nou­velle ori­en­ta­tion à sa car­rière ; créer l’association ou l’entreprise qui con­tribuera à relever le défi cli­ma­tique.

Je vous par­le d’expérience : j’ai con­nu un long chô­mage à la fin 2019. Si mon indem­ni­sa­tion avait été plus courte d’un quart, j’aurais dû me tourn­er vers un tra­vail ali­men­taire et je n’aurais jamais pu me lancer dans l’aventure que fut la créa­tion de Vert.

Aujourd’hui, notre entre­prise emploie sept per­son­nes ; elle con­tribue à informer des cen­taines de mil­liers de citoyennes et citoyens sur les plus grandes crises de notre temps.

En sur­fant sur l’idée reçue tenace selon laque­lle les chômeurs prof­it­eraient du sys­tème, l’exécutif choisit de tuer dans l’œuf les organ­i­sa­tions de demain pour faire des économies de bouts de chan­delles à l’heure où tout est à con­stru­ire.

Quant à nous, à courir comme des poulets sans tête der­rière l’emploi, nous sommes con­damnés à un immo­bil­isme mor­tifère.