Décryptage

Pourquoi avons-nous tous les mêmes plantes chez nous ?

Monstera, calathea, caladium, alocasia, pilea… Ces plantes d’intérieur ont le vent en poupe depuis quelques années. Une mode qui découle d’une envie de reconnexion à la nature, de l’influence des réseaux sociaux et d’une production de masse.
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Dans les apparte­ments, les restau­rants et même dans les bureaux, nous voyons sou­vent les mêmes plantes. «Le retour en force des végé­taux d’intérieur date de 2015 et a atteint son pic pen­dant la pandémie», détaille Manuel Rucar, dirigeant du cab­i­net Chlorosphère, spé­cial­isé dans l’analyse des ten­dances dans le domaine des végé­taux d’intérieur et d’extérieur. En 2022, la moitié des foy­ers en ont acheté au moins un selon une enquête réal­isée par l’interprofession du végé­tal Val­hor.

«Les plantes ten­dance ont en com­mun d’avoir un feuil­lage très graphique, un côté “très orig­inel”», décrit Manuel Rucar. Des «plantes de mamies», terme util­isé par la pro­fes­sion, sont rede­v­enues à la mode après l’avoir été dans les années 1970.

Le cal­a­di­um en est le par­fait exem­ple. «C’est une plante qui offre une belle diver­sité de couleurs, avec de belles feuilles en forme de cœur», décrit Hec­tor Demachy, fon­da­teur et dirigeant de la jar­diner­ie Belle plante (Paris). «Elle a con­nu un effet de sat­u­ra­tion depuis 2021, pré­cise Manuel Rucar. La calathéa qui offre aus­si un beau choix de couleur la rem­place petit à petit.»

De gauche à droite : Pilea involu­cra­ta, mon­stera mon­key leaf, pilea involu­cra­ta, calathea ctenan­the, pilea peper­omioides © Juli­ette Mullineaux/Vert

Verdir son chez-soi

Les nou­veaux acheteur·ses de plantes vertes ont prin­ci­pale­ment moins de 40 ans, selon Manuel Rucar. Les con­traintes de place et de bud­get les amè­nent à se tourn­er vers les mêmes espèces ou familles : faciles à entretenir et résis­tantes. «Les gens pren­nent cer­tains types de plante car ils ont peur de ne pas être assez infor­més, de ne pas avoir la main verte», résume Paul Bergain, vendeur poly­va­lent à la jar­diner­ie urbaine Plante pour tous.

Orig­i­naires d’Asie et d’Amérique du Sud, les espèces en vogue sont pour­tant majori­taire­ment importées. «Ce n’est pas un secret mais la majorité de ces plantes vien­nent des Pays-Bas, mais aus­si un peu de Bel­gique et de Dane­mark, con­fie Hec­tor Bemachy. Les Pays-Bas sont fasci­nants car per­son­ne ne pour­rait pro­duire assez pour les con­cur­rencer.» Selon Val­hor, la France importe env­i­ron 300 mil­lions d’euros de plantes d’intérieur, et n’en exporte que 8 mil­lions d’euros par an. Les Pays-Bas représen­tent 63% des impor­ta­tions des plantes d’intérieur achetées en France. Une pro­duc­tion de masse pour suiv­re les ten­dances.

Cap­ture d’écran du compte Instra­gram d’un four­nisseur danois Flo­rada­nia © floradania_dk/instagram

Nos goûts façonnés par les réseaux sociaux

«Insta­gram est une source d’amplification des ten­dances», assure Hec­tor Demachy de la jar­diner­ie Belle Plante. Avec les hash­tags #urban­jun­gle, #plant­dad­dy et #plant­ma­ma, les végé­taux ont con­quis les réseaux soci­aux. Des comptes Insta­gram comme @plantamaven ou @plantyclub cumu­lent plusieurs cen­taines de mil­liers d’abonné·es. Elles et ils met­tent en scène un style de vie et un univers esthé­tique épurés, des murs blancs et des meubles en bois. Tout pour faire ressor­tir le vert.

«Vers 2015, il exis­tait une ten­dance jun­gle, dis­sèque Manuel Rucar. On le voy­ait dans les clips comme Roar de Katy Per­ry, dans le prêt-à-porter ou encore les cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion depuis 2012–2013. Les réseaux soci­aux en ont été des révéla­teurs.» Une époque qui a vu l’émergence des mon­stera, une plante grim­pante aux grandes feuilles découpées.

Si la ten­dance a atteint son pic pen­dant la pandémie, elle est loin d’être ter­minée. De nou­veaux spéci­mens sont de plus en plus demandés : les plantes col­orées ou grim­pantes, comme la calathea orna­ta sande­ri­ana qui pos­sède un feuil­lage orig­i­nal avec des feuilles verts fon­cés et ses traits rosés, ou la mon­stera dubia, plus petite que la deli­ciosa.