Vert organisait ce mardi une soirée de débats sur l’indépendance des médias. Devant la salle comble du Point Éphémère à Paris, des figures de Mediapart, Streetpress ou Contexte ont insisté sur l’importance de «faire corps» entre médias indépendants.
Peut-on avoir des médias indépendants et puissants ? Vaste et brûlante question à l’heure où des milliardaires s’achètent des médias comme d’autres des pains au chocolat. Première nécessité : un modèle économique qui permette de rester libre tout en grandissant : après avoir réalisé plusieurs levées de fonds à ses débuts, Mediapart est désormais financé à près de 100% par ses abonnements, raconte Stéphane Alliès, co-rédacteur en chef du site d’informations en ligne, qui compte plus de 220 000 abonné·es.
Représenté par son rédacteur en chef, Mathieu Molard, Streetpress n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier, et ses revenus mêlent dons de particuliers, subventions publiques et prestations commerciales.

Contexte, média à destination des professionnel·les qui connaît une croissance insolente, compte sur les abonnements d’entreprises et sur certaines aides publiques, dont certaines ont été conquises de haute lutte, rappelle son PDG Jean-Christophe Boulanger. Ce dernier fut un temps à la tête du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), qui a obtenu que la TVA hyper réduite à 2,1% ou les aides au pluralisme, longtemps réservées au papier, soient aussi accordées aux médias numériques.
«La presse généraliste capte quasiment toutes les aides en France, le Parisien, c’est 15 millions d’euros de subventions qui vont à [son propriétaire] Bernard Arnault, première fortune de France», enrage Stéphane Alliès. «Il faut travailler l’écosystème pour ne pas être le seul petit poisson dans l’océan», renchérit alors Jean-Christophe Boulanger, PDG de Contexte.
Depuis quelques années, l’écosystème des médias indépendants foisonne : «Si on met bout à bout les médias représentés ici, combien de chiffre d’affaires et combien de cartes de presse ? On peut être fiers, c’est en croissance», applaudit Mathieu Molard.

Favoriser un soutien à mi-chemin entre l’adhésion et le don
Les invité·es sont plus circonspect·es quant à la taille et la puissance des médias indépendants aujourd’hui. «Le défi, c’est de permettre à ces médias de monter en audience ou en reprise par des grands médias. Ce qui est vraiment suivi [par le grand public, NDLR], c’est l’audiovisuel, mais vous ne trouverez presque aucune télévision indépendante», juge Benoît Huet, avocat et cofondateur d’Un bout des médias, association fondée par l’économiste Julia Cagé qui vise à unir les citoyen·nes aux entreprises de presse. «On conseille aux médias indépendants d’intervenir à la télévision ou à la radio et de devenir des références sur leurs sujets et dans leur communauté», suggère Marine Doux, cofondatrice de Médianes, agence qui accompagne de nombreux médias indépendants, dont Vert. «On essaie de rendre mainstream notre travail sans rogner sur la qualité», résume Mathieu Molard de Streetpress.
Parmi les solutions envisagées, l’«equity crowdfunding» (levée de fonds participative) est sur toutes les lèvres. Importé des États-Unis et porté en France par Un bout des médias, ce système de financement permet aux citoyen·nes de prendre des parts au capital des entreprises de presse. Historiquement associé aux sociétés de lecteurs comme celle du Monde, il a désormais la cote auprès du magazine féministe La Déferlante ou du site d’enquête Les Jours.
Autre modèle qui a le vent en poupe : le membership (ou l’adhésion), qui vise à dépasser un modèle basé sur les dons ou les abonnements pour aller plus loin et transformer les lectrices et lecteurs en acteurs et soutiens du média. C’est la logique qui sous-tend le nouveau club de Vert, qui veut embarquer 2 000 personnes pour construire le grand média du climat. Vous en êtes ?
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