Décryptage

Paris 2024 : quel rôle pour la pollution de l’air dans la performance des athlètes ?

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Oxygène de cham­pi­on. Alors que la pol­lu­tion de l’air a causé 8,1 mil­lions de décès dans le monde en 2021, les Jeux olympiques de Paris 2024 se tien­nent dans une ville con­nue pour ses pics de pol­lu­tion. Même si les impacts sur le long terme sont con­nus, l’influence de la pol­lu­tion sur le court terme et sur les per­for­mances des sportifs et sportives est sous-estimée.

Le 30 juil­let, alors que les séries du rug­by à sept féminins se tenaient dans la clameur du Stade de France (Seine-Saint-Denis) à prox­im­ité de l’A1 et l’A86, les voy­ants d’Airparif, l’organisme chargé de la sur­veil­lance de la pol­lu­tion de l’air en temps réel en Île-de-France, ont vu rouge. À cause de la vague de chaleur, la con­cen­tra­tion d’ozone de basse alti­tude était dev­enue trop impor­tante.

«C’est un pol­lu­ant qui se forme en été par la réac­tion chim­ique entre dioxy­des d’azote (NO2) [émis par les gaz d’échappements, NDLR] et les com­posés organiques volatils [présents dans les pein­tures, colles, gaz d’échappement, chauffage au bois, NDLR] quand les tem­péra­tures et l’ensoleillement sont élevés, détaille Antoine Trouche, ingénieur d’Airparif à Vert. Ce pol­lu­ant, qui peut provo­quer des crises d’asthme et affecter le sys­tème res­pi­ra­toire, tue env­i­ron 1700 per­son­nes chaque année en Île-de-France.» Pour­tant, cette journée-là, aucune épreuve n’a été annulée.

(De gauche à droite) L’Alle­mande Lau­ra Lin­de­mann, l’Améri­caine Tay­lor Knibb et la Bri­tan­nique Beth Pot­ter par­ticipent à la course du relais mixte de triathlon, aux Jeux Olympiques de Paris 2024, dans le cen­tre de Paris, le 5 août 2024. © Dim­i­tar DILKOFF / AFP

Et pour cause, les effets sur les per­for­mances des ath­lètes sont encore peu doc­u­men­tés. Cer­taines études ont quand même ten­té d’étudier l’effet de ces pol­lu­ants atmo­sphériques en com­para­nt les mesures de l’air et la météo avec les temps réal­isés par les ath­lètes sur des marathons.

Plusieurs pol­lu­ants sont dans le viseur des sci­en­tifiques. L’ozone de basse alti­tude, comme évo­qué précédem­ment, mais aus­si les par­tic­ules (PM10) et les par­tic­ules fines (PM2,5) ain­si que le dioxyde d’azote. Tous sont émis ou issus directe­ment du traf­ic routi­er et de la com­bus­tion de fioul ou de bois.

Des effets bien présents sur les performances

Résul­tats, les par­tic­ules et par­tic­ules fines seraient à l’origine d’une baisse de la quan­tité max­i­male d’oxygène que le corps peut utilis­er pen­dant l’exercice et d’une per­cep­tion plus forte de l’effort lors des marathons, selon une étude pub­liée dans le jour­nal Med­i­cine & Sci­ence in Sports & Exer­cise. Et cela serait pire lors des pics de pol­lu­tion, puisque plus l’air est pol­lué, plus les effets sont vis­i­bles.

Le plus préoc­cu­pant reste l’ozone de basse alti­tude : en plus de réduire les per­for­mances, il aug­mente le nom­bre d’a­ban­dons, par­fois jusqu’à 50 % dans le cas de con­cen­tra­tions élevées, selon une étude de la revue de l’Association médi­cale améri­caine (AMA).

Pour aider les ath­lètes et les organ­i­sa­tions à éviter les pics de pol­lu­tion, un nou­v­el out­il de prévi­sion a été mis en place par Air­parif. «Nous dis­posons désor­mais d’in­for­ma­tions prévi­sion­nelles qui vont jusqu’à six heures, explique Antoine Trouche. Les don­nées sont fournies en temps réel, heure par heure, rue par rue.»

Avec plus de 60 sta­tions de mesure physique répar­ties à tra­vers la ville dont autour des sites olympiques, ces prévi­sions, basées sur des mod­èles inté­grant des don­nées météorologiques et des réac­tions chim­iques entre pol­lu­ants, sont cru­ciales pour anticiper les con­di­tions envi­ron­nemen­tales aux­quelles les ath­lètes seront exposés.

Dans ce sens, une étude pub­liée avant la céré­monie d’ouverture des JO dans le British jour­nal of sports medecine a recom­mandé aux ath­lètes les plus sen­si­bles de s’acclimater quelques jours avant leur entrée en com­péti­tion. «Même si les vacances et les Jeux olympiques ont vidé Paris de son traf­ic routi­er, la qual­ité de l’air reste moyenne mal­gré tout, pré­cise Antoine Trouche. À l’avenir, si les vagues de chaleur per­sis­tent, les épisodes de pol­lu­tion devien­dront de plus en plus fréquents.»