Reportage

Marches « Look up » : le mouvement pour le climat reprend de l’élan

Ce samedi, quelque 80 000 personnes ont marché à travers le pays à l’appel de plus de 500 organisations. L’objectif de ces marches « Look up » : remettre à l’affiche le climat, largement boudé par le débat présidentiel. Récit du cortège parisien.
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« Je marche main­tenant pour ne pas nag­er demain » ; « Chauffe qui peut », ou encore « moins de gaz plus de plaids ». Cet après-midi-là, au milieu des devis­es habituelles des march­es pour le cli­mat, on pou­vait lire des slo­gans adap­tés au con­texte géopoli­tique. Ours polaires, planètes et mar­guerites géantes sont venus égay­er le cortège, au son des fan­fares et du désor­mais incon­tourn­able : « Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime con­tre l’humanité ».

La place de la Nation était large­ment clairsemée au départ du cortège et le temps maus­sade ne lais­sait guère augur­er une foule des grands jours. Pour­tant, au fil de la marche, les rangs se sont étof­fés entre les ban­deroles des nom­breuses organ­i­sa­tions — par­mi lesquelles Alter­nat­i­ba, ANV-COP 21, Green­peace, Oxfam, Attac et bien d’autres, mais aus­si syn­di­cats, par­tis poli­tiques, col­lec­tifs citoyens et de luttes locales (con­tre la ligne 18 du Grand Paris, pour la défense des jardins d’Aubervilliers, etc.). Les organ­isa­teurs revendiquent 32 000 participant·es à Paris – 80 000 au total, répar­tis dans 135 rassem­ble­ments à tra­vers le pays.

Char­lotte et ses amis à la marche pour le cli­mat “Look up” © Mathilde Picard/Vert

Signe du peu de cas que le débat prési­den­tiel fait de ces sujets vitaux, de nom­breuses pan­car­tes siglées Look up rap­pelaient que le cli­mat n’avait occupé que 2,7 % du temps d’antenne entre le 8 et le 13 févri­er, comme l’avait révélé une étude com­mandée par les ONG de l’Affaire du siè­cle (Vert). Depuis, celle-ci a été actu­al­isée chaque semaine, avec des résul­tats tou­jours aus­si mai­gres. Le cli­mat est pour­tant con­sid­éré comme un enjeu « cap­i­tal » par 94 % des Français·es (Le Parisien), notait une autre affiche.

Par­mi les aspirant·es à l’Elysée présent·es ce same­di, on a aperçu Jean-Luc Mélen­chon (France insoumise), Yan­nick Jadot (Europe écolo­gie — les Verts) et Anne Hidal­go (Par­ti social­iste). Hélas, « aucun can­di­dat ne me représente vrai­ment, même sur le plan de l’écologie » regrette Ayna, dont c’est la pre­mière élec­tion. Avec sa sœur Lona, c’était aus­si la pre­mière fois qu’elle mar­chait pour le cli­mat, avec l’envie d’« envoy­er un mes­sage aux can­di­dats pour qu’ils por­tent plus d’intérêt à la ques­tion de l’écologie ».

Les deux sœurs, Ayna et Lona, sont venues man­i­fester pour la pre­mière fois ensem­ble. © Mathilde Picard/Vert

Autre motif qui a poussé les manifestant·es à bat­tre le pavé ce same­di : l’indifférence avec laque­lle les médias ont accueil­li la sor­tie du tome 2 du dernier rap­port du Giec. La co-prési­dente du groupe 1, Valérie Mas­son-Del­motte, était d’ailleurs de la fête, tout comme cer­tains de ses con­frères et con­sœurs du CNRS, vêtu·es de blous­es blanch­es pour l’occasion. Marie D’Angelo, maître de con­férence en physique à la Sor­bonne et Lau­rence Walch, chercheuse en biolo­gie au CNRS ont peu d’espoir que la marche con­traigne réelle­ment les can­di­dats à par­ler davan­tage du cli­mat. Mais pour Marie d’Angelo « aujourd’hui c’est le bon jour pour s’exprimer sur ces ques­tions. Dans un pre­mier temps, on ne demande pas aux sci­en­tifiques de s’engager, juste de faire leur job, de présen­ter leurs résul­tats avec neu­tral­ité. Mais là, il y a une telle urgence… il n’y a plus le choix, ils devraient s’engager, et d’ailleurs cer­tains le font déjà… »

Marie d’An­ge­lo et Lau­rence Walch, sci­en­tifiques en rébel­lion. © Mathilde Picard/Vert

« Com­bat­tez Pou­tine, faites du vélo ». La guerre en Ukraine et la dépen­dance de l’Europe au gaz russe étaient par­mi les sujets-phares de la marche. « Avec Macron, on s’en­tête dans le nucléaire alors que le coût est mon­strueux et que les éner­gies renou­ve­lables sont bien moins chères main­tenant », estime Annie, biol­o­giste et mil­i­tante au sein du réseau Sor­tir du nucléaire. « On a besoin de sobriété énergé­tique. » « Paix, cli­mat, même com­bat » ou encore « Pou­tine, occupe-toi d’abord du per­mafrost » ; plusieurs pan­car­tes assur­aient leur sol­i­dar­ité avec les Ukrainien·nes.

Vue du cortège parisien, ce same­di après-midi. © Basile Mes­ré-Bar­jon / Alter­nat­i­ba

Si la marche du jour était loin d’atteindre les som­mets con­nus en mars 2019, quand 100 000 per­son­nes bat­taient le pavé parisien, la porte-parole d’Alternatiba Elodie Nace, savoure : « Nous étions 32 000 alors qu’on nous dis­ait qu’il n’y aurait per­son­ne. Et ce que je retiens, c’est surtout la force et la déter­mi­na­tion qu’on voit dans le cortège, la fes­tiv­ité, la diver­sité des organ­i­sa­tions… qui font qu’il y a une énergie pour qu’on par­le de nos sujets. » La mil­i­tante voit surtout dans cette marche un trem­plin vers un événe­ment, prévu de plus longue date, qui se tien­dra le 9 avril, juste avant le pre­mier tour de la prési­den­tielle.