« Je marche maintenant pour ne pas nager demain » ; « Chauffe qui peut », ou encore « moins de gaz plus de plaids ». Cet après-midi-là, au milieu des devises habituelles des marches pour le climat, on pouvait lire des slogans adaptés au contexte géopolitique. Ours polaires, planètes et marguerites géantes sont venus égayer le cortège, au son des fanfares et du désormais incontournable : « Et 1, et 2, et 3 degrés, c’est un crime contre l’humanité ».
La place de la Nation était largement clairsemée au départ du cortège et le temps maussade ne laissait guère augurer une foule des grands jours. Pourtant, au fil de la marche, les rangs se sont étoffés entre les banderoles des nombreuses organisations – parmi lesquelles Alternatiba, ANV-COP 21, Greenpeace, Oxfam, Attac et bien d’autres, mais aussi syndicats, partis politiques, collectifs citoyens et de luttes locales (contre la ligne 18 du Grand Paris, pour la défense des jardins d’Aubervilliers, etc.). Les organisateurs revendiquent 32 000 participant·es à Paris – 80 000 au total, répartis dans 135 rassemblements à travers le pays.

Signe du peu de cas que le débat présidentiel fait de ces sujets vitaux, de nombreuses pancartes siglées Look up rappelaient que le climat n’avait occupé que 2,7 % du temps d’antenne entre le 8 et le 13 février, comme l’avait révélé une étude commandée par les ONG de l’Affaire du siècle (Vert). Depuis, celle-ci a été actualisée chaque semaine, avec des résultats toujours aussi maigres. Le climat est pourtant considéré comme un enjeu « capital » par 94 % des Français·es (Le Parisien), notait une autre affiche.
Parmi les aspirant·es à l’Elysée présent·es ce samedi, on a aperçu Jean-Luc Mélenchon (France insoumise), Yannick Jadot (Europe écologie – les Verts) et Anne Hidalgo (Parti socialiste). Hélas, « aucun candidat ne me représente vraiment, même sur le plan de l’écologie » regrette Ayna, dont c’est la première élection. Avec sa sœur Lona, c’était aussi la première fois qu’elle marchait pour le climat, avec l’envie d’« envoyer un message aux candidats pour qu’ils portent plus d’intérêt à la question de l’écologie ».

Autre motif qui a poussé les manifestant·es à battre le pavé ce samedi : l’indifférence avec laquelle les médias ont accueilli la sortie du tome 2 du dernier rapport du Giec. La co-présidente du groupe 1, Valérie Masson-Delmotte, était d’ailleurs de la fête, tout comme certains de ses confrères et consœurs du CNRS, vêtu·es de blouses blanches pour l’occasion. Marie D’Angelo, maître de conférence en physique à la Sorbonne et Laurence Walch, chercheuse en biologie au CNRS ont peu d’espoir que la marche contraigne réellement les candidats à parler davantage du climat. Mais pour Marie d’Angelo « aujourd’hui c’est le bon jour pour s’exprimer sur ces questions. Dans un premier temps, on ne demande pas aux scientifiques de s’engager, juste de faire leur job, de présenter leurs résultats avec neutralité. Mais là, il y a une telle urgence… il n’y a plus le choix, ils devraient s’engager, et d’ailleurs certains le font déjà… »

« Combattez Poutine, faites du vélo ». La guerre en Ukraine et la dépendance de l’Europe au gaz russe étaient parmi les sujets-phares de la marche. « Avec Macron, on s’entête dans le nucléaire alors que le coût est monstrueux et que les énergies renouvelables sont bien moins chères maintenant », estime Annie, biologiste et militante au sein du réseau Sortir du nucléaire. « On a besoin de sobriété énergétique. » « Paix, climat, même combat » ou encore « Poutine, occupe-toi d’abord du permafrost » ; plusieurs pancartes assuraient leur solidarité avec les Ukrainien·nes.

Si la marche du jour était loin d’atteindre les sommets connus en mars 2019, quand 100 000 personnes battaient le pavé parisien, la porte-parole d’Alternatiba Elodie Nace, savoure : « Nous étions 32 000 alors qu’on nous disait qu’il n’y aurait personne. Et ce que je retiens, c’est surtout la force et la détermination qu’on voit dans le cortège, la festivité, la diversité des organisations… qui font qu’il y a une énergie pour qu’on parle de nos sujets. » La militante voit surtout dans cette marche un tremplin vers un événement, prévu de plus longue date, qui se tiendra le 9 avril, juste avant le premier tour de la présidentielle.
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