Les points de bascule climatiques pourraient être dépassés en cascade

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C’est (très) chaud. Calottes glaciaires, courants marins, Ama­zonie… cer­taines par­ties du sys­tème cli­ma­tique sont proches d’un « point de bas­cule » et pour­raient rapi­de­ment entraîn­er des boule­verse­ments dans un effet domi­no.

Le réchauf­fe­ment ne sera pas un long fleuve tran­quille vers quelques degrés de plus. Au-delà d’un cer­tain point, plusieurs sys­tèmes, trop altérés, risquent de se déré­gler irrémé­di­a­ble­ment et de bas­culer vers un état insta­ble. Par exem­ple : passée une cer­taine tem­péra­ture, la fonte du per­mafrost en Sibérie devien­dra irréversible, libérant d’im­menses quan­tités de CO2 et de méthane dans l’at­mo­sphère. Ces gaz à effet de serre entraîneront à leur tour une élé­va­tion des tem­péra­tures.

Or, dans une étude pub­liée jeu­di dans la revue Earth sys­tem dynam­ics, des sci­en­tifiques met­tent en lumière un phénomène peu étudié jusqu’alors : puisqu’ils sont tous reliés, le bas­cule­ment d’un sys­tème pour­rait accélér­er celui de nom­breux autres. Pour s’en con­va­in­cre, les chercheur·euse·s ont testé quelque trois mil­lions de scé­nar­ios à l’aide de puis­sants ordi­na­teurs. Elles et ils ont lim­ité leurs sim­u­la­tions aux inter­ac­tions pos­si­bles de qua­tre sys­tèmes : les calottes glaciaires du Groen­land et de l’Antarc­tique ouest, la forêt ama­zoni­enne et la cir­cu­la­tion méri­di­enne de retourne­ment atlan­tique (AMOC), l’un des moteurs du courant marin Gulf stream.

En rai­son de la déforesta­tion et du boule­verse­ment du cli­mat, l’A­ma­zonie brésili­enne émet désor­mais plus de CO2 qu’elle n’en absorbe © Nasa

Un enchaîne­ment par­mi d’autres : la fonte de la calotte du Groen­land, faite d’eau douce, dessale l’eau de mer et affaib­lit l’AMOC (lire notre arti­cle à ce sujet). Or celui-ci fait cir­culer la chaleur à tra­vers l’océan Atlan­tique et régule les tem­péra­tures mon­di­ales. L’af­faib­lisse­ment de l’AMOC entraîne davan­tage d’eau chaude vers le pôle sud, et par­ticipe à la fonte de l’Antarc­tique. Le phénomène pour­rait égale­ment mod­i­fi­er les pré­cip­i­ta­tions au-dessus de l’A­ma­zonie, accélérant sa trans­for­ma­tion en savane.

L’é­tat des con­nais­sances et les capac­ités de cal­cul des ordi­na­teurs sont encore trop lim­itées pour prédire avec cer­ti­tude ce qu’il en sera réelle­ment. Mais même en con­tenant le réchauf­fe­ment à moins de 2°C d’i­ci 2100, soit l’un des objec­tifs de l’ac­cord de Paris, l’emballement en cas­cade de ces sys­tèmes pour­rait se pro­duire.