Les géants du pétrole interrogés par le Congrès américain sur leurs décennies de mensonges climatiques

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Ça va faire un tabac. Le mois prochain, les dirigeants d’Exxon­Mo­bil, Shell ou BP seront ques­tion­nés par le Con­grès améri­cain sur les décen­nies passées à men­tir au sujet de la crise cli­ma­tique.

« L’in­dus­trie des éner­gies fos­siles [a] engrangé des prof­its énormes pen­dant des décen­nies, en con­tribuant au change­ment cli­ma­tique […] Pour pro­téger ces prof­its, l’in­dus­trie a apparem­ment agi de con­cert pour répan­dre la dés­in­for­ma­tion afin de duper le pub­lic et empêch­er une action cru­ciale pour répon­dre au change­ment cli­ma­tique ». La let­tre envoyée jeu­di au directeur général d’Exxon­Mo­bil, et à laque­lle le New York Times a eu accès, donne le ton.

Il faut dire que dès 1981, les sci­en­tifiques d’Exxon­Mo­bil avaient mis en évi­dence les mécan­ismes et le rôle du pét­role dans le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, comme l’a révélé un cour­ri­er interne exhumé en 2015 (Guardian). Mais la firme n’a jamais ren­du publique cette décou­verte et n’a eu de cesse de financer des groupes niant la réal­ité du cli­mat depuis lors.

En 2015, après la révéla­tion des échanges internes d’Exxon­mo­bil de 1981, plusieurs ONG (dont Greep­eace et 350.org) avaient lancé une vaste cam­pagne bap­tisée « ExxonKnew » (Exxon savait), qui récla­mait une enquête de police. © 350.org

Jeu­di, la com­mis­sion de sur­veil­lance du Con­grès a demandé au dirigeant d’Exxon­mo­bil et à d’autres un accès aux doc­u­ments internes et aux cour­riels au sujet de leur poli­tique cli­ma­tique. Out­re Exxon, les patrons des pétroliers Chevron, BP et Shell, ain­si que ceux des lob­bies Amer­i­can Petro­le­um Insti­tute et Unit­ed States Cham­ber of Com­merce seront inter­rogés par les mem­bres du Con­grès au cours d’au­di­tions publiques. Ces ses­sions rap­pelleront les audi­tions très médi­a­tiques de l’in­dus­trie du tabac dans les années 1990, qui avaient abouti à une régle­men­ta­tion plus stricte sur la nico­tine.

Dans leur essai Marchands de doute (2010), Nao­mi Oreskes et Erik Con­way avaient démon­tré com­ment l’in­dus­trie fos­sile repre­nait les straté­gies de celle du tabac, semant le doute sur la dan­gerosité de ses pro­duits en créant des fauss­es con­tro­ver­s­es, notam­ment grâce à l’embauche de sci­en­tifiques peu scrupuleux.

Ces audi­tions ver­ront des élu·e·s Démoc­rates fer­railler con­tre les géants du pét­role à un moment oppor­tun : la majorité tente de faire pass­er une gigan­tesque loi budgé­taire qui vise à réduire la dépen­dance du pays au pét­role et au gaz (NPR) et aurait des inci­dences majeures sur le secteur de l’én­ergie. Un pro­jet de loi sur lequel l’in­dus­trie fos­sile tente de peser de tout son poids.