Le vert du faux

Le chauffage au bois est-il vraiment écologique ?

Le bon tuyau (de poêle) ? Présenté comme une alternative durable et économique aux énergies fossiles, le chauffage au bois génère une pollution de l’air qu’il faut maîtriser.
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Une ressource renouvelable et faible en CO2…

«Neu­tre en car­bone» et renou­ve­lable : sur le papi­er, le bois est une aubaine lorsque l’on souhaite se sous­traire aux éner­gies fos­siles pour chauf­fer son loge­ment. En 2020, il représente même la pre­mière source d’énergie renou­ve­lable ther­mique en France (65% de la pro­duc­tion de renou­ve­lable), soit env­i­ron 15% de la con­som­ma­tion totale de chaleur. Le bois est con­sid­éré comme une ressource renou­ve­lable lorsque la forêt dont il est extrait est gérée durable­ment — qu’on y prélève moins que ce que l’on replante, per­me­t­tant à la forêt de se régénér­er. En France, l’ensemble du bois prélevé — pour le chauffage, le papi­er, la con­struc­tion, etc — cor­re­spond à la moitié de l’accroissement naturel de la forêt, ce qui en fait une ressource abon­dante et renou­ve­lable.

Si le chauffage au bois est con­sid­éré comme «neu­tre en car­bone», c’est parce que le CO2 émis lors de la com­bus­tion est com­pen­sé par celui qui a été absorbé par l’arbre avant d’être coupé. «Mais si l’on regarde l’analyse de cycle de vie du chauffage au bois dans son ensem­ble, il ne faut pas oubli­er l’énergie util­isée pour fab­ri­quer les appareils, trans­porter le bois, traiter et recy­cler les déchets», rap­pelle Axel Richard, chargé de mis­sion «bois domes­tique» pour le Syn­di­cat des éner­gies renou­ve­lables (SER).

Mal­gré cela, le bois est, de loin, l’alternative la moins émet­trice de car­bone com­parée aux autres sources d’énergie ther­mique. Pour la con­som­ma­tion d’un kilo­wattheure, une chaudière au bois émet 30 grammes de CO2 équiv­a­lent (ou CO2eq, une unité de mesure qui per­met de cal­quer le pou­voir réchauf­fant de dif­férents gaz à effet de serre sur celui du CO2) con­tre 205g de CO2eq par kWh pour une chaudière au gaz ou 324g pour une chaudière au fioul. Et 147g pour un radi­a­teur élec­trique.

© Car­bone 4, avec les don­nées de l’Ademe

… qui pollue l’air.

Out­re un faible impact sur le cli­mat, la com­bus­tion du bois génère divers pol­lu­ants atmo­sphériques : monoxyde de car­bone, oxy­des d’azote et com­posés organiques volatiles (COV). Il est même est la prin­ci­pale source de rejet de par­tic­ules fines en France : en 2018, il représen­tait 27,5% des émis­sions nationales de PM10 (par­tic­ules dont le diamètre est com­pris entre 10 et 2,5 micromètres), 43,3% des émis­sions de PM2,5 (moins de 2,5 micromètres).

«Une sai­son de chauffage au bois d’une mai­son avec un insert ou un poêle ancien émet autant de par­tic­ules qu’une voiture diesel Crit’air 5 faisant plus de 200 aller-retour Paris-Mar­seille», a cal­culé Air­parif, l’organisme fran­cilien de sur­veil­lance de la qual­ité de l’air. San­té publique France con­sid­ère que la pol­lu­tion de l’air aux par­tic­ules fines (PM2,5) est respon­s­able de 40 000 décès chaque année.

Un dan­ger con­séquent, d’autant qu’il est par­fois dif­fi­cile de con­naître avec cer­ti­tude les émis­sions générées par un chauffage au bois. Dans un doc­u­ment datant de 2018, l’Institut nation­al de l’en­vi­ron­nement indus­triel et des risques (Iner­is) pointait «des écarts impor­tants» entre les niveaux mesurés lors des tests en lab­o­ra­toire et ceux réal­isés en con­di­tions réelles d’utilisation.

«Les niveaux mesurés avec notre pro­to­cole sont assez loin de ce qu’on peut mesur­er chez un par­ti­c­uli­er, c’est vrai», recon­naît Axel Richard, respon­s­able du label Flamme verte au SER. Ce label, mis sur pied en 2000 par l’Ademe (l’agence de la tran­si­tion écologique) et les fabricant·es d’appareils, cer­ti­fie une per­for­mance énergé­tique et des émis­sions lim­itées. L’écart «est lié au fait que les par­ti­c­uliers ont tous des usages un peu dif­férents, ce qui donne des résul­tats dif­férents. L’intérêt de ce pro­to­cole est que tous les lab­o­ra­toires utilisent la même méthodolo­gie pour pou­voir com­par­er les tests», ajoute-t-il.

Dans cer­taines régions, où le chauffage au bois est très répan­du, la pol­lu­tion de l’air atteint des som­mets. C’est le cas de la val­lée de l’Arve, en Haute-Savoie, régulière­ment qual­i­fiée de «val­lée la plus pol­luée de France», qui a dû s’équiper d’un Plan de pro­tec­tion de l’atmosphère (PPA) pour ten­ter de réduire cette pol­lu­tion atmo­sphérique. 94% des émis­sions de par­tic­ules fines PM10 y sont dues au chauffage au bois. À tel point que l’utilisation de chem­inées ouvertes (même en appoint) y est inter­dite par ce PPA depuis le 1er jan­vi­er 2022. D’après l’Ademe (l’agence de la tran­si­tion écologique), les foy­ers ouverts (ain­si que les vieux appareils) émet­tent jusqu’à dix fois plus de par­tic­ules que des équipements per­for­mants.

La solution : un équipement performant, un usage averti et pas d’industrialisation de la forêt

Alors que la Pro­gram­ma­tion pluri­an­nuelle de l’énergie (la stratégie française pour la tran­si­tion énergé­tique) prévoit une aug­men­ta­tion du nom­bre de loge­ments chauf­fés au bois d’ici à 2028 (de 6,5 mil­lions actuelle­ment à 10–11 mil­lions), l’enjeu est de faire dimin­uer l’impact de cette énergie sur la pol­lu­tion de l’air. Un plan d’action gou­verne­men­tal a vu le jour en 2021, avec l’objectif de réduire 50% des émis­sions de par­tic­ules fines liées au chauffage au bois domes­tique d’ici à 2030. Cela passera notam­ment par le rem­place­ment des appareils anciens et l’utilisation d’équipements per­for­mants.

«Très claire­ment, les pro­duits à gran­ulés [chaudières, poêles, NDLR] sont très per­for­mants en ter­mes d’émissions de par­tic­ules, notam­ment car c’est un com­bustible qui a un taux d’humidité très faible, de 10%», détaille Axel Richard. Une humid­ité bien inférieure à celle que l’on retrou­ve lorsqu’on utilise des bûch­es clas­siques (env­i­ron 20%). L’usage de com­bustibles humides provoque des com­bus­tions incom­plètes, qui pro­duisent des par­tic­ules — et dimin­u­ent aus­si les ren­de­ments d’énergie. «On con­sid­ère qu’un com­bustible de mau­vaise qual­ité, donc un peu humide, entraîn­era trente fois plus d’émissions qu’un appareil per­for­mant qui utilise un com­bustible sec», com­plète-t-il.

La prove­nance de ces com­bustibles est un enjeu impor­tant puisque le fait de priv­ilégi­er les fil­ières bois locales et gérées durable­ment per­met de ne pas épuis­er et indus­tri­alis­er les forêts. À ce titre, le recours à des équipements plus per­for­mants vise tout autant à réduire la pol­lu­tion qu’à amélior­er les ren­de­ments énergé­tiques des appareils pour pou­voir dévelop­per la fil­ière sans devoir prélever davan­tage de bio­masse, pointe Axel Richard.

Si l’on utilise un poêle à bûch­es ou une chem­inée (fer­mée, si pos­si­ble), le bois doit être bien sec — con­servé à l’abri de la pluie, dans un espace aéré, pen­dant au moins 18 mois après la coupe, et sans écorce. Les petites bûch­es, moins émet­tri­ces, sont à priv­ilégi­er. Enfin, la méth­ode a son impor­tance, puisque l’allumage inver­sé réduit large­ment la fumée et les émis­sions. Il suf­fit de plac­er les grandes bûch­es en bas, puis les plus petites, et enfin d’allumer le feu par le haut. Ça vous en bûche un coin ?

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