Désordres de grandeur

L’avion moins cher que le train : trois infographies pour comprendre cette absurdité climatique

Rail la casquette. Choisir l’avion pour partir en Europe coûte en moyenne deux fois moins cher que de prendre le train, révèle le Réseau action climat dans un rapport publié ce jeudi. Une aberration, quand on sait que l’aérien pollue jusqu’à 80 fois plus. Pour les trajets intérieurs, la tendance s’inverse parfois… à condition de trouver un train direct. On vous explique, en graphiques.
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«Bravo ! En prenant le train, vous avez choisi le moyen de transport le plus écologique», lancent souvent les conducteur·ices de la SNCF à l’arrivée en gare. Elles et ils ont raison : selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), un Paris-Barcelone en train émet 80 fois moins de CO2 que ce même trajet en avion. Pourtant, pour voyager vers le reste de l’Europe, mieux vaut voler… en tout cas, pour le porte-monnaie.

Dans son dernier rapport publié ce 3 juillet, le Réseau action climat (RAC) s’est penché sur les trajets les plus fréquentés par les Français·es, en comparant les prix du train et ceux de l’avion. Résultat : sur les liaisons européennes, c’est l’avion qui présente presque systématiquement les tarifs les plus doux. En revanche, en France, quand une ligne de train directe existe, elle est souvent plus avantageuse financièrement que l’avion.

Le rapport s’appuie sur les données croisées de plusieurs études – notamment celles de Greenpeace (à paraître prochainement) et de l’UFC-Que Choisir – pour dresser un état des lieux sans appel : un billet de train est en moyenne deux fois plus cher qu’un billet d’avion, et même trois fois plus cher sur les six liaisons aériennes les plus empruntées : Paris-Madrid, Paris-Milan, Paris-Barcelone, Paris-Rome, Paris-Londres et Nice-Londres.

Billets d’avion à 14,99 euros

«Sur les liaisons européennes, l’aberration est totale, déplore le Réseau action climat dans son rapport. En encourageant économiquement les Français à choisir l’avion, cette situation va à rebours des objectifs climatiques de la France, d’autant que ces vols européens, plus lointains, émettent encore plus de gaz à effet de serre que les vols internes.»

Cette situation s’explique, d’après le RAC, par «des prix extrêmement bas en avion, qui ne couvrent même pas les coûts fixes de la compagnie». Sur certaines lignes, Greenpeace a recensé des billets à 14,99 euros. Ces tarifs sont offerts par des compagnies aériennes ultra low cost, comme la hongroise Wizzair ou l’irlandaise Ryanair.

Et les vols internes, alors ? L’UFC-Que Choisir a épluché les prix des billets sur 48 des liaisons aériennes les plus fréquentées en France cette année – Paris-Nice, Paris-Toulouse, Marseille-Nantes, Bordeaux-Lyon… Résultat : quand une ligne directe en train existe, elle est presque toujours moins chère que l’avion. Les rares exceptions concernent des trajets particulièrement longs (comme Marseille-Strasbourg, 5h30 de train) ou peu desservis (comme Rennes-Marseille, une seule liaison quotidienne).

Vers une taxe environnementale sur les billets d’avion ?

Mais dès qu’une correspondance est nécessaire, le rail perd l’avantage : sur ces trajets, le train coûte en moyenne 113 euros, contre 102 euros pour l’avion, soit environ 10% plus cher. «La nécessité de réaliser une correspondance est ainsi corrélée avec une nette augmentation du prix du billet», observe le Réseau action climat. La solution, selon l’ONG : développer davantage de lignes directes pour rétablir un rapport de force plus équitable.

Pourquoi l’avion reste-t-il souvent moins cher que le train, notamment pour les trajets vers l’Europe ? Selon le Réseau action climat, les grands postes de dépense sont comparables dans les deux cas : coût du matériel, consommation d’énergie, personnel… Mais deux facteurs clés creusent l’écart.

D’abord, l’entretien du réseau ferroviaire – rails, aiguillage, caténaires, signalisation… – est bien plus coûteux que celui des infrastructures pour les avions. Ce poste de dépenses est financé par les «redevances de navigation», sortes de péages ferroviaires. Ensuite, et surtout, le transport aérien bénéficie d’un traitement fiscal très avantageux. «Le ferroviaire s’acquitte d’une taxe sur l’électricité et d’une TVA sur certaines liaisons européennes, là où l’aérien ne paie ni taxe sur le kérosène, ni TVA à l’international», pointe le RAC. Sur un Paris-Barcelone, ce cadeau fiscal représenterait 30 à 40 euros par passager, selon les compagnies.

Pour corriger cette distorsion, l’ONG propose la mise en place d’une taxe sur les billets d’avion, calculée selon la distance parcourue et la classe choisie. Pour un vol en direction de Rome, par exemple, cette taxe ajouterait 30 euros à un·e passager·e qui voyage en classe économique, 180 euros en classe business, et 360 euros en jet privé. Une mesure qui rapporterait «près de trois milliards d’euros supplémentaires par an», s’enthousiasme le RAC. De quoi, pourquoi pas, «offrir un billet de train par an à tous les Français».

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