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La sécheresse de 2022 a eu de lourdes conséquences sur la biodiversité dans les espaces protégés

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Sécher’hess. La Ligue de pro­tec­tion des oiseaux (LPO) révèle les con­séquences sévères de la sécher­esse sur les espèces sauvages dans les espaces naturels pro­tégés qu’elle gère à tra­vers la France.

En 2022, le marais poitevin n’aura vu aucune repro­duc­tion de guifettes noires — un oiseau classé en dan­ger sur la liste rouge française des oiseaux nicheurs. Dans la réserve naturelle régionale (RNR) de la Vacherie (Vendée), où se con­cen­tre l’essentiel des pop­u­la­tions de guifettes, on comp­tait pour­tant 30 à 40 cou­ples entre 2018 et 2021. Une sit­u­a­tion inquié­tante, liée à la sécher­esse qui a drainé la France en 2022, et qui est loin d’être un cas isolé.

Dans une note pub­liée lun­di, la Ligue de pro­tec­tion des oiseaux (LPO) analyse les nom­breux impacts causés par les pénuries d’eau sur la bio­di­ver­sité dans dix espaces naturels gérés par l’organisation en Char­ente-Mar­itime et en Vendée, total­isant plus de 13 000 hectares. Le bilan est lourd : la LPO con­state une faible (sinon aucune) repro­duc­tion chez cer­taines espèces d’oiseaux, d’amphibiens ou d’insectes, notam­ment liée à l’assèchement des zones humides qui a des réper­cus­sions sur leurs capac­ités de pro­créa­tion. C’est notam­ment le cas du pélo­bate cul­tripède, un cra­paud jaune-vert, ou du leste à grand stig­ma, une libel­lule bleutée — respec­tive­ment jugés vul­nérables et en dan­ger en France.

L’année dernière, les guifettes noires ne se sont pas du tout repro­duites dans le marais poitevin, mal­gré la présence de 30 à 40 cou­ples entre 2018 et 2021. © Henk van Dorp

L’association note égale­ment une forte baisse de la fréquen­ta­tion de l’avifaune (les oiseaux) entre août et décem­bre dans le marais poitevin. En moyenne, seuls 64 oiseaux d’eau migra­teurs ont été observés chaque jour d’août 2022 dans les réserves de Saint-Denis-du-Payré et la Vacherie ; ils étaient 1 200 lors des mois d’août des cinq années précé­dentes — c’est 19 fois moins.

La sécher­esse a aus­si posé des prob­lèmes au bétail du marais en rai­son du manque de four­rage et des dif­fi­cultés d’abreuvement. Enfin, l’assèchement des sols a eu des con­séquences sur la flo­re ter­restre et aqua­tique de ces ter­ri­toires, et entraîné le développe­ment d’une végé­ta­tion «inhab­ituelle».

«Com­biné aux autres pres­sions déjà exis­tantes (ges­tion économique des niveaux d’eau, pro­liféra­tion des espèces exo­tiques envahissantes, agri­cul­ture inten­sive), des événe­ments de ce type plusieurs années de suite pour­raient met­tre directe­ment en péril la survie de cer­taines espèces», alerte la LPO.

«Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et l’effondrement de la bio­di­ver­sité sont deux crises intime­ment liées qui doivent être traitées con­join­te­ment», pointe Allain Bougrain Dubourg, prési­dent de la LPO. À terme, le change­ment cli­ma­tique pour­rait devenir la pre­mière men­ace pesant sur l’effondrement de la bio­di­ver­sité (notre arti­cle).

L’analyse souligne «que les événe­ments météorologiques anor­maux n’épargnent pas les espaces pro­tégés, pour­tant plus résilients, et men­a­cent ain­si la nature en son cœur», d’après le prési­dent de l’association. Pour don­ner un peu d’air au vivant, la LPO appelle de ses vœux l’agrandissement des réserves naturelles et «la lim­i­ta­tion des pres­sions addi­tion­nelles comme la chas­se ou les pol­lu­tions chim­iques».