Fresque par­fait. Le roman graphique de Fabi­en Grol­leau et Anna Con­zat­ti explore la des­tinée d’Ellé, femme-artiste imag­i­naire du paléolithique.

Com­ment vivaient les femmes et les hommes de la Préhis­toire, 36 000 ans avant notre ère ? À quoi ressem­blaient leurs journées et leurs nuits ? Surtout, com­ment s’y pre­naient-ils et elles pour réalis­er ces immenses fresques sur les parois des grottes ? D’où venait leur inspi­ra­tion ?

À toutes ces ques­tions, le duo for­mé par le scé­nar­iste Fabi­en Grol­leau et l’illustratrice Anna Con­zat­ti apporte une mag­nifique réponse dans le roman graphique Pein­dre avec les lions.

C’est d’abord un réc­it d’initiation. Celui de la petite Ellé, que l’on accom­pa­gne le temps de 37 automnes, de sa nais­sance au grand départ. On la suit dans son quo­ti­di­en au sein du clan de cueilleur·ses-chasseur·ses des «Cor­nus». Lors des longues march­es dans la nature à la recherche de nour­ri­t­ure, son père Yul lui enseigne l’existence des esprits : «Nous sommes les êtres vivants, Ellé, ma fille. […] Les esprits vivent eux dans le monde noir, sous la terre».

Cette dimen­sion spir­ituelle irrigue tout le roman et offre à Anna Con­zat­ti un espace priv­ilégié pour déploy­er de grandes visions peu­plées d’animaux aux couleurs chaudes. On entre avec Ellé dans la grotte comme dans un tem­ple.

Le choix de suiv­re cette femme préhis­torique, artiste en devenir, est l’autre aspect remar­quable de Pein­dre avec les lions.

Longtemps nég­ligé, le rôle des femmes dans les grandes fresques rupestres sus­cite désor­mais l’intérêt des sci­en­tifiques, comme le souligne la chercheuse Marylène Patou-Math­is, qui signe la pré­face du roman graphique : «Le pré­sup­posé longtemps en vigueur que toutes les œuvres paléolithiques auraient été réal­isées unique­ment par des hommes n’est étayé par aucune preuve archéologique. De récents travaux sur les mains néga­tives présentes sur les parois ornées attes­tent de la venue de femmes dans cer­taines de ces grottes.»

«Pein­dre avec les lions», Fabi­en Grol­leau, Anna Con­zat­ti, édi­tions Dar­gaud, févri­er 2024, 188p., 22€