Promenons-nous dans les lois. Le retour des beaux jours redonne l’envie de profiter des espaces boisés. Si le public a accès à de nombreux sentiers, une loi adoptée il y a un an en facilite l’interdiction sur les terrains privés.
Le 17 février, à Rimbach-près-Masevaux, dans le massif des Vosges (Haut-Rhin), plus d’un millier de personnes ont protesté contre la fermeture d’un sentier de randonnée par le groupement forestier Wustkopf, qui avait récemment acquis 64 hectares.
Adoptée il y a un an, le 2 février 2023, une loi permet aux propriétaires privés de restreindre l’accès à leur morceau de forêt. «Cette loi partait d’un bon sentiment. On souhaitait limiter les enclos de chasse et donc l’engrillagement pour permettre à la faune de circuler, raconte à Vert Lisa Belluco, députée écologiste. Pour qu’elle soit acceptée par les propriétaires, on a ajouté le droit d’interdire l’accès à sa parcelle avec une matérialisation physique». Ignorer cette loi expose à une contravention de 135 euros.
«Les arguments des propriétaires sont audibles : ils ne veulent pas de dégradation, ni de prélèvement, mais ces points-là sont déjà prévus par la loi, souligne Lisa Belluco. Pas besoin d’ajouter une amende qui vise les promeneurs !» La députée écologiste a déposé un texte pour faire supprimer cette pénalisation.
Dans une tribune au journal Le Monde paru fin 2023, Lisa Belluco avertissait, avec 49 co-signataires : «C’est une évidence qui mérite d’être rappelée : pour protéger la nature, il faut la connaître. Et pour la connaître, il faut pouvoir y accéder». «Se balader ne peut être un préjudice», défend-elle auprès de Vert.
L’exemple des Vosges n’a rien d’isolé : une grande partie du massif de la Chartreuse (Savoie) a par exemple été fermée en août dernier. Pour Samuel Six, du Centre national de la propriété forestière (CNPF), «fermer un sentier de forêt peut revenir à un abus de propriété. Contrairement au jardin, la forêt produit un bien commun – elle dépollue les sols, elle offre un lieu pour prendre soin de sa santé, etc.».
Un équilibre à trouver
Toute zone boisée appartient à une personne ou une institution. «La répartition entre propriété publique ou privée dépend des régions, précise Solenne Maillot de l’Office national des forêts (ONF), l’établissement chargé de la gestion des forêts publiques en France. Dans le Grand Est, 90% des forêts sont publiques, alors que dans le Massif central, les parcelles sont majoritairement privées».
Selon les données du CNPF, 75 % des forêts françaises sont privées. Cela signifie-t-il que la majorité de ces espaces naturels pourraient être interdits au public ? «Les propriétaires forestiers tolèrent en majorité et depuis longtemps le public, rassure Samuel Six. Ces exemples de fermetures représentent sûrement des exceptions».
L’accès du plus grand nombre à la forêt n’est pas sans conséquence sur la nature. «Depuis la pandémie, la situation déborde : il y a beaucoup plus de conflits d’usage, souligne Solenne Maillot. Les espaces naturels sont perçus comme les derniers espaces de liberté, où l’on peut faire ce que l’on veut, ce qui n’est évidemment pas le cas.» Pour limiter les conflits d’usage et l’impact sur l’environnement, l’ONF a regroupé toutes les bonnes habitudes à adopter dans une utile charte du promeneur.
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Photo d’illustration : Renaud Confavreux / Unsplash