Décryptage

Il y a deux milliards d’années, le vivant façonnait les montagnes

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Anguille sous roche ? Des sci­en­tifiques vien­nent de met­tre en lumière le rôle insoupçon­né des bac­téries dans la for­ma­tion des mon­tagnes.

On sait que la géolo­gie pos­sède une grande influ­ence sur le vivant ; on con­naît moins la rela­tion inverse. Il y a plus ou moins 2,4 mil­liards d’an­nées, en plein Paléo­pro­téro­zoïque, une crise écologique tuait une large part de ce qui vivait alors dans les océans : c’est la « Grande oxy­da­tion », le moment où les organ­ismes pra­ti­quant la pho­to­syn­thèse ont explosé, chargeant rapi­de­ment l’at­mo­sphère ter­restre d’im­menses quan­tités d’oxygène.

A cette époque, la vie s’est dévelop­pée à un rythme effréné. La mul­ti­pli­ca­tion des cyanobac­téries a entraîné une sédi­men­ta­tion sous-marine anor­male­ment élevée. Une fois mortes, ces espèces qui for­maient le planc­ton d’alors ont som­bré jusqu’au fond et ont con­sti­tué de for­mi­da­bles réserves de car­bone. La chaleur et la pres­sion en ont trans­for­mé une par­tie en graphite.

Les quelques cen­taines de mil­lions d’an­nées qui ont suivi ce moment cor­re­spon­dent aus­si à la péri­ode de for­ma­tion des mon­tagnes. Celles-ci se sont bâties à par­tir de la sub­duc­tion de plaques rocheuses. Or, sans un coup de pouce du vivant, la Terre serait aujour­d’hui un peu plus plate : c’est l’un des prin­ci­paux enseigne­ments d’une étude, pub­liée fin novem­bre dans la revue Com­mu­ni­ca­tions earth & envi­ron­ment.

Les 20 « orogènes» (chaînes de mon­tagnes engen­drées par la col­li­sion de deux plaques) étudiés par les sci­en­tifiques se sont for­més entre ‑2,2 et ‑1,8 mil­liard d’an­nées.

Accu­mulé de manière inédite, le graphite a servi de lubri­fi­ant, réduisant le frot­te­ment entre les plaques rocheuses. Un phénomène qui a favorisé la sub­duc­tion et la défor­ma­tion des plaques, de quoi faire naître les pre­mières chaînes de mon­tagnes.

On trou­ve encore des traces de ces pre­mières mon­tagnes en Amérique du Nord, en Chine ou en Scan­di­navie, a indiqué John Par­nell, co-auteur de l’é­tude, au Guardian. En out­re, cet épisode a entraîné la frag­ili­sa­tion et la défor­ma­tion de la croûte ter­restre, per­me­t­tant l’émer­gence ultérieure de mon­tagnes qui ont don­né nais­sance à la chaîne de l’Hi­malaya.