La chronique

Il y a cinquante ans naissait la Hulotte, le journal le plus lu dans les terriers

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Mar­qués à la Hulotte. Avec son ton sans pareil, à la fois ten­dre, léger et drôle, et sa langue acces­si­ble à toutes et tous, le jour­nal « le plus lu dans les ter­ri­ers » a fasciné des généra­tions de lecteur·rices avec cer­taines créa­tures, des moins com­munes aux plus triv­iales, qui peu­plent nos villes et nos cam­pagnes.

En 1972, Pierre Déom était un pim­pant insti­tu­teur arden­nais « à une époque où le mot écolo­gie n’ex­is­tait même pas dans son accep­tion poli­tique », où l’on curait les cours d’eau et remem­brait les par­celles agri­coles en détru­isant les haies à tout-va, comme il l’a racon­té à France cul­ture dans un réjouis­sant doc­u­men­taire sonore.

Avec quelques cama­rades, il tente de dévelop­per des clubs « Con­naître et pro­téger la nature » dans plusieurs com­munes, et crée un bul­letin de liai­son entre eux, bap­tisé « La hulotte des Ardennes ». Peu de clubs ont vu le jour, mais le jour­nal, dont le pre­mier numéro fut dis­tribué à 1 000 exem­plaires dans les écoles du départe­ment, a rapi­de­ment pris son envol.

Quelques-unes des Unes de 113 numéros de la Hulotte.

Coc­cinelle à sept points, rouge-gorge, chabot, héris­son, lierre, rat d’or, belette, ou fau­con pèlerin ; cha­cun des 113 numéros con­fec­tion­nés depuis lors racon­te par le menu une espèce ani­male ou végé­tale — par­fois plus. Pour amass­er toutes les don­nées sci­en­tifiques et images, il lui faut du temps ; jusqu’à quinze ans pour le numéro con­sacré aux araignées à toiles géométriques : « Les toiles, on ne peut les pren­dre en pho­to qu’en automne, il faut des cir­con­stances par­ti­c­ulières », racon­te-t-il à Vert.

Out­re le fond sci­en­tifique irréprochable, le style taquin et l’anthropomorphisme assumé des dessins inim­ita­bles de Pierre Déom ren­dent la lec­ture de la Hulotte douce comme un bon­bon. Des généra­tions de nat­u­ral­istes se sont épris­es du vivant au fil de ses pages, comme certain·es l’ont racon­té à Reporterre.

Tou­jours miton­né en petit comité dans le vil­lage de Boult-aux-Bois (Ardennes), cet « irrégu­lo­madaire » disponible unique­ment sur abon­nement revendique aujourd’hui quelque 150 000 lecteur·rices dans 70 pays. 50 ans après, Pierre Déom con­tin­ue sans faib­lir de « traduire [s]on pro­pre émer­veille­ment » à tra­vers les pages de la Hulotte, qu’il ne compte pas refer­mer pour l’heure, dit-il à Vert : « J’ar­rêterai quand la nature m’ar­rêtera ! ». Chou­ette !