Entretien

Gel, redoux et dérèglements climatiques : en France, un réseau de «vergers observatoires» pour comprendre comment les arbres s’adaptent

Le vert est dans le fruit. Depuis Clermont-Ferrand, Guillaume Charrier, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), est l’un des coordinateurs scientifiques d’un réseau de 6 vergers tests répartis sur le territoire hexagonal. Pour Vert, il revient sur ce projet qui étudie les mécanismes d’adaptation des fruitiers à des conditions météo et climatiques changeantes.
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Comment est né le réseau de vergers tests que vous animez ?

Un précédent projet de l’Inrae s’était déjà intéressé à l’adaptation aux changements climatiques de l’agriculture et de la forêt. À cette occasion, on s’est rendu compte qu’il n’existait pas de suivi spécifique pour les arbres fruitiers. Avec ce réseau de vergers observatoires, l’idée c’était de pouvoir se focaliser sur l’étude des cycles saisonniers, on appelle cela la «phénologie». Pouvoir comprendre comment les arbres s’adaptent aux variations météo et climat. Au sein de ces vergers, on suit de près ces différentes étapes : la dormance hivernale quand l’arbre est en repos, le débourrement avec l’éclatement des bourgeons puis la floraison et la fructification.

Où sont implantés les vergers tests ?

On compte 6 sites répartis en France métropolitaine : Angers, Bellegarde, Clermont-Ferrand, Gotheron, Mauguio et Toulenne. Cela permet de tester des conditions environnementales différentes – plus ou moins froides ou chaudes, plus ou moins sèches… À l’hiver 2015, nous avons planté des abricotiers, des cerisiers, des pêchers et des pommiers dans ces différents sites. Ils avaient tous été greffés deux ans auparavant. Nous avons également installé quelques variétés pour polliniser les arbres et avoir des fruits. Chaque site compte des dizaines de sujets répartis par espèces et variétés.

Comment travaillez-vous au sein de ce réseau ?

On observe chaque variété plantée, des premières floraisons – la plus précoce étant celle d’un pommier brésilien qui va débourrer et fleurir en janvier –, jusqu’à la chute des dernières feuilles en novembre, en passant par la formation des fleurs. Pour les fruits, on étudie la manière dont ils grossissent et changent de couleur. On travaille également sur des aspects plus spécifiques, avec des capteurs pour mesurer les températures, dont celle de la prise en glace, c’est-à-dire quand l’eau présente dans les tissus de l’arbre gèle. On observe aussi les variations de diamètre des troncs des fruitiers pour voir comment ils réagissent au gel ou à la sécheresse.

Un gel tardif peut compromettre la floraison et la fructification. © Pixabay

Le gel, c’est la bête noire des arboriculteurs…

Dans les climats tempérés, les arbres sont habitués à survivre à des hivers un peu rudes, de s’acclimater aux températures froides. Ils deviennent plus résistants au froid au fur et à mesure de l’automne, pour avoir un maximum de résistance en plein hiver ; ensuite, ils se désacclimatent au froid. Quand on va vers le printemps, on approche alors des stades les plus sensibles, ceux du débourrement et de la floraison. C’est à ce moment-là que les tissus des fruitiers sont gorgés d’eau. Si un coup de gel tardif se produit, comme ce fut le cas en 2021, ils vont alors très facilement «prendre en glace», ce qui occasionne de graves dommages en compromettant la floraison et donc la fructification.

Dans le contexte du réchauffement climatique, les aléas de températures se multiplient. Que nous enseignent vos observations à ce sujet ?

Qu’il est très difficile de modéliser tous ces accidents ! On a bien sûr les idées claires sur les comportements moyens des variétés d’arbres fruitiers, de comment le climat va évoluer à moyen terme, globalement. Mais ces oscillations, ces événements plus ou moins extrêmes qui impactent la physiologie des arbres, les météorologues ont encore beaucoup de mal à les intégrer dans leurs modèles. Sur tous ces aspects, un point important concerne les échanges que nous avons avec les agriculteurs, pour communiquer nos observations et diffuser les résultats de nos recherches directement sur le terrain.

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