« Etre un chêne », haletant roman biologique en forêt de Rambouillet

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Ses­sile la famille. Dans Etre un chêne, Lau­rent Tillon racon­te l’his­toire – à peine romancée — de son ami Quer­cus, un chêne ses­sile vieux de 240 ans.

Un beau jour de print­emps de l’an 1780, des mil­liers de glands tombent d’un arbre pluri­cen­te­naire pour s’écras­er sur le sol de la forêt de Ram­bouil­let. Un autre temps — quelques années avant la Révo­lu­tion française — et des bois clairsemés qui n’ont pas grand chose à voir avec ceux d’au­jour­d’hui. A terre, sans moyen de se déplac­er et soumis à tous les aléas, Quer­cus va devoir se débrouiller pour se faire une place au soleil.

C’est auprès de ce chêne ses­sile (Quer­cus petrae en latin), devenu majestueux avec les siè­cles, qu’a gran­di Lau­rent Tillon. Dans Etre un chêne, ce biol­o­giste et ingénieur foresti­er à l’Of­fice nation­al des forêts racon­te la folle épopée à tra­vers les âges de son « arbre-com­pagnon ».

Avant de devenir le seigneur qu’il est aujour­d’hui, Quer­cus a dû échap­per aux griffes d’Apode­mus le mulot ; s’est empressé de faire affaire avec Lec­cinum le bolet ; s’est frayé un chemin entre les ronces ; s’est fait gruger par Tor­trix la che­nille ; a enter­ré son arbre-par­ent ; a survécu à la déforesta­tion mas­sive du début du 19ème siè­cle, ain­si qu’à la tem­pête de 1999. Jusqu’i­ci, rien ni per­son­ne n’au­ra réus­si à empêch­er son irré­sistible ascen­sion vers la lumière.

S’at­tachant à racon­ter, avec un art con­som­mé de la nar­ra­tion, les innom­brables inter­con­nec­tions entre les espèces qui peu­plent la forêt, Etre un chêne con­stitue un roman hale­tant en même temps qu’un cours de biolo­gie exal­tant. Hélas, l’his­toire ne dit pas si Quer­cus sur­vivra à la plus grande men­ace que fait plan­er sur lui Homo, l’hu­main : celle du réchauf­fe­ment cli­ma­tique.

Etre un chêne, sous l’é­corce de Quer­cus, Lau­rent Tillon, 2021, Mon­des sauvages (Actes sud), 320 pages, 22€