Chronique

«D’argent et de sang» : l’épopée de la mafia du carbone à la manière de Scorcese

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Quo­tas d’or. Dif­fusés sur Canal+, les douze épisodes de la série de Xavier Gian­no­li met­tent en scène, au début des années 2000, la folle — et vraie — épopée de la mafia du car­bone. Portée par un cast­ing d’orfèvres, D’argent et de sang ne vous lâchera pas.

C’est l’arnaque du siè­cle. Non, la plus grande escro­querie de l’histoire de France ! Les super­lat­ifs man­quent pour qual­i­fi­er l’immense fraude à la TVA qui prit pour cible, de 2008 à 2009, la bourse du car­bone lancée en 2005 en Europe. Près de deux mil­liards d’euros qui dis­parais­sent des caiss­es de l’État français ; entre cinq et dix mil­liards au niveau européen.

L’arnaque con­siste à acheter des marchan­dis­es, les reven­dre toutes tax­es com­pris­es, mais sans jamais revers­er la TVA à l’État. Dans la fraude aux quo­tas car­bone, c’est encore mieux puisque les «biens» à ven­dre sont dématéri­al­isés : il s’agit de «droits à pol­luer» émis sur un marché bour­si­er entre des entre­pris­es qui, n’utilisant pas leurs quo­tas d’émission de gaz à effet de serre, peu­vent les reven­dre à d’autres. Les fraudeurs ouvrent des myr­i­ades de sociétés fac­tices pour col­lecter la TVA, ver­sée automa­tique­ment lors de ces trans­ac­tions bour­sières.

Pour retrac­er cette folle his­toire, le for­mat de la série tombe à pic. Et la manière dont le réal­isa­teur Xavier Gian­no­li, à qui l’on doit le très remar­qué long-métrage Illu­sions per­dues (2021), s’en empare dans les 12 épisodes qui com­posent D’argent et de sang est magis­trale.

© Canal+

En s’appuyant sur le livre-enquête que le jour­nal­iste de Medi­a­part Fab­rice Arfi con­sacra à l’affaire en 2018, le réal­isa­teur suit le par­cours d’un trio de fraudeurs, improb­a­ble asso­ci­a­tion entre deux rois de la magouille du Belleville séfa­rade (David Ayala et Ramzy Bedia) et un beau gosse (Niels Schnei­der) des quartiers for­tunés de la cap­i­tale offi­ciant comme trad­er. Lancé à leurs trouss­es, le mag­is­trat Wey­nachter (Vin­cent Lin­don) devient le témoin de ce casse du siè­cle et de ses dérives sanglantes.

Avec sa nar­ra­tion ample et ses per­son­nages hors normes, qui rap­pel­lent les Affran­chis (1990) de Scorcese, D’argent et de sang nous embar­que dans le ver­tige de la flambe de tous ces mil­liards volés avec, en toile de fond, les émis­sions de car­bone qui con­tin­u­ent de prospér­er.

D’argent et de sang, une série de Xavier Gian­no­li en 12 épisodes, dif­fusée sur Canal+ (abon­nement).