Reportage

«Avant, on disait que le café, c’était juste pour les riches» : dans le sud-ouest de la Chine, la culture du café remplace celle du thé

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T’es où café ? Dans une province du sud-ouest de la Chine réputée pour son thé, la culture du café se développe pour attirer une clientèle de plus en plus friande en arabica. Reportage.

Dans son café entouré de collines verdoyantes dans le sud-ouest de la Chine, Liao Shihao transforme ses précieux grains en tasses fumantes du précieux breuvage. Ces dernières années, le café a largement gagné du terrain face au thé, qui est pourtant la culture traditionnelle de la région. Depuis des siècles, les agriculteur·ices de Pu’er, dans la province du Yunnan, cultivent un thé fermenté au goût profond, parfois orthographié «pu-erh». Il est célèbre dans toute l’Asie de l’est et au-delà.

Mais avec des jeunes Chinois·e désormais friand·es de cafés américains, latte et autres flat whites, les producteur·ices locaux·les se tournent de plus en plus vers la culture des caféiers. «Les gens viennent essayer notre café filtre (…) et apprécier toutes les saveurs qu’il révèle», explique Liao Shihao. «Avant, ils buvaient surtout du café commercial et n’osaient pas tester les variétés d’exception», ajoute-t-il.

Une attraction touristique

Sa famille cultive la plantation Xiaowazi («La petite vallée») depuis trois générations. Perdue dans une vallée ombragée, la ferme aligne ses caféiers sur des pentes abruptes, où les cerises de café sèchent sur des clayettes en bois. Dans le café, des touristes viennent déguster des grands crus locaux. «C’est excellent», s’enthousiasme Cai Shuwen, 21 ans, installé sur un tabouret pour goûter différents échantillons. «Certains grains sont plus astringents que je pensais, mais d’autres sont meilleurs que j’imaginais», commente-t-il.

Un travailleur ratisse les grains de café pendant leur séchage dans une plantation de la ville de Pu’er, située dans le Yunnan au sud-ouest de la Chine. © Greg Baker/AFP

Chaque année, les producteur·ices de cafés de Pu’er (prononcer «Pou-âr») vendent des dizaines de milliers de tonnes de grains dans les grandes villes chinoises, selon les statistiques gouvernementales.

«Personne ne connaissait»

Dans les métropoles comme Pékin et Shanghai, le café a grimpé en popularité ces dernières années – une dynamique principalement portée par les 20-40 ans. Pour Liao Shihao, torréfacteur et barista, le café de sa région offre «une saveur crémeuse et une texture soyeuse et veloutée en bouche».

Ces grandes plantations modernes ne sont apparues à Pu’er que dans les années 1980. La région reste bien plus célèbre pour son commerce de thé, qui date de plusieurs siècles. Le grand-père de Liao Shihao, Liao Xiugui, se remémore : «Personne ne connaissait le café» ici à son arrivée, il y a quelques décennies. À l’époque, il était l’un des rares en Chine à avoir étudié la culture du café.

Mais l’altitude relativement élevée et le climat tempéré se sont avérés parfaitement adaptés à cette culture alors méconnue, explique cet octogénaire. «Notre café a un corps puissant, sans amertume excessive, avec des notes parfumées qui restent discrètes et une touche d’acidité fruitée», détaille-t-il.

Cultivé sans pesticides artificiels et en polyculture pour préserver la biodiversité, la plantation produit environ 500 tonnes par an de cerises de café. Le grand-père, Liao Xiugui, en consomme deux à trois tasses quotidiennes et attribue au breuvage sa bonne forme et sa vitalité, malgré son grand âge. «Le café rajeunit, améliore la santé (…) et retarde le vieillissement !», affirme-t-il, avant de glisser avec malice : «Aujourd’hui, avec la fatigue professionnelle (…) tout le monde a besoin de stimuler ses neurones !»

Un boom des revenus

La production chinoise de café a connu une croissance spectaculaire ces dernières années, bien qu’elle reste loin derrière des géants comme le Brésil, le Vietnam ou la Colombie. Le Yunnan, frontalier de trois pays d’Asie du sud-est, concentre l’essentiel de la production nationale, notamment autour de Pu’er.

Lors d’une visite dans la province en mars, le président Xi Jinping a salué le café local comme un produit pouvant désormais «représenter la Chine» à l’étranger. Soucieux de développer la filière, les autorités ont mis en place des politiques pour optimiser la production, attirer les investissements et dynamiser les exportations. Elles tentent aussi d’associer café et tourisme pour attirer de nouveaux visiteur·ses, notamment pour stimuler la consommation intérieure, à savoir la grande priorité nationale pour redynamiser l’économie.

Productrice de 51 ans, Yu Dun a diversifié ses revenus avec des visites de plantation, des chambres d’hôtes et un restaurant mariant café et cuisine dai – le groupe ethnique dont elle fait partie. Ses perspectives sont radieuses : elle affirme avoir «multiplié par 10» le revenu issu de ses grains depuis qu’elle les torréfie elle-même. «Avant, on disait que le café, c’était juste pour les riches, sourit-elle. Aujourd’hui, tout a changé.»

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