Tour de pass pass. Mi-juillet, le gouvernement a annoncé avoir vendu 100 000 Pass rail, ce dispositif à 49 euros par mois permettant aux 16-27 ans de voyager de manière illimitée en TER et Intercités. Très loin du chiffre escompté de 700 000 abonnements vendus pendant l’été et de la promesse initiale d’un sésame accessible à tout le monde. Peut-on parler d’échec ? On fait le point.
«J’ai pris le Pass rail et j’en suis très ravie», confie à Vert Ella, 27 ans. Des allers-retours entre Rouen et Paris, un voyage dans le Sud-Ouest, un autre dans les Pyrénées-Orientales… cette Rouennaise s’en est déjà servie à de multiples reprises.
Proposé par l’État et les régions, l’objectif du Pass rail était de «permettre aux jeunes entre 16 et 27 ans de toutes nationalités de découvrir la France en train» cet été. Pour 49 euros par mois (sur 31 jours glissants), les jeunes peuvent voyager de manière «illimitée» en réservant des trajets à zéro euro dans les TER ou les Intercités, sauf ceux d’Ile-de-France, et des trajets à 19,50 euros dans les Intercités de nuit (notre article sur les trains de nuit disponibles cet été).
Pour Ella, ce sont 49 euros bien investis et rapidement rentabilisés. «C’est vraiment top, même si ça ajoute du temps de trajet, car ce ne sont pas des TGV, précise l’ingénieure actuellement sans emploi. Pour moi, ça ne change rien puisque je prenais déjà des Intercités pour faire des économies. C’est intéressant parce que ça oblige à profiter du trajet, qui se retrouve au cœur du voyage». Elle a déjà repris son pass pour le mois d’août et prévoit de se rendre en Bretagne.
Une utilisation pas si simple
Pendant l’été, certain·es jeunes travaillent ou réalisent des stages. Pour elles et eux, ce dispositif représente l’opportunité de faire des économies sur leurs trajets habituels. C’est le cas d’Anna, stagiaire en sciences de la Terre à Paris en juillet, a pris son Pass rail pour pouvoir rentrer chez elle les weekends. L’étudiante de 25 ans ne cache pas sa déception : «Le vendredi soir, il arrive que trois trains de suite soient au prix normal et non à zéro euro». Bien qu’elle ait pu s’organiser pour limiter les frais supplémentaires, elle insiste : «Il faut faire apparaître clairement sur le descriptif du pass qu’il y a un risque de ne pas bénéficier de réduction sur certains trains».
Sur cette question, la SNCF explique à Vert que «les places peuvent être limitées dans certains trains circulant en période de forte affluence ou sur certaines destinations touristiques ou très fréquentées. Chaque Région définit quels trains peuvent être concernés par une limitation.»
«Pour seulement 49€/mois, voyagez en illimité […]», peut-on effectivement lire sur le site de la SNCF. Pour Gilles Laurent, président de la Fédération nationale des associations d’usagers du transport (Fnaut), le terme «illimité» est «un peu abusif». «Cette obligation de réservation rend compliquée son utilisation», ajoute-t-il. Il n’est pas possible de réserver deux trains qui partent de la même gare le même jour, ou plus de 6 trajets à la fois.
Le Pass rail proposé cet été est souvent comparé au Pass Jeunes TER, mis en place pendant les étés 2020 et 2021, qui permettait aux 12-25 ans de monter dans n’importe quel TER pour 29 euros par mois. Ce dernier avait été imaginé comme une mesure exceptionnelle après les confinements pour relancer le train et le tourisme en France.
Loin de la promesse initiale
En septembre dernier, lors d’une interview accordée au média Hugo Décrypte, le président Emmanuel Macron avait assuré «être favorable» à la mise en place d’un Pass rail «sur le modèle allemand», et avoir «demandé au ministre des Transports de lancer, avec toutes les régions prêtes à le faire, le même dispositif». Depuis mai 2023, l’ensemble des Allemand·es peut emprunter les transports en commun (bus, tramway, métro) ainsi que dans les trains régionaux (notre article) en illimité pour 49 euros par mois.
«La promesse était de mettre en place le Pass rail allemand, puis ça s’est dégonflé petit à petit», observe Patricia Pérennes, économiste spécialiste du ferroviaire à Trans-missions, une entreprise de conseil auprès des pouvoirs publics sur la mobilité durable.
Début juin, lors du lancement officiel du Pass rail – version rabotée -, le gouvernement tablait sur 700 000 ventes. Mi-juillet, seulement 100 000 pass avaient été écoulés. «Je ne suis pas du tout surprise par ce chiffre, confie l’économiste. J’ai l’impression que les estimations ont été gonflées pour compenser la promesse non tenue et montrer que ça restait un dispositif ambitieux».
Pour Gilles Laurent, ce chiffre est «un échec», car cela signifie qu’il touche une très petite minorité des jeunes éligibles à ce dispositif. «Ce n’est pas une offre grand public, elle s’adresse à des convaincus», constate Patricia Pérennes.
Pour l’économiste de Trans-missions, «même si ce Pass rail ne va pas changer la facette du monde, il permet de créer des générations qui prennent l’habitude de voyager en train». Un dispositif imparfait, mais qui a le grand mérite de porter un nouvel imaginaire autour d’un voyage écologique pour les jeunes générations.
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Photo d’illustration : © Wikimedia Commons