Chronique

«L’Eau qui reste», une fiction intime dans le monde brûlant de 2050

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Entre Nice et Paris, le pre­mier roman de Marine Weber nous entraîne avec poésie sur les traces de Zita, jeune femme pas­sion­née d’horlogerie qui cherche sa place dans un monde où tout s’apprête à bas­culer.

Dans la «vraie vie», Marine Weber est chercheuse à l’Institut de rela­tions inter­na­tionales et stratégiques (Iris). Elle est spé­cial­iste de la prospec­tive, dis­ci­pline qui con­siste à éla­bor­er des scé­nar­ios sur le développe­ment futur de sit­u­a­tions actuelles, dans le domaine de la géo-ingénierie, cet ensem­ble de tech­niques cher­chant à mod­i­fi­er les proces­sus naturels au prof­it des humains. Une manière de se pré­par­er à ce qui va venir et, dans le cas de Marine Weber, sou­vent au pire.

Ces élé­ments imprèg­nent son pre­mier roman, L’Eau qui reste, paru fin avril 2023 aux édi­tions du Delf. Car Marine Weber exerce aus­si ses tal­ents d’anticipation dans le champ lit­téraire. «J’ai tou­jours le réflexe de con­ver­tir des objets d’analyse en réc­it. Sur le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, ce qui se passe est à la fois dép­ri­mant et pour­voyeur de telle­ment d’intrigues for­mi­da­bles ! J’avais envie d’en tir­er une fic­tion», con­fie-t-elle à Vert.

Dans ce roman, on suit le par­cours sin­ueux de Zita, entre Nice et Paris, au mitan du 21ème siè­cle. L’eau manque et monte inex­orable­ment à la fois ; les Français·es évolu­ent dans un univers asep­tisé, orchestré par des batail­lons de drones. Dans ce monde nou­veau, la vio­lence peut sur­gir à chaque instant.

Thésarde, Zita se pas­sionne pour les hor­loges et les vieilles mon­tres qu’elle répare. Une manière de con­trôler ce temps ter­restre qui ne cesse de s’emballer ? Le choix de l’autrice de don­ner une place cen­trale aux sen­sa­tions et à l’onirisme apporte un souf­fle par­ti­c­uli­er à ce réc­it, où l’écriture restitue le va-et-vient tur­bu­lent entre l’héroïne et un monde au bord de l’effondrement.

Dans ces temps trou­blés, l’amour, l’amitié et les liens fil­i­aux sont autant de bouées. «J’ai beau­coup tra­vail­lé avec mon édi­teur pour laiss­er le champ libre à l’intime. Je ne voulais pas faire un traité fic­tion­nal­isé sur le cli­mat, mais bien trans­former cette sit­u­a­tion en une expéri­ence sen­sorielle, exis­ten­tielle.» Pari réus­si.

«L’Eau qui reste», de Marine Weber aux Édi­tions du Delf (2023), 256 pages, 19€.