Vert | Tranquilou filoute

Chères toutes et chers tous,


Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres puisque nous avons le plaisir de vous présenter Anne-Claire Poirier, nouvelle plume de Vert ! C'est elle qui mitonnera votre lettre quotidienne tout au long de cette semaine. 


Boulets cachés dans les fonds marins, ballets clandestins : les militant•e•s du climat ne sont jamais à court de ruses pour lutter contre l’inaction de leurs gouvernements.  

Jeunes pour le climat : marches ou grèves

Malgré les restrictions liées à la pandémie, plus de 3 000 événements étaient organisés à travers le monde, vendredi et samedi, pour marquer la rentrée de Fridays For Future, le mouvement mené par l'activiste suédoise Greta Thunberg. 

Des milliers de jeunes ont défilé à travers l'Europe, comme à Berlin ou à Vienne, rapporte l'AFP, ainsi qu'ailleurs dans le monde, en Inde ou au Bangladesh, détaille le Guardian. En Suède, le cortège emmené par Greta Thunberg à Stockholm (Suède) a été limité à 50 personnes. Covid oblige, les mobilisations physiques sont restées relativement sporadiques et les jeunes se sont surtout mobilisé•e•s virtuellement sous le hashtag mondial #FightClimateInjustice.

En Ouganda, les militants se mobilisent contre l’exploitation abusive de la forêt de Bugoma. Ils ont été arrêtés par la police puis relâchés. © Fridays For Future Uganda

A Toulouse, Cergy-Pontoise ou Nantes, des marches et rassemblements ont tout de même eu lieu dans plusieurs grandes villes de France. La mobilisation était marquée par le premier anniversaire de la catastrophe industrielle de Lubrizol, avec l'organisation d'une marche au départ de l'usine, près de Rouen. 

Samedi, une centaine de militant•e•s ont monté un camp climat sur la place Sainte-Marthe, dans le Xe arrondissement à Paris, comme le raconte Libération. Une journée placée sous le sceau de la « convergence des luttes » : des personnalités telles que l'économiste Thomas Piketty ou Fatima Ouassak, présidente de l'association Front de mères, se sont succédé•e•s au micro pour parler écologie, féminisme, banlieues ou transformation sociale.

Comme elles et ils l'ont indiqué sur leur site, les militant•e•s de Youth for Climate France estiment désormais « nécessaire de créer une culture de résistance au niveau local, protégeant les lieux auxquels nous tenons, en ouvrant notamment des “Maisons d’écologie et des résistances”, en reprenant des terres pour en faire des potagers collectifs, en proposant des programmes scolaires écologiques, en encourageant généralement toute initiative collective allant vers une société juste pour l’ensemble du vivant ».

Un groupe écologiste devrait faire son retour au Sénat. Dans le prolongement de la « vague verte » aux législatives, Europe écologie - Les Verts (EELV) a remporté six nouveaux sièges lors des élections sénatoriales de dimanche. 10 élu•e•s sont nécessaires pour se constituer en groupe – Public Sénat

• La Pologne s'est engagée à fermer sa dernière mine de charbon en 2049. Elle avait précédemment rejeté l'objectif actuel de l'UE de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Le pays est dépendant à 80% du charbon pour sa production d'électricité et quelque 80 000 mineurs travaillent toujours dans le secteur – AFP

• Bercy met son veto au malus au poids des voituresune des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a refusé qu'il apparaisse dans le projet de budget pour 2021 présenté ce lundi. Le ministère de la Transition écologique n'en démord pas et pourrait l'introduire dans un projet de loi à venir qui doit reprendre des suggestions de la CCC – Les Echos

L'avion « zéro carbone » n'existe pas

Ils disent qu'ils voient pas le rapport. Afin de réduire les émissions de CO2 de l'aviation, Airbus vient d'annoncer le développement d'un avion à hydrogène d'ici 2035 ; un pansement sur une jambe de bois, pour Supaero-Décarbo. 

« Le sujet n’est pas uniquement de transformer les avions, mais bien l’aviation toute entière !», peut-on lire dans une tribune, publiée le 24 septembre par ce collectif d'ingénieur•e•s de l'aéronautique. Elles et ils soulignent tout d'abord les nombreux défis techniques et scientifiques qui entourent l'ambitieux projet de l'avionneur : « si l’hydrogène est déjà utilisé dans le spatial, faire voler un avion sur plus de 3 000 km avec des passagers à bord est un sujet d’une toute autre ampleur qui comporte son lot d'incertitudes ».

Les auteur•rice•s rappellent également que l’hydrogène est aujourd'hui produit à 95% à partir de matières fossiles (oxydation d'hydrocarbures, vaporeformage de méthane et gazéification de charbon) et que la transition vers un procédé bas carbone nécessitera des investissements massifs. « Comme tous les grands programmes, celui-ci comporte donc naturellement des risques qui [...] ont des conséquences sur le rythme et les objectifs de décarbonation du transport aérien alors que le temps joue contre nous ».

Surtout, ces ingénieur•e•s – dont certain•e•s travaillent pour Airbus – désespèrent de voir émerger une stratégie plus globale qui permettrait de respecter les impératifs climatiques. « Le “budget carbone +2°C”, permettant de maximiser nos chances de rester sous la barre des +2°C par rapport à l’ère préindustrielle, correspond à une trajectoire réduction de 5% de nos émissions, tous les ans entre 2018 et 2050 ». Or « à ce jour, nous n’avons pas connaissance d’une stratégie globale, autour de cette annonce d’Airbus, permettant au transport aérien de piloter ses émissions en cohérence avec ce budget carbone ».

En conclusion, elles et ils estiment qu' « aucune trajectoire de transformation du secteur aérien n’est crédible au regard des enjeux climatiques si elle n’intègre pas de réflexion sur les missions essentielles de l’aviation ». L'aéronautique a toujours un avion de retard.

• Les trottinettes électriques aggravent le bilan carbone de Paris. Elles ont entraîné l'émission 13 000 tonnes de CO2 supplémentaire en un an, ce qui équivaut aux émissions annuelles de 16 000 Français•es, précisent les autrices d'une étude. Le bilan carbone de leurs composants est très lourd, leur durée de vie trop courte et elles remplacent surtout des modes de transport peu émissifs - Le Figaro

• La quantité de plastique dans les océans pourrait tripler d’ici 2040 pour atteindre 29 millions de tonnes, selon un rapport publié dans Science pointant la faible ambition des politiques actuelles de lutte contre le plastique. Une transformation complète de notre utilisation du plastique pourrait réduire la pollution de 80% en deux décennies – Novethic

Des (gros) cailloux dans la chaussure des pêcheurs

Une idée qui fait plouf ! Afin de faire appliquer la loi protégeant le banc de sable du Dogger Bank, au large des cotes britanniques, Greenpeace a décidé de miner le fond de la mer avec de gros rochers de granit.

Riche en biodiversité, ce secteur de la mer du Nord a été classé « zone spéciale de conservation » en 2017, sans que le gouvernement britannique ne mette en œuvre les mesures assorties, comme le raconte The Times. De sorte que le chalutage industriel s'y est accru ces dernières années.

Au cours du mois de juin 2020, Greenpeace a suivi 19 chalutiers dans la zone, dont 11 ont ostensiblement enfreint les règles sur la pêche dans ce secteur.

© Greenpeace

Posés au cours de la semaine dernière, ces boulets massifs pesant jusqu'à trois tonnes empêchent désormais les chalutiers de racler les sols sous-marins sans risquer de casser leur filet. Dans un communiqué, l'antenne britannique de Greenpeace a fait savoir qu'elle retirera les rochers seulement si le gouvernement britannique prend des mesures appropriées.

L'ONG milite notamment pour l'interdiction des navires de pêche industrielle, destructeurs de biodiversité, tels que les chalutiers de fond. Elle estime que ce bannissement sera plus facile à mettre en œuvre une fois que le Royaume-Uni aura quitté l'Union européenne et sa Politique commune de la pêche. 

Ballet climatique

En Russie, le droit de manifester fond au même rythme que la Sibérie. De quoi stimuler l'imagination des militant•e•s pour le climat en ces deux journées d'actions du mouvement Fridays for future : « Nous ne sommes pas autorisés à faire la grève pour le climat, alors nous dansons pour lui » a expliqué Sonya Epifantseva, une jeune militante russe, sur Twitter. A Moscou, plusieurs dizaines d'activistes se sont donné•e•s rendez-vous pour un étonnant ballet éclair mimant l'état du monde. « Incroyablement courageux et inspirant ! », a applaudi la militante suédoise Greta Thunberg.

© Sonya Epifantseva