Vert #0.8 : des forêts de promesses

Après l'avoir supprimé l'an dernier, les députés réintroduisent l'avantage fiscal pour le carburant à base d'huile de palme. Pendant le débat dans l'hémicycle sur le projet de loi de finances, un amendement soutenu par le gouvernement a été déposé en dernière minute. Celui prévoit de maintenir l'huile de palme dans la liste des biocarburants, qui profitent d'une taxation plus légère que les hydrocarbures, et ce jusqu'en 2026. L'amendement a été voté par la majorité sans faire l'objet de discussion en séance. 

Ce qui a fait bondir sur Twitter le député Matthieu Orphelin, ancien membre de la majorité, qui tance un « recul déplorable (et en catimini) au #PLF2020 sur l'#huiledepalme […] Une belle victoire pour Total qui peut sabrer le champagne ce soir. »

En France, le pétrolier Total produit du carburant à base d'huile de palme dans sa nouvelle raffinerie de la Mède, située dans les Bouches-du-Rhône, qui doit traiter 650 000 tonnes de graisse et d'huile par an, comme le raconte le Parisien

Issu de la culture du palmier à huile, ce produit est à l'origine de déforestations massives en Asie du Sud-Est et en Afrique. C'est ce qu'explique très bien l'association France Nature Environnement dans cette note

L'association Greenpeace a également réagi, en exhumant une citation de la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, datant de cet été :

Déforestation importée

Hasard du calendrier, ce vote intervient précisément un an jour pour jour après la mise en placepar l'Etat de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). L'objectif qui y était annoncé : « amener chaque acteur […] à modifier ses comportements pour diminuer ses impacts sur la forêt. [La SNDI] vise, dans un premier temps, les matières agricoles qui contribuent le plus à la déforestation importée : le soja, l’huile de palme, le bœuf, le cacao », etc. 

Mercredi 14 novembre, avant même le vote des députés sur l'huile de palme, Greenpeace déplorait déjà que rien n'ait été fait depuis un an, comme le raconte Ouest-France. Selon l'ONG, l'autorisation faite par l'Etat à la raffinerie de la Mède d'importer 550 000 tonnes d'huile de palme par an, augmentera les importations françaises de ce produit de 64%. 

L'autre grand responsable de la déforestation importée (ce terme désigne l'impact des produits consommés en France dont la culture nécessite de raser des forêts sur d'autres continents), c'est le soja. Des milliers d'hectares de la forêt amazonienne sont rasés chaque année pour cultiver cette légumineuse dont la France est l'un des principaux importateurs européens. D'après Greenpeace, toujours citée par Ouest-France, la France doit tenter d'atteindre une « autonomie protéique », ce qui implique de « prendre des mesures pour réduire les volumes de production et de consommation de viande et de produits laitiers ». Car les surfaces agricoles existantes ne sont pas suffisantes actuellement pour répondre à la demande en soja, utilisé pour nourrir à la fois les humains et les animaux.

Élevage

L'élevage figure en bonne position parmi les principaux responsables de la déforestation à travers le monde. Pratique nécessaire pour faire pousser les céréales et légumineuses dont le bétail se nourrira, et pour laisser paître ce dernier. Hélas, comme le raconte le Mondel'humanité n'a jamais consommé autant de viande : 333 millions de tonnes sont produites chaque année, presque 5 fois plus que dans les années 1960. Un changement alimentaire mondial qui génère son lot d'émissions de gaz à effet de serre, dues notamment aux flatulences bovines : à peu près autant que le secteur des transports. L'article cite également un rapport de Greenpeace (décidément) de mars 2018, selon lequel la production de viande et de produits laitiers couvrirait jusqu'à 80% des surfaces agricoles mondiales. Selon la FAO (l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), la production annuelle de viande pourrait grimper à 524 millions de tonnes en 2080. D'ici là, la catastrophe climatique en aura probablement décidé autrement.

Bébés sans bras

Pour la première fois, une enquête préliminaire a été ouverte, jeudi, dans l'affaire des « bébés sans bras ». Lancée par le parquet de Marseille, celle-ci fait suite à la plainte pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois » déposée cet été par les parents de Louis, né en 2012 dans l'Ain.

En quelques années, plusieurs enfants sont nés avec des malformations aux membres supérieurs dans l'Ain, le Morbihan et la Loire-Atlantique. Des enquêtes ont été menées par Santé publique France et l'Anses, qui ont conclu à l' « absence d'excès de cas » dans l'Ain. En Loire-Atlantique, le recensement n'est pas terminé. Plusieurs familles ont accusé les pouvoirs publics d'avoir bâclé les enquêtes. Dans l'Ain, certaines familles soupçonnent la responsabilité de polluants dans l'eau. 

Pour y voir plus clair, France Info a publié un récapitulatif en 7 actes de cette affaire complexe.

Nucléaire

Les quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Cruas, en Ardèche, devraient rouvrir début décembre, a annoncé EDF, dans un communiqué. La centrale est fermée pour vérifications depuis le séisme de magnitude 5,4 qui a touché la Drôme et l'Ardèche ce lundi. Plus d'informations dans le Monde.

Déchets

« Biosourcés », « compostables »... Les supermarchés rivalisent d'inventivité pour continuer à offrir des sacs plastiques à leurs acheteurs de fruits et légumes. Pour réduire leur impact écologique, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) propose de rendre payants ces sachets jetables. L'Ademe suggère également d'abandonner la mention « biodégradable », qui sous-entend que l'on pourrait les jeter dans la nature, ainsi que celle de « compostable en compostage domestique ». Qui, en effet, met réellement son sac dans le compost ? 

L'agence a par ailleurs testé la « compostabilité » de ces sacs, qui sont les seuls en plastique encore autorisés. Résultat, dit la note détaillée par Actu Environnement : « des morceaux de plastiques inférieurs à 5 mm, qui restent biodégradables par des micro-organismes, sont encore présents à douze mois en compostage domestique et à six mois en compostage industriel ». L'Ademe préconise donc de privilégier les sacs réutilisables.

Transports

Zones à ultra faibles émissions, péages urbains, loterie de plaques d'immatriculations... Le New York Times montre comment plusieurs grandes villes à travers le monde essaient de réduire la place de la voiture.

Voilà une décision qui fait l'unanimité chez les militants et associations environnementales : la Banque européenne d'investissement (BEI) a annoncé la fin des subventions aux énergies fossiles d'ici 2021Dans un communiqué, la BEI a promis d'« accélérer l'innovation en matière d'énergie propre, d'efficacité énergétique et de renouvelable » dans ses prochains financements. Enfin et surtout, le groupe BEI, qui compte également le Fond européen d'investissement, annonce le déblocage de mille milliards d'euros dans la décennie 2020 en faveur de « l'action climatique et l'investissement environnemental durable ».

Du « Nature porn » pour se rincer l'oeil. Vous avez cinq minutes devant vous et vous voulez vous faire du bien ? Le Guardian publie les clichés lauréats du festival de photo Nature talks. Et c'est très très joli.