Ubu, roi du pétrole


Le pétrole est plus que gratuit, le secteur aérien sous perfusion... Serait-ce les derniers spasmes d'un monde irrespirable ? 

Du pétrole plus que gratuit

Ubu, roi du pétrole. Pour la première fois de l'histoire, le baril de pétrole s'est vendu à un prix négatif à la bourse de New York, lundi 20 avril. 

Cette situation absurde est le résultat de deux facteurs : d'une part, la guerre des prix menée entre l'Arabie Saoudite, la Russie et les Etats-Unis, qui a entraîné une hausse de la production mondiale, comme Vert l'avait expliqué. En parallèle, les mesures de confinement prises à travers la planète ont fait chuter brutalement la demande, d'un tiers environ, en quelques semaines. 

© Dr Pepper Scott

Les producteurs et investisseurs ne trouvent plus de débouchés pour leurs barils et les capacités de stockage diminuent ; la production continue sur le même rythme car il est difficile et coûteux d'arrêter un puits de pétrole. Résultat : les contrats pour la livraison de pétrole en mai, qui arrivaient à expiration ce mardi, ont été cédés à -37,63 dollars lors de la folle séance de lundi. Autrement dit, les investisseurs ont payé leurs acheteurs pour les débarrasser de ces litres en trop. Preuve, s'il en fallait, de la déconnexion de la finance avec le monde physique. 

Pour l'économiste et porte-parole d'Attac, Maxime Combes, cet épisode démontreque « laisser les marchés financiers décider des prix des matières premières en situation d'incertitude radicale et de dépression économique est une aberration totale », a-t-il jugé dans une série de tweets

Reste à savoir quelles seront les conséquences climatiques d'une telle situation à long terme. Les prix très bas et la fluctuation délirante des cours du pétrole pourraient décourager les financiers d'investir dans un secteur désormais aussi incertain. A lire dans les Echos

Le Conseil d’État refuse de limiter les épandages agricoles

Un jugement bien timoré. Lundi, le Conseil d'Etat a rejeté la requête portée par l'association Respire, qui réclamait la limitation des épandages agricoles, soupçonnés d'aggraver la mortalité liée au Covid-19

Depuis le début du confinement en France, les niveaux de pollution aux oxydes d'azote générés par le trafic routier ont chuté. Ce n'est pas le cas des particules fines, qui ont occasionné plusieurs pics de pollution depuis la mi-mars. L'ammoniac libéré lors des épandages d'engrais agricoles, dont c'est la saison, participe à la formation de ces particules très nocives pour la santé. 

Or, un nombre croissant de publications scientifiques (voir ci-dessous) pointent la responsabilité de la pollution de l'air dans la propagation et la mortalité liée au Covid-19. Une étude, publiée le 7 avril par l'université de Harvard, suggère qu'une exposition à long terme à la pollution aux particules fines augmenterait les risques de mourir du coronavirus. 

Dans leur ordonnance, les juges ont tout de même tenu à recommander aux autorités de « faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire, en veillant à ce que soient prises, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes », etc. Le dernier fermera la porte. A lire dans le Monde (abonnés).

Le trafic routier, possible responsable d'une surmortalité du Covid-19

La responsabilité de la pollution de l'air fait de moins en moins de doute. Publiée lundi dans la revue Science of the Total Environment, une étude établit un lien entre une exposition prolongée au dioxyde d'azote et un taux de mortalité au Covid-19 accru

Les scientifiques ont analysé les données issues de 66 régions administratives d'Italie, d'Espagne, de France et d'Allemagne. 78% des 4 443 morts recensés au moment de l'étude provenaient de seulement cinq régions, dont quatre en Italie du Nord et celle de Madrid, en Espagne.

La concentration en dioxyde d'azote dans l'air en Europe en janvier-février 2020 © Copernicus

Le point commun de ces régions : ce sont celles qui affichent les plus fortes concentrations de dioxyde d'azote dans l'air et elles sont peu exposées aux vents, ce qui réduit la capacité de dispersion des polluants. Le dioxyde d'azote (NO2), est un gaz nocif issu de la combustion : il est produit en grande partie par le trafic routier, ainsi que par le chauffage aux énergies fossiles et à l'industrie.

Comme le rappellent les scientifiques, la forte présence de NO2 dans l'air augmente les réactions inflammatoires dans les poumons et diminue la faculté du corps à lutter contre l'infection au coronavirus. S'il reste à discriminer d'autres facteurs, comme l'âge ou l'état de santé initial des victimes, les auteurs estiment qu'une longue exposition à un air pollué pourrait être l'une des cause d'une surmortalité du Covid-19. A lire dans le Guardian (en anglais). 

Les voitures électriques, définitivement « moins pires » que les autres 

Le débat est clos : peu importe par quel bout on prend l'équation, la voiture électrique produit bien moins de CO2 que son homologue thermique

C'est ce qui ressort d'une étude menée conjointement par Libération et l'ONG Transport & Environment, qui ont mis au point un outil (en anglais) permettant de faire une comparaison fine entre les deux types de véhicules. 

Selon les pays où elles roulent, l'énergie qui alimente les voitures électriques peut être produite par des centrales nucléaires, ou à charbon. Les véhicules généreront davantage de CO2 dans le deuxième cas. Idem pour les batteries : fabriquées en Chine, elle auront un bilan carbone bien supérieur à celles construites en Europe.

Mais contrairement à l'idée assez répandue selon laquelle une voiture électrique polluerait autant qu'une essence, le simulateur montre que ce n'est jamais le cas. Exemple : une grande voiture (type série 3 de BMW), dont la batterie est fabriquée en Chine et qui roule à l'électricité au charbon de Pologne produira toujours moins de CO2 (192 grammes par kilomètre) que sa version à essence (284g/km).

Au reste, la production d'électricité actuelle ou future ne permettra jamais de remplacer l'intégralité des voitures à essence. Mais au moins, on sait désormais que l'une est « moins pire » que l'autre. Plus d'informations dans Libération

Faut-il sauver le secteur aérien ? 

La crise née du Covid-19 met à terre l'ensemble du secteur aérien mondial. Certains gouvernements se sont déjà rués sur leurs chéquiers pour renflouer leurs compagnies aériennes. Même si celles-ci sont des responsables de premier plan du réchauffement climatique et qu'elles sont issues d'un secteur « structurellement en perte depuis sa création et qui ne survit que grâce au soutien des Etats », comme l'écrit Philippe Escande, journaliste du Monde, dans une chroniqueD'où cette question, posée par Brut : faut-il sauver le secteur aérien ? 

© Brut