La quotidienne

Ramener la COP à la raison

Chères toutes et chers tous,

🎙️ Pendant toute la COP28, notre envoyé spécial Loup Espargilière est en direct tous les jours de Dubaï sur France Inter dans la Terre au carré à 14h35. Il vous y raconte les dessous des négociations et les découvertes les plus déroutantes de sa journée. Alors, à vos antennes !


Entre les lobbyistes et les adeptes du tout technologique, la COP va-t-elle remettre un peu de logique pour s’atteler à l’urgence climatique ?


À la COP28 de Dubaï, j’ai trouvé LA technologie qui nous sauvera de la crise climatique

Notre journaliste Loup Espargilière a déambulé entre les gratte-ciels de Dubaï et dans les allées de la COP28 à la recherche d’une solution miracle pour le climat. Il n’a pas été déçu. Récit à la première personne.

Depuis que j’ai posé le pied sur le sol émirati pour la première fois, ce même sol sur lequel un président de la compagnie pétrolière nationale peut aussi diriger un géant des renouvelables et un sommet mondial sur le climat, un sentiment m’habite : celui que la solution à tous nos problèmes se trouve sur cette terre de tous les possibles.
 

Greenzone

Arrivé à la COP, je délaisse assez rapidement la «zone bleue», lieu de soporifiques tractations sur d’aussi pénibles «pertes et dommages» et autre «bilan mondial», pour me tourner vers la «zone verte», ou «greenzone», dont le nom fait déjà frétiller le Bertrand Piccard qui est en moi. Oh qu’elle est green, cette zone. De colossaux panneaux solaires en forme de parasols, qu’on croirait sortis d’un film d’anticipation, ombragent mes premiers pas.

Je suis d’emblée subjugué par le logo de la COP28. Ce cercle parfait d’un profond bleu-vert, que ne renierait pas un média sur l’écologie, se grave instantanément sur ma rétine. Reflet d’Émirats transis de transition, on y devine la silhouette d’un pur-sang arabe, d’un fauconnier, d’un dromadaire ou d’un Dugong - cette vache des mers assez bien élevée pour ne roter aucun méthane. Un trio de panneaux photovoltaïque se tire la bourre avec deux triplettes d’éoliennes. Et tant pis si l’électricité du pays est produite à 97% par du charbon et du gaz. De l’air ! Signe que nous ne sommes pas au pays des décroissants, un avion (vert, quoi d’autre ?) s’envole vers le soleil.

Dans la «greenzone» de la COP28 sur le climat à Dubaï, le Vinfast VF9, un SUV électrique de 2,6 tonnes, me promet «des lendemains plus verts» © Loup Espargilière/Vert

Sur la carte, mon regard est happé par le «centre de technologie et d’innovation». Mais avant de me rendre en ce lieu si prometteur, je fais défiler sur mon smartphone le menu des innombrables conférences organisées par les partenaires plus ou moins officiels de l’événement. Mon cœur balance : faut-il que j’aille écouter Microsoft et Google deviser sur «le rôle remarquable de l'IA dans la lutte contre le changement climatique» ? Ou McKinsey «éclairer le lien vital entre la technologie et l'action en faveur du climat» ? Vu les bons conseils prodigués par le géant américain pendant des décennies à BP, Exxon Mobil, Gazprom, Saudi Aramco et autres ogres du pétrole (de quoi engranger quelques centaines de millions de billets verts), je me dis que la solution viendra sûrement de chez eux.

👉 La suite de ce florilège de greenwashing où Loup découvre la police «durable» à moto électrique et les yachts «neutre en carbone» est à lire sur vert.eco 

· Lundi, le Parlement et le Conseil européens sont parvenus à un accord pour promouvoir des règles plus strictes en faveur de l’écoconception, cette méthode qui vise à intégrer les aspects environnementaux dans la fabrication et le cycle de vie des produits. Ce nouveau règlement prévoit l’interdiction de détruire les vêtements et les chaussures invendus dans toute l’Union européenne. - Euractiv

· Mardi, une étude publiée par l’Agence nationale de contrôle du logement social a indiqué que 300 000 logements sociaux (soit 6% du parc) en France étaient des «passoires thermiques» avec une étiquette énergétique F ou G. - Sud Ouest

· Mardi soir, les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs se sont félicités d’avoir obtenu du gouvernement le retrait prochain d'une taxe sur les pesticides et les prélèvements en eau. Un manque à gagner de 47 millions pour les agences de l’eau à qui l’argent était destiné. - Marianne

· Entre fin juillet et mi-novembre, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu a effectué 6 déplacements en jet privé aux frais de l’État pour se rendre dans différentes villes françaises (Montpellier, Perpignan, Grenoble, Nice, Metz, Calais). C’est ce qu’a récemment révélé une enquête de la Topette, journal local du Maine-et-Loire. - Libération

Les jeunes engagé·es. Victoria Guillomon, 25 ans, et Johan Reboul, 24 ans, font un périple de six mois jusqu’en Inde, sans avion, pour réaliser un documentaire sur la préservation de l’eau et vulgariser ces enjeux sur leurs réseaux sociaux. Tous deux ont fait un détour par Dubaï pour intégrer la délégation française à la COP28 sur le climat. Du stop en Arabie Saoudite au pneu crevé dans le désert, elle et il nous ont raconté leurs aventures et leur volonté d’incarner une sobriété joyeuse, dans un entretien à lire sur vert.eco

Victoria Guillomon et Johan Reboul dans les allées de la COP28 sur le climat à Dubaï © Loup Espargilière / Vert

Au moins cinq «points de bascule», dont la mortalité généralisée des récifs coralliens et l’effondrement des principales calottes glaciaires, sont en passe d’être franchis, alerte un rapport intitulé Global tipping points, et réalisé par une équipe de plus de 200 scientifiques, publié ce mercredi. Un «point de bascule» correspond à un petit changement qui entraîne une transformation rapide et souvent irréversible - qu’elle soit positive ou négative. Le rapport recommande la sortie des énergies fossiles «bien avant 2050», l’amélioration de l’adaptation et la prise en compte de ces points de bascule aux effets domino dans les politiques climatiques internationales. Le Danemark vient de se positionner en faveur d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre européennes de 90% en 2040 par rapport à 1990. Il est ainsi le premier pays à s’aligner avec les recommandations émises en juin dernier par le Conseil scientifique consultatif européen sur le climat. Le Green deal (la stratégie climatique européenne) prévoit actuellement une baisse des émissions de 55% en 2030 et la neutralité carbone (l’équilibre entre le CO2 émis et le CO2 compensé) dès 2050, sans objectif intermédiaire en 2040.

Nikita Zimov à la COP28 à Dubaï © Loup Espargilière / Vert

Jurassic Park ? Très peu pour lui. L’écologue Nikita Zimov veut son «Pléistocène Park» : une réserve naturelle dans les steppes du nord-est de la Sibérie où redonner vie aux vastes populations d’herbivores (bisons, dromadaires, et - «pourquoi pas» des mammouths, si les généticiens les raniment) décimées par les humains à la fin de la dernière ère glaciaire. Leur retour permettrait de faire revenir l’herbe qu’on trouvait là avant, en mangeant toutes les mousses qui ont pris la place depuis. De quoi, entre autres vertus promises, stocker plus de carbone dans les sols, compacter et garder la neige plus longtemps afin de mieux refléter les rayons du soleil dans l’espace et ralentir le dégel du permafrost.

Le site existe déjà, mais pour lui donner vie et l’agrandir, Nikita Zimov a besoin de roubles. Beaucoup de roubles. Son projet est sponsorisé par la fondation d’Andreï Melnitchenko, oligarque russe qui a fait fortune dans le… charbon. «Ce n’est pas terrible», concède Nikita Zimov, mais, dit-il, «peu de gens peuvent soutenir ce genre d’activités en Russie». Et les autres géants du charbon, eux, «ils s’en foutent carrément».

Pour tout l’or noir du Guyana

Don’t feed the pétrole. Que se passe-t-il dans la région de l’Essequibo, située entre le Venezuela et le Guyana ? Dimanche dernier, Caracas a organisé un referendum pour savoir si cette zone riche en pétrole qui appartient au Guyana, devait être rattachée au Venezuela. Dans cette vidéo, Arte décrypte en deux minutes et à l’aide des cartes les implications de ce coup de force du président Nicolas Maduro.

© Arte

+ Jennifer Gallé, Justine Prados, Sanaga et Juliette Quef ont contribué à ce numéro