Pétition, re-pétition, rerere-pétition


Grâce à l'inaction climatique de l'État, l'art français de la pétition a encore de beaux jours devant lui. 

Au Conseil d’État, le gouvernement sommé d’agir pour le climat

Lundi 9 novembre, le Conseil d'État a examiné un recours de la commune de Grande-Synthe (Nord) contre le gouvernement, accusé d'« inaction climatique ».

La France s'est fixé pour objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050 (SNBC) : cette année-là, le CO2 qui sera encore émis devra être intégralement compensé.

Le Conseil d'Etat, à Paris.

Or, pour la commune de Grande-Synthe, qui s'estime menacée de submersion en raison de l'élévation du niveau de la mer, le compte n'y est pas. En janvier 2019, la municipalité avait déposé un recours devant le Conseil d'État pour lui demander de contraindre le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le changement climatique. 

Puis les villes de Paris et Grenoble se sont jointes au recours, ainsi que les associations membres de « l'Affaire du siècle » : en décembre 2018, Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot avaient lancé une vaste pétition qui avait rassemblé plus de deux millions de signatures. Elles avaient ensuite déposé un recours devant le tribunal administratif pour « carence fautive » de l'État dans la lutte contre le réchauffement. Celui-ci devrait être jugé à la fin 2020 ou début 2021, indique le Monde

La vidéo de présentation de l'Affaire du siècle, en 2019

Au cours de l'audience de lundi, le rapporteur public (personnage neutre qui doit éclairer les débats juridiques) a demandé une instruction supplémentaire et donné trois mois au gouvernement pour qu’il produise « tous les éléments permettant de vérifier la cohérence de la trajectoire » de réduction des émissions françaises, rapporte encore le Monde. 

Dans son rapport annuel publié en juillet, le Haut-Conseil pour le climat avait rappelé que la France était hors des clous : « les émissions ont baissé de 0,9 % en 2019 par rapport à 2018. C’est bien au-dessous de la décroissance attendue de 1,5 % par an (en moyenne) [sur la période] 2019-2023 et 3,5 fois moins que celle attendue de 3,2 % par an dès 2025 ».

« Faut-il attendre les échéances de 2030 [−40 %] et 2050 pour enjoindre au gouvernement d’agir ? Non, a tranché le rapporteur public. Face à l’urgence climatique, tout retard pris maintenant ne se rattrapera pas. » Aussi, l'État doit instaurer des mesures contraignantes. 

Les conclusions du rapporteur public sont presque toujours suivies par les juges de la plus haute juridiction administrative, qui rendront leur décision sous deux semaines. À lire dans le Monde (abonnés). 

• Dans un entretien accordé au Guardian, Greta Thunberg dénonce « l’hypocrisie » et le « greenwashing » des dirigeants mondiaux, accusés de repousser l’essentiel de l’action climatique à plus tard. Si la Chine, le Japon, et la Corée du Sud ont récemment annoncé leur ambition d'atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle (Vert), la militante ne s'est pas montrée impressionnée : « On ne devrait pas se focaliser sur des horizons à 10, 20 ou 30 ans. Si nous ne réduisons pas nos émissions maintenant, ces objectifs lointains ne voudront plus rien dire parce que nous aurons épuisé nos budgets carbone depuis longtemps ». - The Guardian (en anglais)

Des projets pétroliers en Seine-et-Marne

Tant puits pour le climat. Nous sommes en 2020 et un pétrolier projette d'ouvrir de nombreux nouveaux puits en Seine-et-Marne

À Nonville, où s'est rendu Libération, Bridgeoil caresse le projet d'exploiter dix nouveaux puits de pétrole, en plus des deux qui y sont déjà en marche. La compagnie désire aussi s'étendre à d'autres communes pour y bâtir quatre plateformes dotées, elles aussi, de puits. 

Un chevalet de pompage en Seine-et-Marne © DR

Hélas, les riverain•e•s ne l'entendent pas de cette oreille. En octobre, une pétition contre les dix puits a recueilli près de 80 000 signatures ; le maire de Fontainebleau, dont la commune est située à 4 kilomètres, s'inquiète des conséquences environnementales sur la forêt du même nom ; et même la ville de Paris, 70 kilomètres plus loin, craint pour la qualité de certaines de ses sources d'eau potable qui passent près du site de Bridgeoil. Des déversements accidentels ont déjà eu lieu à Nonville, et des habitant•e•s disent y sentir un air soufré. De quoi redouter accidents et pollutions. 

Comme le rapporte Libération, Bridgeoil est en difficulté financière. Ses deux puits sont presque à sec et la compagnie compte sur ces nouveaux forages pour se refaire une santé. En décembre 2017, l'actuelle majorité avait pourtant voté une loi mettant fin à l'exploitation d'hydrocarbures sur le sol français d'ici 2040 (Actu-environnement).

Seulement, les compagnies titulaires de concessions peuvent continuer leur activité et ce, même au-delà de 2040, a précisé au Parisien la préfecture de Seine-et-Marne, « si le titulaire d'un permis démontre que la limitation induite par cette échéance de 2040 l'empêche d'atteindre l'équilibre économique ». C'est au préfet, donc à l'État, qu'il appartient désormais de trancher ce projet aberrant au vu de l'urgence climatique. Plus d'informations dans Libération (abonnés). 

Une plateforme de pétitions sur l’environnement

Extinction, pétition. Greenpeace France lance une plateforme de pétitions dédiées à l'environnement

Inaugurée lundi, Greenvoice veut « donner aux citoyennes et aux citoyens les moyens de s’organiser concrètement collectivement et localement pour un monde plus juste et une société plus respectueuse de la nature ». Objectif : permettre à chacun•e de mobiliser facilement à son échelle contre un projet néfaste pour l'environnement ou, par exemple, pour demander davantage de repas végétariens dans la cantine scolaire de sa commune. 

Agriculture, biodiversité, justice sociale et environnementale, transport et urbanisme... La plateforme compte déjà quelques dizaines de « campagnes » classées par thème. On y trouve, par exemple, une pétition contre l'extension de l'aéroport de Roissypour la défense des haies bocagères, ou pour la fermeture du réacteur n°1 de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme). 

En parallèle, Greenpeace a également ouvert au grand public son réseau social jusqu'alors réservé à ses membres : Wegreen.

Vous avez signé la pétition ? 

« Vous avez signé la pétition pour la libération d'Abel Chemoul, prisonnier des geôles fascisss' ? ». Dans ce célèbre sketch des années 1980, les Inconnus se moquaient gentiment des pétitionnaires d'alors qui alpaguaient les passant•e•s dans les rues des villes.

© Les Inconnus Vevo